Le 25 novembre dernier, se tenait à l’UQÀM une journée de réflexion sur l’état de l’Université québécoise et son avenir. Organisée par la Table des partenaires universitaires (TPU), dont la FNEEQ est membre, cette activité a réuni des participantes et des participants de différents groupes syndiqués ou associés du monde universitaire: les professeurs et chargés de cours, les employés de soutien et les professionnels ainsi que les diverses associations étudiantes. Une journée riche en idées, qui a servi de cadre au lancement d’un manifeste de l’Université québécoise, fruit d’un consensus parmi ces partenaires, et qui a été rendu public lors d’une conférence de presse. Cette opération de réflexion collective a été organisée pour annoncer les positions communes de la TPU en vue de la journée sur l’Université, convoquée par la ministre de l’Éducation, le 6 décembre prochain à Québec.

Journée nationale de réflexion: L’Université pour tout le monde!

L’activité programmée était composée de plénières et d’ateliers afin de couvrir les différents aspects de la préoccupation actuelle: le financement, la mission sociale et les autres missions de l’Université, l’administration des établissements, l’accessibilité et les frais de scolarité, ainsi que les conditions de travail des personnels. Bien que tenue à Montréal, l’activité était diffusée simultanément en vidéoconférence auprès des universités à travers le Québec, afin de multiplier la participation des intéressés.

Les problèmes actuels de l’Université québécoise
La plénière d’ouverture invitait deux spécialistes de la question universitaire: les sociologues Gilles Gagné de l’Université Laval et Robert Laplante de l’IREC. Ceux-ci ont discuté des problèmes actuels de l’Université sous les thèmes de l’asservissement des universités à l’économie du savoir, de l’administration comptable des établissements, de la nouvelle gestion publique et ses conséquences sur les missions de l’Université. Selon les conférenciers, l’Université adopte un programme néolibéral et un modèle en voie d’éclatement qui instaurent une morosité généralisée au sein de la communauté. La critique de la formule de financement a fait l’objet d’un exposé qui s’est consacré à déboulonner certains mythes: la pseudo pénurie des ressources publiques et la nouvelle gouvernance que voudrait instaurer le gouvernement. On s’est aussi attaqué à l’incohérence du débat sur les priorités publiques et bien sûr, la question d’une hausse appréhendée des frais de scolarité a été au cœur des discussions.

Dans les ateliers, les participants ont poursuivi la réflexion sur des aspects particuliers de ce diagnostic, comme : la place de la recherche face à l’enseignement, la mission sociale de service aux collectivités, l’accessibilité ouverte – et désormais menacée – pour les étudiants endettés, la place faite aux jeunes étudiants et aux adultes dans la formation universitaire. Un résumé des échanges a été présenté avant la plénière de fin de journée, au cours de laquelle on a pu entendre Guy Rocher, grand sociologue québécois qui a participé à la rédaction du Rapport Parent au cours des années 1960.

L’Université, d’hier à aujourd’hui
Monsieur Rocher, humble devant son impressionnant parcours universitaire et rappelant ses 86 ans, a soulevé l’enthousiasme des participants par sa conférence et ses réponses aux questions de la salle. D’abord, Guy Rocher a félicité la TPU pour son manifeste – dont il partage entièrement l’analyse et les positions – le qualifiant d’événement attendu dans l’histoire de nos universités. Sur le thème Constats et perspectives, le conférencier a tracé l’évolution de l’Université québécoise depuis les années 1950, énonçant les strates sur lesquelles repose cette institution de grande importance pour la collectivité.

Avant 1950, nos universités étaient, dit-il, des embryons d’institutions dominées par l’Église et le colonisateur anglais – qui a accordé une place prépondérante à l’Université McGill. Dès 1960, le gouvernement du Québec décida de financer publiquement les universités comme bien collectif indispensable à l’émancipation citoyenne. Il créa l’Université du Québec et ses constituantes régionales, gela les frais de scolarité et instaura un système de bourses pour stimuler l’accessibilité. La déconfessionnalisation et la syndicalisation ont marqué les années 1970, mais l’expansion de la recherche subventionnée, à la fin des années 1980, a suscité de nombreuses tensions internes dans les établissements, générant une orientation nouvelle potentiellement préjudiciable à la mission. Les années 1990 ont amené l’intégration forcée de l’Université dans un marché de la concurrence internationale, mettant en place un modèle systémique contraignant.

En conclusion, Guy Rocher a proposé trois champs de travail pour l’avenir de l’Université. Le premier concerne les rapports de l’Université avec les divers pouvoirs de la société et sa mise en dépendance. Il réclame l’indépendance des établissements et la liberté de ses commettants. Le second champ est un appel à la communauté universitaire à maintenir une institution de réflexion critique afin de revoir les impératifs de sa mission – exigeante et centrale – dans la vie collective, car l’Université est propagatrice de vérités du savoir et des connaissances diffusées. Le troisième champ met l’accent sur la collégialité au sein des établissements et sur l’importance des regroupements dans la communauté universitaire pour préserver sa place dans la gouvernance. En ce sens, il adhère aux positions du manifeste qu’il considère comme une base de réflexion générale sur l’avenir de l’Université au Québec.

La journée s’est conclue par un appel à la tenue d’États généraux sur l’avenir de nos universités, et une dénonciation de la rencontre du 6 décembre parce que, dit M. Rocher, «les dés semblent pipés et les décisions déjà prises, preuve d’un grave défaut de dialogue social». Les participants ont sollicité l’opinion du conférencier sur différents sujets d’inquiétude. Le plus remarqué de ses avis a été celui-ci: «les banques, qui endettent les étudiants, et les entreprises, qui profitent de la formation universitaire, doivent contribuer davantage en redevances au financement des universités».

La Table des partenaires universitaires invite tous les intéressés à appuyer le manifeste et à se présenter à Québec, le 6 décembre prochain, pour dénoncer la manœuvre gouvernementale de consultation bidon. L’Université québécoise doit se mobiliser, car son avenir est en jeu.

Terminons avec cet extrait du manifeste de la TPU, qui donne le ton :

«Nous défendons une université qui, par la transmission de connaissances fondamentales, contribue au développement de la société dans un esprit académique et scientifique libre, désintéressé et démocratique. Une université financée selon ses besoins en fonction de tous les programmes offerts qui, chacun à leur manière, participent à la réalisation de sa mission première et contribuent à bâtir une société aux dimensions tout aussi plurielles.»

Le comité école et société
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca