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« Sous aucune condition nous ne devrions tolérer la censure dans les milieux académiques », lance la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, dans une lettre aux recteurs rendue publique le lundi 16 janvier. C’est pourtant ce qui est arrivé tout au long de la campagne électorale, alors que le DGEQ interdisait aux syndicats et organisations sociales ne serait-ce que de commenter publiquement les plateformes électorales. De ce fait, les grands enjeux de l’éducation n’ont pratiquement pas été abordés. Fort heureusement, la FNEEQ et la société civile se donnent les moyens pour empêcher la CAQ de « continuer » à mépriser et à museler le personnel de l’éducation.

Dernière campagne électorale et rôle abusif du DGEQ

À l’automne dernier, le comité école et société avait prévu présenter une analyse des plateformes des partis politiques et de leurs promesses en éducation, pour diffusion sur les médias sociaux de la FNEEQ, afin de susciter des débats sur ces questions. Mais le comité a dû restreindre l’exercice à un tableau-synthèse des plateformes, sans autre commentaire possible, distribué par courriel seulement aux membres des exécutifs syndicaux. On est loin du débat qu’une société démocratique devrait avoir.

C’est que l’actuel Directeur général des élections du Québec (DGEQ) interprète la loi électorale de façon si restrictive que son application en devient antidémocratique. La loi électorale considère que « [l]a personne qui fait ou autorise une dépense électorale sans être l’agent officiel d’un parti ou d’un candidat indépendant autorisé est en infraction à la loi » et que « […] les interventions de tiers dans la campagne électorale peuvent être problématiques lorsqu’une dépense est engagée » (Porter, 22 septembre 2022).

Or, selon l’interprétation de l’actuel DGEQ, parce que les membres du comité école et société sont considéré‑es comme des salarié‑es, tout travail portant sur les élections, même un simple relais d’informations sur les réseaux sociaux, pouvait être passible d’amendes. Pire encore, le DGEQ se trouve ainsi à faire exactement ce qu’il interdit :  par son interprétation exagérément stricte de la loi, qui musèle des pans entiers de la société, particulièrement les organisations syndicales et les groupes environnementaux, il permet qu’on éclipse des sujets fondamentaux comme l’environnement et l’éducation, et se trouve ainsi à influencer les élections…! Pendant ce temps, les grands médias et leurs chroniqueurs ont le champ libre pour orienter les débats.

C’est donc, paradoxalement, pendant la campagne électorale que la société civile peut le moins s’exprimer. Tout cela dans un contexte où de nombreux et  nombreuses candidat‑es de la CAQ refusaient localement de participer à des débats démocratiques, dont celui organisé par Vire au vert à Rouyn-Noranda (Duval, 19 septembre 2022), tout en fermant les yeux sur le fait que son candidat dans cette circonscription était alors encore inscrit comme lobbyiste de l’Association minière du Québec, qui représente entre autres la compagnie Glencore, propriétaire de la Fonderie Horne (Gerbet, 17 octobre 2022), laquelle faisait alors les manchettes pour la tolérance gouvernementale sur ses émissions d’arsenic bien au-delà des normes.

Devant cette situation inacceptable, le conseil fédéral de la FNEEQ a adopté, en décembre dernier, la recommandation suivante : « Que le conseil fédéral dénonce l’application exagérément stricte des lois électorales par le Directeur général des élections du Québec comme une entrave à la liberté d’expression des organisations syndicales ; Que le conseil fédéral mandate le comité exécutif afin de contester politiquement et juridiquement si nécessaire l’application des lois électorales faites par le DGEQ et de nouer les alliances les plus larges possibles à cette fin » (FNEEQ, décembre 2022).

Des initiatives citoyennes et syndicales à la rescousse de la démocratie

Lors de ce même conseil fédéral, la FNEEQ recevait Jean-Benoit Ratté du Mouvement pour une démocratie nouvelle, profitant de l’occasion pour réitérer sa position en faveur d’une réforme du mode de scrutin introduisant des éléments significatifs de représentation proportionnelle, ainsi que Jean Trudelle, ancien président de la FNEEQ et coordonnateur du mouvement citoyen « Parlons éducation ». Ce dernier soulignait que, à tout coup, les enseignantes et les enseignants se voyaient menacés de perdre leur emploi s’ils ou elles osaient alerter l’opinion publique au sujet de divers problèmes auxquels les milieux de l’éducation font face. C’est notamment pour contrer cette omerta que le collectif Debout pour l’école a produit le livre Une autre école est possible et nécessaire, dans lequel une centaine de spécialistes du milieu documentent diverses problématiques du monde de l’éducation et proposent des solutions.

Dans la suite logique de cet ouvrage, d’autres groupes citoyens (Mouvement pour une école moderne et ouverte, Je protège mon école publique et École ensemble) se sont joints au mouvement pour proposer une série de 18 forums citoyens qui auront lieu dans 17 villes du Québec entre les mois de mars et juin 2023. Ainsi, puisque les gouvernements actuel et antérieurs n’ont jamais voulu convier les intervenantes et les intervenants du milieu à une réelle consultation sur l’avenir de l’éducation au Québec et sur le sérieux coup de barre nécessaire pour redonner à l’école les moyens de mener à bien ses missions fondamentales, il importe de se mobiliser et de saisir cette occasion de repenser l’éducation en écoutant la voix des gens qui portent cette école à bout de bras. D’ailleurs, la FNEEQ recommande à « ses syndicats affiliés [de] particip[er] activement aux forums régionaux de cette démarche, notamment en y déposant avis et mémoires » (FNEEQ, décembre 2022).

Les thèmes proposés dans le cadre des forums citoyens « Parlons éducation » sont les suivants :

Thème 1 :     Repenser la mission de l’école d’aujourd’hui et de demain;

Thème 2 :     Construire un système d’éducation équitable pour tous les élèves;

Thème 3 :     Viser l’inclusion sociale et culturelle de toutes les populations scolaires;

Thème 4 :     Respecter et valoriser les compétences professionnelles des personnels scolaires;

Thème 5 :     Démocratiser le système scolaire québécois dans toutes ses composantes;

(voir le Document de participation pour plus de détails).

Toujours dans cet esprit de contrer le manque chronique de démocratie dans notre système électoral et la marginalisation des enseignantes et des enseignants des processus de décision, la FNEEQ se donne les moyens d’intervenir dans l’espace public afin d’agir sur l’avenir de l’éducation.

Dans la foulée du rapport L’avenir du français au Québec dans un contexte de mise en concurrence linguistique entre les établissements d’enseignement déposé au conseil fédéral de décembre 2022, la FNEEQ travaillera cet hiver à l’organisation d’une « consultation large des enseignantes et des enseignants en langue d’enseignement et littérature et en français langue seconde [du collégial] : a) sur le contenu et les exigences ministérielles applicables au cours de langue d’enseignement et littérature ainsi qu’à l’épreuve uniforme [de langue d’enseignement (EULE)]; sur la place accordée au corpus littéraire québécois et aux auteurs et autrices issu‑es de la diversité; sur la pertinence de l’EULE » (FNEEQ, décembre 2022).

Ainsi, alors que les cours de français sont constamment présentés à tort comme des obstacles à la réussite (notamment dans le Plan d’action pour la réussite en enseignement supérieur 2021-2026), alors que les solutions mises de l’avant par le gouvernement sont loin de faire consensus et alors que le gouvernement a procédé à une modification du Règlement sur le régime des études collégiales (RREC) sans consultation des enseignantes et des enseignants, ni même du ministère de l’Enseignement supérieur dans le cadre de l’adoption de la Loi 14, la FNEEQ prend les devants pour corriger ce déficit démocratique et redonner la parole à celles et ceux qui devraient être les premières personnes interpellées pour mener à bien ce type de réflexion.

Enfin, la FNEEQ envisage toujours la tenue d’un Grand rendez-vous de la profession enseignante afin de réfléchir de manière intersyndicale à des stratégie d’action qui nous permettraient de nous mobiliser autour d’un nouveau modèle d’éducation. Faisant écho aux États généraux de l’enseignement supérieur (EGES) qui avaient permis, en 2017 et 2018, de dresser un portrait préoccupant d’une école de plus en plus gangrenée par la pieuvre de l’économie du savoir, ce grand rendez-vous s’orienterait davantage vers  l’analyse des principales transformations de la profession enseignante, des menaces qui pèsent sur elle et des stratégies que nous pouvons déployer pour promouvoir  un modèle d’éducation réellement démocratique.

Le comité école et société

On peut contacter le comité école et société par courriel à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca