Le Sommet sur l’enseignement supérieur
La fin du 1er round

«Le Sommet n’était pas la dernière étape de notre voyage,
mais bien un nouveau départ pour nos universités et collèges.»

Le Sommet sur l’enseignement supérieur organisé par le gouvernement du Parti Québécois (PQ) se termine à peine. C’est l’heure d’un premier bilan, mais un bilan provisoire. En effet, avec l’annonce de plusieurs «chantiers», le travail est loin d’être terminé. Cela ne nous empêche pas de faire un retour sur les journées préparatoires et sur le Sommet lui-même. Rappelons-nous d’abord que le Sommet se tenait les 25 et 26 février 2013. Cet évènement avait été annoncé dans les promesses électorales du PQ concernant l’éducation présentées en vue des élections du 4 septembre 2012. Ce même parti s’était aussi engagé à maintenir le gel des droits de scolarité jusqu’à la tenue du Sommet, moment où cette question serait débattue. La position du PQ était claire : il allait proposer une indexation des droits de scolarité dont le taux restait à déterminer. Au sortir du Sommet, le scénario retenu, perçu comme un compromis, se situe entre l’indexation en fonction de l’inflation, soit environ 2%, et la croissance des coûts de système des universités, soit 3,5%. L’indicateur choisi est la croissance du revenu familial disponible, soit une indexation annuelle de 3%. Bien que l’ensemble des partenaires des universités et collèges privilégiait minimalement le gel des droits de scolarité, le gouvernement est allé de l’avant avec l’option de l’indexation. Ainsi, après les quatre journées thématiques, des consultations citoyennes et l’École d’hiver – qui réunissait 500 jeunes -, le gouvernement de Pauline Marois a, comme le souhaitait le Conseil du patronat, pris position et tranché sur «l’épineuse question» des droits de scolarité. Madame Marois se targuait ainsi de mettre un terme à «la crise étudiante». La Première ministre affirme que nous pouvons collectivement tourner la page sur la plus vaste mobilisation sociale de l’histoire du Québec. A-t-elle vraiment gagné ce pari?

Le Printemps érable, c’est une grève étudiante de 7 mois consécutifs de manifestations diurnes et nocturnes. Ce mouvement s’insère dans plus de deux années d’actions, de mobilisation, de manifestations, de concerts de casseroles … une vaste mobilisation sociale et intergénérationnelle qui s’est vue châtiée et réprimée par une loi spéciale (la Loi 78) décrétée par le gouvernement de Jean Charest en mai 2012. L’odieux de cette loi a eu un effet mobilisateur énorme. Toutefois, on a aussi été témoin de l’augmentation du nombre d’arrestations massives et de la violence policière. Les médias ont fait les choux gras de certaines actions et ont ainsi contribué à une ahurissante polarisation divisant profondément la population québécoise. Les élections, où le Premier ministre Charest a perdu son siège, ont mené à l’élection du PQ comme gouvernement minoritaire.

Le PQ a donc tenu sa promesse de tenir un Sommet sur l’enseignement supérieur. Bien que tout soit loin d’être réglé, de nombreuses questions ont été soulevées lors des journées thématiques et au cours du Sommet, et nous espérons trouver certaines réponses dans les chantiers proposés. Nous devrons donc poursuivre le travail en concertation avec les partenaires de l’enseignement supérieur lors des chantiers, un travail appuyé par des pressions politiques auprès du gouvernement, sans oublier la mobilisation contre l’indexation et les autres tarifications ainsi que les coupures des services publics. Ces deux axes de déploiement permettront à la FNEEQ d’assumer ses responsabilités sociales et son rôle de fédération la plus représentative en enseignement supérieur.

Pourtant…
Pourtant, avant le Sommet, on affirmait que «tout était sur la table». La FNEEQ, forte des mandats votés lors du Conseil fédéral de décembre 2012, a accepté de «jouer le jeu» de bonne foi. Malgré les hésitations et les risques identifiés par certains face aux «grandes messes du PQ», les thèmes proposés abordaient des aspects importants: la qualité de l’enseignement, l’accessibilité, la gouvernance et le financement, et la contribution des établissements et de la recherche au développement de l’ensemble du Québec. Ces sujets ont été discutés et rediscutés de la fin novembre 2012 au début février 2013, lors des journées préparatoires, et ils l’ont été encore au moment du Sommet. Les conclusions de toute cette opération se résument à 5 chantiers qui serviront à orienter les décisions du gouvernement :

  1. Loi cadre sur les universités, chantier présidé par Lise Bissonnette et John R. Porter. Un rapport est attendu au plus tard le 30 août 2013;
  2. Conseil national des universités, présidé par Claude Corbo. Un rapport de travail est attendu au plus tard le 28 juin 2013;
  3. L’offre de formation collégiale au Québec, notamment pour une plus grande concertation entre les cégeps et leurs milieux, présidé par Guy Demers. Un rapport de travail est attendu pour le printemps 2014;
  4. Revoir la politique de financement des universités, présidé par Hélène P. Tremblay et Pierre Roy. Un rapport de travail est attendu dès décembre 2013;
  5. Améliorer l’aide financière aux études avec les associations étudiantes, présidé par Pier-André Bouchard-St-Amand. Un rapport de travail est attendu dès juin 2013.

Cinq chantiers plutôt prometteurs pour l’enseignement supérieur, parmi lesquels la révision de la grille de financement des universités (une demande qui date de plusieurs années), une discussion sur les frais afférents obligatoires et, pour les collèges, une optimisation de l’offre de formation afin de permettre une plus grande concertation entre les cégeps et leurs milieux . Cela dit, comment expliquer l’apparente ouverture du gouvernement, que traduisent la mise en branle de ces chantiers, alors que ce même gouvernement procède à des coupes dans les cégeps et les universités ?

Mais personne n’est dupe ! La situation minoritaire du gouvernement l’amène à faire des choix contradictoires à des fins électoralistes. D’où cette fameuse indexation, un geste ouvertement électoraliste .

Et maintenant ?
Les enjeux inscrits au cœur des chantiers proposés par le PQ sont importants et impliquent de très nombreuses conséquences pour la suite des choses. Qu’il s’agisse de la gouvernance, de l’assurance qualité ou de l’accessibilité à l’enseignement supérieur, nous devons continuer à mettre de l’avant les positions que nous avons défendues. Nous devons aussi continuer à défendre le rôle de celles et ceux qui sont responsables de cette qualité par leur implication et leur professionnalisme. Enfin, nous devons nous assurer que les étudiants et leurs revendications soient représentés et défendus. Car il ne faut pas se leurrer, accepter de discuter de gouvernance, de collégialité, de partage des pouvoirs avec la CRÉPUQ, d’enveloppes fermées, du rôle du privé dans la recherche, de l’offre de formation au collégial, etc., tout cela recèle tout autant de risques que d’engagements gouvernementaux. L’importance du rôle de la FNEEQ sera donc, comme elle l’a été tout au long de ce processus, cruciale pour l’avenir de notre système d’éducation supérieure. La gratuité et l’accessibilité demeurent au cœur de nos revendications. L’appui aux étudiants est intact et nous serons avec eux pour donner forme à la mobilisation contre l’indexation. En d’autres mots, la phénoménale mobilisation sociale du Printemps érable a porté quelques fruits… mais le combat continue. Nous sommes témoins et participants du dialogue. Dialogue imparfait, il faut en convenir, mais qui est diablement mieux que le mutisme qui prévalait encore récemment. Il faudra redoubler d’ingéniosité pour renouveler notre rapport de force face à l’appareil gouvernemental, car l’éprouvante période qui donne l’illusion de se terminer n’était que le 1er d’un combat de plusieurs rounds.

Le comité école et société
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca