La réussite est au cœur des préoccupations quotidiennes des enseignantes et des enseignants et les pressions pour l’améliorer sont de plus en plus sensibles. Comme organisation syndicale, que peut-on concrètement revendiquer, sans se cantonner dans des positions de principe, à propos de cette – si complexe et cruciale – question, que certains voudraient limiter à une simple opération comptable?

Et de quelle réussite parle-t-on au fait? Au terme d’une large réflexion, dont le mandat initial est issu du Congrès de 2009, la FNEEQ a adopté au Conseil fédéral de juin dernier des propositions concrètes susceptibles d’orienter nos actions syndicales à cet égard. Ces avenues pour un meilleur accès à la réussite sont largement explicitées dans le texte La réussite…quelle réussite?, disponible sur le site de la FNEEQ. Nous en présentons ici un résumé.

La réussite… quelle réussite?
Pour une approche sociale de la réussite éducative!

Un nécessaire état des lieux
Ce texte dresse d’abord un bref état de la situation qui prévaut au primaire, au collégial et à l’université. Si de manière générale, la société québécoise a réalisé, depuis la Révolution tranquille, des progrès manifestes en matière de scolarisation, nous faisons face maintenant à une stagnation dont il y a tout lieu de s’inquiéter. En effet, au Québec, un jeune sur quatre est susceptible d’abandonner la poursuite de ses études secondaires, et ce, malgré un ensemble de mesures d’aide à la réussite que soutient à bout de bras un corps enseignant privé de moyens financiers étatiques adéquats. Le décrochage scolaire est l’effet de l’injustice sociale. Ainsi, la proportion de jeunes issus de milieux défavorisés de la région métropolitaine qui abandonne l’école secondaire est de 4 à 5 fois plus élevée que celle des jeunes qui proviennent de quartiers aisés. Dans le cas du collégial, soulignons que plus de 40% de la population étudiante n’obtiendra pas son diplôme dans les délais prévus. On assiste aussi à une véritable explosion du nombre d’étudiants EHDAA dans le réseau collégial et les «cas» plus lourds semblent se multiplier. À l’université québécoise, le taux d’abandon serait de 11%, un taux relevé en 2005 pour une seule cohorte d’étudiantes et d’étudiants bien identifiée. Ce taux est le plus bas de l’ensemble des provinces canadiennes, où il se situe à 16%.

De quelle réussite parle-t-on?
Certes, nous ne pouvons que souscrire à une plus grande réussite de nos élèves, de nos étudiantes et étudiants. Mais à quelle conception de la réussite nous référons-nous alors ? Deux visions circulent au sujet de la réussite. La plus répandue – laquelle peut conduire à des dérives importantes – est de la considérer exclusivement d’un point de vue scolaire et de ne mesurer ainsi les succès éducatifs qu’à l’aune des taux d’obtention des diplômes. Une telle vision n’est sans doute pas complètement inutile, mais elle est loin pour nous d’être satisfaisante. Comme enseignantes et comme enseignants, nous sommes bien placés pour défendre une conception beaucoup plus large de la réussite, qui puisse englober l’ensemble du développement de la personne. Évidemment, cette réussite échappe sans doute en bonne partie à une évaluation quantitative. Elle n’est pas reliée à la performance pure, mais à l’épanouissement de l’individu, à un apprentissage plus complexe et profond qui intègre à la fois le savoir-faire, l’esprit critique, l’amour de la connaissance, la maturation, la socialisation et le développement de l’individu comme citoyen. La réussite éducative est donc plus large. Au-delà de l’apprentissage de connaissances, elle renvoie directement au rôle éducatif des enseignantes et des enseignants, qui change évidemment d’un ordre d’enseignement à l’autre.

Un cadre de responsabilités
Une telle conception de la réussite doit reposer sur une reconnaissance consensuelle des responsabilités des différents intervenants dans le système d’éducation. Ainsi, la quatrième partie du texte propose une répartition des rôles que devraient jouer idéalement l’État, les établissements (écoles, cégeps et universités), les élèves, les étudiantes et les étudiants, les parents et l’ensemble de la société (monde communautaire, monde des affaires, fondations et philanthropes).

Les propositions adoptées par la FNEEQ
Les angles sous lesquels on peut aborder la réussite et la lutte au décrochage sont si multiples qu’il aurait été vain de chercher à couvrir, par des recommandations, l’ensemble de la question. Nous n’avons pas voulu non plus nous lancer dans de nombreuses déclarations et avons cherché plutôt les recommandations qui peuvent porter à conséquence pour la FNEEQ, en tenant compte de ce que nous sommes et de nos champs d’intervention. Nous reproduisons ici les propositions adoptées par le Conseil fédéral et largement détaillées dans le texte La réussite… quelle réussite?

Une école qui a les moyens de meilleures ambitions
Que la FNEEQ réclame qu’on donne aux écoles primaires et secondaires les moyens de faire de l’école un milieu de vie stimulant, notamment, en regard du soutien scolaire et du développement intégral de la personne :

  • en développant notamment les activités parascolaires sur une base beaucoup plus large ainsi que le soutien académique;
  • en augmentant de manière importante le ratio maître-élèves;
  • en faisant appel à la collaboration de tous les types de personnels et en ajustant en conséquence les conditions de travail et d’enseignement;
  • en soutenant concrètement les services de garde en milieu scolaire dans les écoles primaires en les considérant comme de véritables services complémentaires;
  • et ce, en procédant d’abord par projets pilotes en milieux défavorisés.

Une mission fondamentale: former des citoyens
Que la FNEEQ continue d’exiger la participation collective pleine et entière des enseignantes et des enseignants dans l’élaboration, la mise en œuvre et la mise à jour des programmes d’études, et veille à intervenir pour que ces derniers prennent en compte, à tous les niveaux d’enseignement, les besoins des individus et qu’ils intègrent une dimension humaniste et citoyenne.

Cesser l’école de la concurrence
Que la FNEEQ continue de réclamer qu’on mette un terme à la ségrégation scolaire, de préconiser des mesures permettant de faire cesser la concurrence inter-ordres (dans l’offre de formation) ou intra-ordre (entre les établissements) et de chercher dans ces deux cas les leviers politiques pour y arriver.

Le rôle central des enseignantes et des enseignants
Compte tenu des finalités de notre système d’éducation qui vise à amener tous les jeunes à réussir, que la FNEEQ mette l’accent, dans toutes les négociations de conventions collectives à tous les niveaux, sur l’amélioration des possibilités d’encadrement dans les conditions d’enseignement. Que la FNEEQ fasse valoir que les responsabilités des enseignantes et des enseignants sont des obligations de moyens et ne peuvent en aucun cas être des obligations de résultat, et que les cibles fixées d’obtention de diplôme et de réussite ne peuvent avoir, dans ce contexte, qu’une valeur de référence. Que la FNEEQ revendique une meilleure autonomie, à la fois collective et individuelle, pour les enseignantes et les enseignants dans l’évaluation des apprentissages ainsi qu’un lieu d’intervention sur la détermination des exigences requises pour passer d’un ordre d’enseignement à un autre.

La lutte au décrochage et à l’abandon scolaire : une priorité nationale, mais aussi régionale
Que la FNEEQ réclame du gouvernement qu’il mette rapidement en place une vaste campagne nationale de valorisation de l’école publique et de l’éducation en général et invite ses syndicats à collaborer activement aux efforts des regroupements régionaux ou à leur mise sur pied et à leur développement quant à la lutte au décrochage et à l’amélioration de la persévérance en enseignement supérieur.

Les PPP en éducation et la philanthropie d’affaires
Que la FNEEQ demande un moratoire sur l’établissement de nouveaux partenariats sociaux impliquant une ou des fondations privées et qu’elle développe en parallèle une position sur la pertinence et les conditions de la participation des syndicats à de tels partenariats.

En tenant compte des pressions qui s’intensifient autour des résultats attendus des systèmes scolaires, nous savons que la problématique de la réussite, parce qu’elle nous interpelle de manière professionnelle tout autant que sociale, restera au centre des discussions sur l’éducation. Nous serons par contre davantage outillés pour défendre une conception qui rejoint nos préoccupations et prêts à intervenir pour influer sur les dérives qui menacent le système d’éducation.

Le comité école et société
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca