Hausse des tarifs d’Hydro-Québec: une taxe déguisée

Le 28 septembre dernier, des citoyennes et citoyens de plusieurs régions du Québec se sont déplacés à Montréal pour participer à une grande manifestation contre les mesures d’austérité, et plus particulièrement contre la hausse des tarifs d’électricité, organisée par la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics¹.

En réponse aux mesures néolibérales de réduction des dépenses gouvernementales, la Coalition s’oppose à la hausse des frais et tarifs dans les services sociaux, le transport collectif, les services de santé et d’éducation. Elle a milité plus spécifiquement contre la hausse des droits de scolarité, contre l’instauration de la taxe santé et contre la hausse des tarifs d’électricité. Ces trois engagements, portés avec détermination, résultent d’une analyse fondée sur un solide parti-pris envers les plus défavorisés.

Dans les trois cas, on aura constaté que l’État québécois réduit ses dépenses en augmentant la contribution citoyenne dans les services publics, sans égard pour la capacité à payer des usagères et des usagers. Il présente l’austérité comme nécessaire pour assainir les finances publiques. Mais en s’inscrivant dans la logique de l’utilisateur payeur, ces choix idéologiques réduisent l’accès aux services publics et les menacent dans leur intégrité. Ils imposent des dépenses trop lourdes à la plupart des familles et augmentent les inégalités sociales, qu’une plus grande universalité dans l’accès aux services de base permettait d’atténuer.

Le gouvernement libéral précédent avait annoncé une hausse des tarifs d’électricité. En campagne électorale, le Parti Québécois s’était alors engagé à annuler cette hausse. Mais il n’a pas tenu sa promesse.

En effet, en juin 2013, l’Assemblée nationale votait en faveur d’un dégel du bloc patrimonial d’électricité² qui se traduira par une augmentation annuelle de 1,2%, à laquelle devrait s’ajouter une hausse de 5,8%, à partir du 1er avril 2014, si la Régie de l’énergie accepte la demande qui vient d’être déposée par Hydro-Québec. Il s’agit d’une augmentation d’environ 75$ par ménage, par année (85 $, en incluant la TPS et la TVQ): la plus forte hausse des tarifs depuis 15 ans!

Le gouvernement du Québec veut destiner les profits ainsi réalisés au remboursement de la dette du Québec. On pourrait tenir cette décision pour nécessaire, voire généreuse pour les générations futures. Mais quand on y regarde de plus près, on constate que cette augmentation tarifaire, par laquelle on voudrait contribuer à redresser les finances publiques, correspond dans les faits à une taxe déguisée.

En effet, cette augmentation est par définition régressive, car elle s’applique au même taux pour tout le monde, avec pour conséquence qu’elle affectera davantage les personnes pauvres. De plus, elle touche un besoin essentiel, qui affecte davantage les familles à faibles revenus, qui ne peuvent souvent pas réduire leur consommation d’électricité, étant plus nombreuses à habiter dans des logements en mauvais état et mal isolés, donc plus difficiles à chauffer. En 2012, on comptait plus de 40 000 ménages «débranchés» faute de pouvoir payer leur facture d’électricité. Il ne faudrait pas oublier que c’est à la suite de campagnes gouvernementales visant à amener les familles québécoises à se chauffer à l’électricité que la proportion de celles qui le font est maintenant aussi grande.

On peut aussi se questionner sur l’équité actuelle dans la répartition du paiement de la dette, entre citoyens, mais aussi entre la population et les entreprises. Qu’en est-il des contrats secrets liant Hydro-Québec à certaines entreprises?

Rappelons que, seulement en 2011, Hydro-Québec engendrait des profits de 2,6 milliards de dollars. La société d’État est loin de sa mission première, qui était de servir la collectivité en assurant aux citoyennes et citoyens les taux les plus bas possible. Le virage était déjà amorcé au début des années 1980, quand Hydro-Québec devenait une entreprise commerciale. En 2000, quand la loi modifiant la Loi sur la Régie de l’énergie créait le «bloc d’électricité patrimoniale» destiné aux usagères et usagers résidentiels québécois, son prix de vente, quoique inférieur à celui du reste de l’électricité produite, dépassait largement les coûts de production, de distribution et d’administration d’Hydro-Québec.

La société d’État réalise déjà de gros profits pour le gouvernement (qui en est l’actionnaire) et la hausse projetée au nom du déficit zéro affectera directement la facture d’électricité des ménages québécois. En éloignant encore davantage les tarifs de vente des coûts de production, la dernière augmentation annoncée constituera une nouvelle dérive dans l’utilisation d’un service public comme substitut de revenus fiscaux.

On attend du gouvernement qu’il trouve des moyens plus équitables pour assainir les finances publiques. Et dans un contexte où la production d’énergie est un enjeu économique et environnemental à l’échelle planétaire, on ne peut que souhaiter que le gouvernement élabore une véritable politique énergétique québécoise, capable d’obliger et d’encadrer une contribution du secteur industriel à une nécessaire transition écologique.

Le comité école et société
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca

  1. Fondée à l’automne 2009, la Coalition réunit plus de 85 organisations syndicales, féministes, communautaires, étudiantes et populaires pour revendiquer l’accès à des services publics universels et de qualité pour tous et toutes. La FNEEQ-CSN en est membre.
  2. Institué en 2000, le bloc patrimonial est une quantité d’électricité réservée aux besoins du Québec et dont le prix est fixé pour le protéger d’une augmentation causée par la production d’électricité destinée à l’exportation.