Madame Michelle Courchesne
Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport
Madame,
Nous tenons par la présente à vous faire part de notre profond mécontentement
quant aux décisions de votre ministère concernant la répartition des transferts fédéraux dévolus
aux cégeps. Ces décisions passent clairement à côté des véritables besoins du réseau collégial.
Dans le contexte actuel, elles nous apparaissent inacceptables.
L’enseignement est au cœur de la mission des cégeps. Pourtant, depuis 15 ans, la
tâche n’a cessé d’augmenter et les ressources de diminuer. Aux coupes liées à l’atteinte du déficit
zéro, à la fin des années 1990, se sont ajoutées, depuis la réforme de 1994 réalisée à coût zéro,
de nouvelles obligations en matière de programme. De plus, un alourdissement important de la charge
de travail des enseignantes et des enseignants, provoqué par l’inadéquation entre le financement et
l’organisation scolaire, des mesures administratives comme la modification de la date d’abandon ou
encore les doubles imputations des ressources enseignantes, n’ont fait qu’accentuer le problème.
Les pertes d’enseignantes et d’enseignants au cours des douze dernières années se chiffrent par
centaines, au moment où les défis deviennent plus importants compte tenu de l’hétérogénéité
croissante des effectifs étudiants, de la baisse des seuils d’entrée et des attentes toujours plus
grandes en matière de technologie, de formation et de réussite.
Dans ce contexte, la décision de votre ministère relative à l’utilisation des
transferts fédéraux consacrés à l’ordre collégial est plus que décevante et nous tenons aujourd’hui
à la dénoncer publiquement à trois égards :
d’abord sur le plan des proportions affectées. Dans la situation actuelle, il
est difficile d’accepter qu’on attribue seulement 10% des sommes à l’enseignement. Autant dire que
l’essentiel de la mission des cégeps a été à peu près ignoré! Il est tout simplement
incompréhensible que 90 % de l’argent neuf injecté dans le réseau collégial échappe à l’e
nseignement comme tel alors que les conditions actuelles handicapent lourdement ce dernier;
de plus et sauf exception, ce 10 % des sommes ne pourra que très difficilement
diminuer le fardeau actuel des enseignantes et des enseignants, puisque vous avez obligé les
collèges à l’engager dans des projets particuliers qui ne contribueront en rien à résoudre les
problèmes vécus dans les salles de classe, problèmes qui affectent directement les étudiantes et
les étudiants;
finalement, Madame la Ministre, nous ne pouvons passer sous silence le fait qu’a
ucune consultation du personnel enseignant n’a été menée concernant les meilleures façons d’u
tiliser ces sommes d’argent. Cette manière de faire occulte délibérément l’expertise et les
connaissances propres à celles et ceux qui oeuvrent pourtant en première ligne.
Votre ministère a participé aux travaux du comité paritaire sur la profession
enseignante au collégial. Ce comité a largement démontré la complexité et l’étendue de la tâche
enseignante actuelle dans les cégeps. Les conseils d’administration des établissements ont reconnu,
à la suite du dépôt du rapport, la nécessité de valoriser la profession enseignante. En toute
logique, nous nous serions attendus à ce qu’une partie importante des sommes en provenance du
gouvernement fédéral soit utilisée tout au moins pour atténuer les problèmes engendrés par le trop
grand nombre d’étudiantes et d’étudiants à encadrer ou par les trop nombreuses préparations, deux
éléments majeurs qui alourdissent notre travail.
Vous en avez décidé autrement. Cela ajoute au ressentiment des enseignantes et
des enseignants, qui n’ont oublié ni décembre 2005, ni l’odieuse loi 43, ni la fin de non-recevoir
envers les représentations que nous avons faites sur la tâche, au cours des deux années de
négociations stériles.
Aujourd’hui, en cette journée mondiale des enseignantes et des enseignants, nous
tenons à vous faire savoir que ces choix nous apparaissent inacceptables. Les cégeps ne peuvent
contribuer utilement au développement de la société québécoise que dans la mesure où leurs
principaux artisans se sentent respectés et que les conditions d’enseignement permettent d’a
tteindre l’objectif d’une éducation de qualité sur l’ensemble du territoire.
Sous peu, nos représentants solliciteront une rencontre pour discuter avec vous
de l’ensemble de cette question. Nous osons espérer que vous accepterez, en cette occasion, d’e
nvisager avec eux les mesures qui s’imposent pour donner un peu d’oxygène à l’enseignement
collégial.
Mario Beauchemin, président de la FEC-CSQ
Jean-Claude Drapeau, président de la FAC
Ronald Cameron, président de la FNEEQ-CSN
Au nom des 9 023 enseignantes et enseignants du collégial ayant endossé
cette lettre
Le 6 octobre 2008