Congrès de l’Internationale de l’Éducation à Ottawa
Une éducation de qualité pour un monde meilleur

L’Internationale de l’Éducation (IÉ) représente 30 millions de membres provenant du personnel enseignant et d’autres personnels de l’éducation, soit environ 400 syndicats de l’éducation, répartis dans plus de 170 pays et territoires. Cette année elle a tenu en juillet dernier, pour la première fois au Canada, son congrès mondial à Ottawa. La FNEEQ, qui est membre de l’IÉ et une des organisations hôtes de ce 7e congrès mondial, a participé activement aux travaux. En plus des débats prévus à l’ordre du jour du congrès, des personnes déléguées de la FNEEQ ont pris part à des caucus pré-congrès, entre autres, celui sur les droits des LGBT, ainsi qu’au tout premier caucus de l’enseignement postsecondaire et supérieur.

L’enjeu principal de ce congrès consistait à organiser une résistance à grande échelle contre la privatisation et la commercialisation de l’éducation. On sait depuis longtemps que le milieu de l’éducation souffre du développement de modèles limitatifs et normatifs qui reproduisent les méthodes et façons de faire de l’entreprise privée, modèles qui se sont imposés à l’échelle internationale. Si on ajoute à cela l’inclusion explicite de l’enseignement supérieur, et parfois même de l’enseignement de base dans les accords internationaux de libre-échange, il y a de quoi craindre le pire! Cinglante ironie, un discours émerge dans certains pays selon lequel le privé serait la bouée de sauvetage qui assurera le droit à l’éducation pour toutes et à tous!

En effet, dans de trop nombreux pays, le système public d’éducation est grandement déficient, tant pour des raisons politiques qu’économiques; jouant les sauveurs, des multinationales profitent ainsi de cette situation pour créer un véritable marché parallèle de l’éducation de base.

L’école privée à prix modique comme nouvelle forme de marchandisation
Une importante séance de travail a permis de sensibiliser les participantes et participants à cette nouvelle forme de marchandisation de l’éducation qu’on appelle les écoles privées «low cost», c’est-à-dire à faible cout. Un premier tour d’horizon a été́ exposé sur cette nouvelle réalité par Prachi Srivastava, professeure agrégée à l’Université d’Ottawa, qui a fait de ce sujet son principal objet de recherche.

Des multinationales de l’éducation ont en effet mis sur pied dans de nombreux pays des réseaux d’écoles privées à «coût modique» s’adressant aux communautés pauvres. Plusieurs pays africains figurent dans leur ligne de mire. À titre d’exemple, en 2013, sur 30% d’écoles privées au Kenya, 96% se trouvaient dans les favelas. Dans les faits, les frais qui sont exigés des familles par enfant peuvent représenter de 8% à 60% du salaire moyen d’un ouvrier! C’est dire que, malgré leur prétention, ces écoles demeurent généralement inaccessibles aux plus pauvres.

Apparues il y a une quinzaine d’années, ces écoles fonctionnent selon un modèle d’apprentissage normalisé et embauchent habituellement du personnel enseignant temporaire non qualifié et sous-payé. Profitant parfois de subventions de l’État, en particulier dans les pays où le financement du système public d’éducation est le plus faible, ces nouvelles écoles représentent une autre manière de réaliser des profits avec le marché de l’éducation.

Mais plus encore, c’est à la détérioration de l’éducation publique, à la perte de son expertise et à la réduction de son accessibilité que l’on assiste avec l’introduction prétendument compensatoire du privé dans les réseaux publics d’éducation. Ceci se vérifie autant dans les pays riches et dans les pays pauvres.

Le compte-rendu d’une première action politique lancée par un syndicat étasunien contre la multinationale Pearson, un gros joueur dans le domaine, a permis de mesurer l’ampleur du problème. En constatant la diminution des manuels disponibles dans le secteur scolaire public aux États-Unis, la multinationale Pearson s’est d’abord immiscée dans l’évaluation des écoles. Puis, clamant la faillite de l’éducation publique, elle s’est imposée «tout naturellement» dans la vente de publications scolaires, de curriculums académiques et de leurs outils d’évaluation pour améliorer la réussite scolaire. Il aura fallu une importante campagne touchant l’image de la multinationale auprès des actionnaires pour lui faire comprendre que son comportement de prédateur commercial était carrément répréhensible sur le plan éthique et hautement nuisible sur le plan sociétal.

Caucus sur l’enseignement postsecondaire et supérieur
Le caucus sur l’enseignement postsecondaire et supérieur s’est réuni à l’occasion de ce 7e congrès. Il était question, notamment, de la rudesse des attaques néolibérales menant à la précarisation et la privatisation de ce secteur d’enseignement. Cela montre également à quel point il est nécessaire d’avoir une vision politique claire de la situation, dans le but de mieux se mobiliser. Les interventions fréquentes et pertinentes de la FNEEQ ne sont surement pas étrangères à cette prise de conscience. Dans le cadre de ce caucus, notre présidente, Caroline Senneville, a participé à une table ronde sur les contrats à durée déterminée. Elle a souligné l’importance d’améliorer les conditions de travail du personnel enseignant contractuel en tenant toujours compte de la protection des emplois, et de créer des alliances avec toute la communauté universitaire pour mieux protéger l’institution universitaire contre son assujettissement au privé et à l’industrie. L’Internationale de l’Éducation s’est aussi engagée à mettre sur pied un groupe de travail sur l’enseignement supérieur, qui pourra se consacrer aux enjeux de ce secteur entre les congrès.

Une école inclusive pour les LGBT
Malgré des avancées significatives dans plusieurs pays, l’école inclusive reste un droit toujours à conquérir dans le cas des LGBT . Cependant même là où cela semble acquis, les écoles ne sont pas des milieux sécuritaires pour les LGBT et l’homophobie a des impacts majeurs sur la réussite et les aspirations scolaires. Il est ressorti de ce portrait présenté au caucus LGBT que les enseignantes et les enseignants devraient être mieux outillés pour intervenir dans le cadre de leurs cours ou dans les situations vécues d’homophobie, et se sentir davantage soutenus dans leur établissement par l’administration et les collègues.

Contre la privatisation et la commercialisation
Selon le congrès de l’IÉ, «le moment est venu d’apporter une réponse mondiale à la privatisation et la commercialisation de l’éducation». Les représentantes et représentants de l’IÉ ont fait état de leurs interventions locales pour lutter contre la privatisation et la commercialisation de l’enseignement public, mais aussi pour que les gouvernements financent adéquatement leur système public, condition essentielle pour assurer une éducation de qualité à toutes et à tous. La campagne «Uni(e)s pour l’éducation de qualité», toujours active, a été lancée pour faire comprendre le lien nécessaire entre une éducation de qualité et des enseignantes et enseignants qualifiés, disposant d’outils appropriés et pouvant œuvrer dans un environnement de qualité.

C’est sur cette base que les personnes déléguées au congrès ont adopté, avec une belle unanimité, deux propositions essentielles. La première engage les organisations membres à travailler activement pour stopper la privatisation et la commercialisation de l’éducation. La seconde engage l’IÉ à participer aux luttes contre les accords de commerce et d’investissements (PTCI, ACS, AECG, APT, PTCI et autres accords similaires) qui menacent directement l’offre des services publics de qualité.

C’est ainsi à une réponse mondiale et globale que nous convie l’IÉ, pour contrer cette menace à la démocratie que représente le processus de privatisation et de commercialisation de l’éducation qui affaiblit les systèmes publics d’éducation et limite l’accès à une éducation gratuite et de qualité, en entrainant une dégradation des salaires et du statut professionnel, le délabrement des conditions de travail et une instrumentalisation de l’éducation au profit d’intérêts commerciaux.

Caucus Femmes: Privatisation dans et de l’éducation et son impact sur les femmes et les filles
Elaine Unterhalter, professeure en Grande-Bretagne, a mis la table en rappelant le continuum de la privatisation qui commence avec les leçons privées et culmine avec l’essor des grandes corporations mondiales et les PPP. Son analyse des impacts était semée de sa connaissance de diverses situations partout dans le monde.

Retenons de cette analyse d’impacts et des discussions en petits ateliers que les formes de la privatisation ne sont pas toujours explicites et qu’elles prennent diverses formes plus ou moins complexes et insidieuses, notamment pour les femmes.

Les principaux effets sur les femmes et les filles consistent bien souvent à dénigrer l’école publique, où seront alors envoyées les filles, a contrario des écoles privées, souvent valorisées et où seront alors envoyés les garçons. L’autre principale conséquence est que l’ensemble de l’éducation est peu jugé à la loupe des droits humains fondamentaux, lesquels favorisent en principe l’égalité de genre.

Enfin, toutes et tous se sont entendus pour affirmer que nous faisions face à un capitalisme académique et que les syndicats, tout comme les communautés devaient être partis de la lutte contre celui-ci et ses effets pervers sur l’accessibilité et la qualité de l’éducation. Il s’agirait enfin, de faire le point sur le processus de libéralisation, de même que sur les politiques d’austérité, et ses effets sur une privatisation rampante.

NB: La présente chronique se veut un résumé des textes publiés pendant le congrès par les membres de la délégation FNEEQ. Vous trouverez les textes originaux ici: http://www.fneeq.qc.ca/fr/accueil/Evenement/

Le comité école et société
On peut contacter le comité école et société par courriel à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca