Il y a sept ans, l’implantation d’une importante réforme de l’éducation dans les écoles secondaires a soulevé de fortes vagues. Les débats étaient vifs entre ses défenseurs et ses opposants, tandis que les enseignantes et enseignants devaient faire de leur mieux dans des circonstances difficiles. On ne les avait ni consultés, ni préparés convenablement à un pareil bouleversement. Depuis, on a «réformé» cette réforme. Et la paix romaine semble être revenue dans les écoles secondaires. Mais les enseignantes et enseignants sont-ils vraiment satisfaits du nouveau régime?

Comment va l’école secondaire ?

La FNEEQ a consulté ses membres, principalement des écoles secondaires du regroupement privé, pour faire le point, en réponse à une demande du Conseil supérieur de l’éducation.

La grande période de débat sur les fondements de la réforme semble terminée. Les changements faits par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) en 2011 ont éliminé plusieurs des principaux irritants de la réforme : la pédagogie par projet n’est plus privilégiée, l’apport essentiel des connaissances est à nouveau reconnu, le bulletin est chiffré. Les enseignantes et les enseignants ont la liberté d’adopter les méthodes qui leur conviennent et le cheminement des élèves est mieux balisé.

Plusieurs aspects de l’école secondaire restent toutefois à améliorer. Nos collègues ont déploré le retrait de ce qu’ils considéraient comme l’apport le plus «porteur» de la réforme et le plus susceptible d’aider les jeunes en difficulté: le cycle de deux ans. Toutefois, cette mesure posait aussi sa part de problèmes et rendait les élèves vulnérables, par exemple, aux changements de personnel.

La réforme a mis en jeu l’implication des parents dans l’apprentissage des élèves. Le parcours des jeunes est aujourd’hui très différent de celui de leurs parents. Les contenus ont été renommés, ce qui rend difficile la communication. Comment savoir, par exemple, de quoi on parle quand on remplace le terme «règle de trois» par «calcul croisé»? Malgré quelques améliorations, la lecture des bulletins s’avère toujours un exercice de déchiffrement difficile qui plonge plus d’une famille dans le désarroi. Pour les parents, aider leurs enfants se transforme en parcours à obstacles.

Plusieurs aspects de la grille matière ont été critiqués par nos membres. L’un des problèmes les plus flagrants demeure l’enseignement des mathématiques. La voie «intermédiaire» a disparu. Les élèves doivent donc choisir entre une voie avancée, qui rend le risque d’échecs élevé, et une voie moins avancée, qui ne donne pas accès aux programmes du collégial requérant des mathématiques. Cette situation place des élèves trop jeunes devant un choix difficile qui aura une grande incidence sur leur parcours.

Le cours d’histoire quant à lui met au programme une trop grande quantité de matière à enseigner. Les enseignantes et enseignants voient leur autonomie restreinte, alors qu’ils ne parviennent pas à approfondir les contenus et que tout s’organise en fonction de la réussite des examens du ministère. De plus, la division de la matière entre la 3e et la 4e secondaire fait en sorte que les répétitions sont difficiles à éviter.

Dans l’enseignement des sciences, deux programmes devaient répondre à des styles d’apprentissage différents: dans le cours Application technologique et scientifique (ATS), le volet pratique domine, tandis que le cours Science et technologie (ST) favorise le volet théorique. Le cours ST est cependant le plus souvent adopté, tant à l’école privée que publique, parce qu’il nécessite moins de matériel, donc moins d’investissement de la part de l’institution. Alors que la réforme devait viser l’égalité des chances pour tous, elle a échoué à cet égard en favorisant les élèves qui proviennent d’écoles où les ressources sont plus importantes et qui leur offrent plus de possibilités.

L’évaluation des apprentissages reste l’un des principaux problèmes causés par la réforme. Dans certaines matières, il y aurait lieu de revoir la formulation des compétences et de leurs composantes. Par exemple, dans les arts plastiques, les attentes à l’égard des élèves ne sont pas réalistes. Tout semble indiquer que si les enseignantes et enseignants appliquaient à la lettre les critères de compétence proposés, beaucoup d’élèves ne sauraient les atteindre. Les compétences transversales restent toujours aussi difficiles à appliquer et à mesurer.

Nos membres déplorent la trop grande importance accordée à la dernière évaluation. Ceci ne favorise pas la progression des apprentissages et n’est pas très motivant pour les élèves dont certains, par exemple, commencent à faire de véritables efforts à la toute fin de l’année seulement.

La place qu’occupe l’outillage technologique dans certaines écoles déplait à plusieurs de nos collègues. Sans nier la nécessité de bien maitriser l’informatique, il semble que l’introduction des tablettes et du tableau blanc ne donne pas des résultats évidents. Au contraire, ces appareils créent une dépendance envers la technologie. Ils deviennent des objets distrayants qui détournent l’attention des contenus et qui obligent des enseignantes et enseignants, mal formés pour entreprendre un tel virage, à adapter — souvent inadéquatement — leur pédagogie à ces outils. Tout cela sans qu’aucune étude ne vienne confirmer l’efficacité d’un pareil recours.

Il n’a jamais été facile pour la FNEEQ d’évaluer la réforme. D’une part, cette dernière s’appuie sur des principes d’accessibilité et de valorisation du savoir que nous ne pouvons qu’approuver. Mais d’autre part, sa mise en œuvre soulève de sérieuses réserves. L’approche par compétence est inadaptée selon nous à l’école secondaire et l’allégeance au socioconstructivisme introduit un relativisme que nous questionnons.

Les changements à la réforme ont diminué l’impact de ces choix pédagogiques. Mais de nouvelles modifications doivent être apportées. Il nous semble nécessaire que le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport s’engage dans une démarche de réflexion globale et rigoureuse sur le système scolaire primaire et secondaire, en accordant, parmi d’autres intervenants, une grande place aux enseignantes et aux enseignants.

Le comité école et société
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse: cesfneeq@csn.qc.ca