Enseignement comodal: le mirage du « 2 en 1 »


Le 4 février dernier, la ministre de l’Enseignement supérieur sortait enfin de l’ombre pour annoncer des mesures permettant plus d’enseignement en présence au cégep et à l’université. Défendant, depuis le début de la pandémie, des solutions qui favorisent l’enseignement en présence, la FNEEQ ne pouvait que se réjouir d’une telle annonce, mais voilà que la ministre mise sur la pire des solutions: l’enseignement comodal. Or, donner des cours à la fois en présence et à distance, c’est comme utiliser un shampoing et un revitalisant «2 en1». Personne ne se fait plus d’illusion sur son efficacité: il lave à moitié et revitalise à moitié!
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L’enseignement au temps du coronavirus

L’enseignement en présentiel doit demeurer l’idéal vers lequel tendre. Cela dit, nous sommes bien conscients que les mesures de distanciation risquent de compliquer son application. Bien que le scénario le plus envisagé par le MEES et les directions soit celui d’un enseignement « essentiellement à distance » (Breton, 2020), pour le plus grand nombre de cours, des considérations pédagogiques et de liberté académique de même que la préférence marquée des étudiantes et étudiants pour le présentiel nous poussent à privilégier un scénario mixte ou hybride (scénario C dans le tableau à la page suivante) à la session d’automne 2020. Il faut tout de même envisager les besoins des divers modes d’enseignement dans un objectif de réintégration en présentiel. Lire la suite … 

En classe cest mieux

Des témoignages percutants

Expliquer, parler à des écrans noirs, sans rétroaction, corriger en maximisant les commentaires pour que l’élève comprenne ses erreurs, faire face à des étudiants en détresse, préparer des cours à distance, des diapos commentés… Honnêtement, j’ai coupé la matière de moitié. Je suis indulgente. Je ferme les yeux sur leurs faiblesses. Comme on me demande de le faire.

Elles ne vont pas bien nos étudiantes, ils se portent mal nos étudiants et nous, et bien nous, nous tentons de traverser avec eux, avec elles, cette triste période. Cependant, nous aussi nous portons plutôt mal. Nous nous portons mal à force de sentir que nous n’arrivons plus à tisser un lien essentiel, à nouer une relation minimale avec toutes ces têtes empilées dans des dizaines et des dizaines de petites cases sur les surfaces blêmes de nos écrans. Ces têtes fragilisées, anxieuses et esseulées ont plus que jamais besoin d’être soutenues et nous n’y arrivons pas.

S.B., Longueuil

Je me suis métamorphosée en créatrice de contenus en ligne tout en portant divers chapeaux avec mes étudiants : motivatrice, oreille pour les inquiets et les perfectionnistes, thérapeute, informaticienne «à la noix», promoteur d’outils technopédagogiques nouveaux pour moi, bouc émissaire des frustrations et du stress des étudiants.  Les réunions en ligne ont augmenté, les courriels des étudiants, coordinations et des directions ont carrément débordé.  Je  fais donc du « rattrapage » en soirée, la nuit et la fin de semaine.  Et cela, sur fond de travail en vase clos, d’isolement, de préoccupations personnelles quant à ma santé physique et mentale et d’inquiétudes envers celle de mes proches.  Les formations TIC reçues sont de constants rappels que je navigue en mer sur un esquif construit sommairement.  Mes cours synchrones sont plus théoriques et lors des évaluations, le plagiat est en arrière-plan.  Je me donne à 300% alors que je ne sais pas ce que vaudra le diplôme des étudiants que j’essaie d’amener à bon port.  Je rêve de quitter l’enseignement; si seulement je pouvais…

S.J., Trois-Rivières

Enseigner à distance:

C’est revoir quasi entièrement mes paramètres pédagogiques des 15 dernières années.

C’est accepter de faire bénévolement des périodes de tutorat auprès des étudiants afin qu’ils puissent intégrer les notions plus complexes qui nécessiteraient leurs présences en classe.

C’est supporter des étudiants qui sont démotivés, qui pour certains ne sont pas présents dans les cours en ligne; on doit vérifier l’atteinte de leurs compétences par des moyens nouveaux, que l’on doit créer.

C’est repenser nos façons d’évaluer, éviter les situations d’évaluation qui pourraient amener facilement du plagiat.

 

Anonyme, Saint-Hyacinthe

C’est bien beau s’adapter, ce que je suis capable de faire, mais le nombre d’heures de préparation est démesuré pour essayer de faire du synchrone, des capsules asynchrones, de motiver nos étudiants, de préparer des documents et des évaluations d’un nouveau genre en utilisant de nouveaux logiciels, etc. Je tiens à mentionner que je n’ai jamais détesté la correction, mais là ça déborde. Et ce qui est encore plus malheureux, c’est que cette situation de débordement soit devenue la norme pour tous les enseignants avec lesquels je travaille!

Anonyme, Shawinigan

Nous sommes en train de vivre une transformation importante de notre profession… Cela est bien triste car nous sommes en train de perdre le contact véritable et social avec nos élèves mais aussi avec nos collègues et partenaires des différents services. Nous devenons isolés, robotisés, industrialisés à notre tour… Jamais je n’aurais pensé  que cela nous arriverait dans notre domaine mais surtout si rapidement….. Que sera l’éducation maintenant et par quel véhicule passera-t-elle? L’humain ou des machines sans VIE, sans ÂME?

Anonyme, Saint-Jean-sur-Richelieu

Tout le développement des cours en mode hybride, le suivi en ligne des étudiants en difficulté, les corrections lourdes et la supervision des collègues occupent environ 70 à 80h par semaine (7 jours sur 7). Je n’ai même plus de pause la fin de semaine pour souffler un peu pour vaquer à des activités qui me changeraient les idées. C’est l’école, l’école, et encore l’école qui occupe tout l’espace de façon récurrente. Et pourtant, je suis payé 32,5 h par semaine avec 173h d’activités connexes. À 70-80h par semaine, je représente certainement une aubaine pour le Ministère dans ces conditions exécrables.

L.T., Shawinigan

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