Le Conseil fédéral de mai 2010 a donné à la FNEEQ le mandat de s’associer à la deuxième édition de la Semaine pour l’école publique, une initiative de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) visant à promouvoir l’école publique au Québec. Différentes activités de visibilité ont été organisées dans ce cadre et la contribution de la FNEEQ s’est centrée sur l’organisation d’un débat sur les moyens à prendre pour que le système scolaire québécois devienne entièrement public. La FNEEQ a explicité ses positions là-dessus dans un document intitulé: Cette école que nous voulons. Ces positions diffèrent sensiblement de celles de la FAE et l’objectif de la soirée était de sensibiliser cette dernière à notre vision des choses, tout en comprenant mieux les enjeux soulevés en éducation, dans le débat privé-public.

Une école publique universelle au Québec: oui, mais comment y arriver? Entre une réduction graduelle du financement des écoles privées (position de la FAE et de la CSQ) et l’intégration progressive, par conversion, de ces établissements au réseau public (position de la FNEEQ), un débat sur les moyens s’impose!

Un échange public sur l’avenir des écoles privées…

Une cinquantaine de participantes et participants – de la FNEEQ et de la FAE – ont assisté au débat public sur l’avenir de l’école privée qui s’est tenu le 7 octobre dernier. Cette soirée avait comme ambition d’être un point de départ au développement d’une position commune quant aux moyens à privilégier pour favoriser une école québécoise publique et universelle, dans le respect plein et entier des conditions de travail des collègues qui œuvrent dans le secteur privé.

Écoles privées: état des lieux au Québec et au Canada
«Un sondage a montré que 70% de la population souhaite le retrait du financement public de l’école privée.», affirme Sylvain Mallette, vice-président de la FAE qui a commandité le sondage. Malgré une baisse des effectifs étudiants, il y a un exode vers le réseau privé et conséquemment, une augmentation du nombre d’établissements privés. Est-il acceptable que l’État finance un réseau privé? Une recherche, subventionnée par la FAE, concluait d’ailleurs que les écoles privées québécoises reçoivent en fonds publics bien davantage que le 60% habituellement évoqué. À l’encontre de l’apparente «normalité» d’un tel financement, Sylvain Mallette rappelle que cinq provinces n’accordent aucun financement public aux écoles privées et qu’ailleurs au Canada, le taux varie entre 35% et 65%.

Les contraintes à l’opérationnalisation de l’intégration
L’opération d’intégration implique des contraintes qui, sans être insurmontables, méritent une attention méticuleuse. C’est pourquoi Pierre St-Germain, président de la FAE, a tenu à aborder la question de l’intégration syndicale. Plusieurs catégories de personnels seront interpellées. Parmi ceux-ci, certains ne sont pas syndiqués. Qui va les représenter? Devrait-on favoriser un seul protocole pour l’ensemble des personnels impliqués ou plutôt développer des protocoles spécifiques? L’ensemble des fédérations syndicales impliquées dans le processus souhaité seront-elles au rendez-vous ?

Par ailleurs, comment s’assurer que les principes respectent les conventions collectives et le Code du travail? Il faudra tenir compte, par exemple, qu’il n’y a pas toujours d’équivalence entre les catégories d’emploi étant donné qu’il y a des postes au privé qui n’existent pas au public. Quels seront les critères au déclenchement du passage d’une école privée au système public? La décision devrait-elle relever de l’État ou des administrateurs? Des décrets seront-ils souhaitables?

Pour Pierre St-Germain, trois scénarios sont envisageables :

  • le maintien tel quel de l’établissement et son intégration dans le réseau public ;
  • la dissolution de l’institution physique et l’étalement des effectifs étudiants ;
  • le maintien de l’établissement avec un éclatement de la clientèle.

Mettre fin à un système sélectif
«Il faut saluer l’initiative d’une campagne de promotion de l’école publique à l’heure où cette dernière a parfois mauvaise image.», a souligné de son côté le président de la FNEEQ, Jean Trudelle. Toutefois, cela ne doit pas constituer un désaveu du travail des professeurs qui œuvrent au secteur privé. La FNEEQ compte dans ses rangs 34 syndicats de l’enseignement privé. Nombreux sont les professeurs qui ont d’abord choisi le métier d’enseignant et pas nécessairement l’établissement où ils travaillent.

Il faut s’inspirer des bons coups des écoles privées. Pour la FNEEQ, un certain nombre d’éléments dans les écoles privées participent au modèle idéal d’école favorisé par notre fédération. En ce sens, il faut noter par exemple la proximité entre les enseignantes, les enseignants et les élèves dans les écoles privées, dont on admettra qu’elle est beaucoup plus difficile à atteindre dans certaines immenses «folivalentes»!

La FNEEQ préconise une intégration au public des établissements privés, et non la réduction graduelle du financement public. Il apparaît fondamental de s’opposer à l’établissement d’un système éducatif à deux vitesses qui ne garantit plus l’accès à une éducation égalitaire, mais les moyens d’y arriver doivent faire consensus. «L’écrémage», par la sélection selon les résultats scolaires, n’est pas souhaitable. «Le bon aide le faible alors que le faible ne nuit pas au bon.», fait remarquer Jean Trudelle.

Des enjeux soulignés dans la salle
«L’ancienneté est un élément crucial à considérer dans un éventuel protocole d’intégration.», a souhaité exprimer un participant. D’autant plus que les conditions d’intégration doivent éviter de conduire à des suppressions de postes, tout autant qu’à saper dans les conditions de travail du personnel œuvrant dans le secteur privé. Pour ceux-ci, l’opération exigera de nombreux sacrifices qu’il faut mesurer à leur juste valeur. Pour d’autres, il faut éviter que l’intégration implique de vivre avec deux types de convention collective. Les zones protégées, pour lesquelles se sont battus les enseignants du réseau public, seront-elles étendues aux nouvelles écoles intégrées? Comment sera-t-il possible de concilier les pratiques qui ont cours au secteur privé avec celles du réseau public, notamment en ce qui a trait aux priorités d’emploi?

«Il faut tenter de résoudre la question de l’intégration des écoles privées au système public sous une perspective citoyenne.», d’affirmer une participante. Les difficultés de l’école publique ne reposent pas sur la qualité de l’enseignement mais relèvent de la trop forte concentration d’élèves en difficulté qui la composent ! Il faut agir pour la qualité et le maintien de services publics desquels l’État se désengage. Au moment où nos gouvernements veulent procéder à leur tarification, il faut prendre conscience que la revendication d’intégration est à contre courant. D’autres ont fait remarquer la possibilité de s’inspirer des trois expériences de collèges privés (L’Assomption, entre autres) qui ont intégré le réseau public.

Interpellés à propos du phénomène de sélection, certains participants ont fait remarquer que celui-ci n’est pas très répandu dans les écoles privées des régions et qu’il n’est plus, avec la multiplication des programmes à vocation, l’apanage du seul secteur privé. Il faut se demander, pour d’autres, si le réinvestissement des effectifs du privé dans les classes du réseau public n’ira pas de pair avec une nouvelle «ségrégation», dans la mesure où les parents de ces élèves voudront maintenir des services à teneur plus sélective.

Décidément, le débat sur l’avenir de l’école québécoise est riche. Une chose est certaine: «La division entre le privé et le public nuit à l’ensemble des enseignants», a souligné Caroline Senneville qui invite du même souffle à la poursuite de la réflexion. Les porte-paroles ont conclu que l’intégration ne sera pas chose facile – chacun devra faire preuve d’ouverture – mais ont affirmé que tout se ferait dans le respect de tous les enseignants concernés.

Le comité école et société
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.c