Nous avons vu dans un article précédent que les succès du système scolaire finlandais étaient assurés par une profession enseignante très valorisée et un souci constant d’équité. Dans ce deuxième article, nous poursuivons notre enquête, en montrant comment ce système s’appuie aussi sur la création d’un milieu de vie agréable et sur un financement assuré par un État providence fort.

Le petit nombre d’élèves est une donnée importante du système finlandais. Cela rend possible une intervention ciblée, plus rapide et plus suivie avec les élèves éprouvant davantage de difficultés ou requérant une attention différente ou particulière. Comme c’est le cas ici, les enfants ayant des difficultés d’apprentissage sont intégrés dans les classes normales. Toutefois, le type de support dont disposent les enseignants là-bas est autrement plus impressionnant. Si les élèves en difficulté requièrent plus d’intervention que ne le permet la logistique de la gestion des enseignements, un assistant professeur accompagne ce dernier durant les sessions d’apprentissage. Lorsque le cas le nécessite, un professionnel est attribué à l’élève afin de voir à un type d’aide plus ciblé. Enfin, si la nature des difficultés transcende les aptitudes langagières ou cognitives, une équipe multidisciplinaire incluant un travailleur social prend en charge le cas de l’élève pour une intervention plus adaptée.

Notons également que l’approche institutionnelle diffère de chez nous. L’école fondamentale, composée d’un primaire et d’un secondaire inférieur est obligatoire et gratuite pour les élèves de 7 à 16 ans. Ils y sont transportés et nourris gratuitement pendant la journée. Dans les études sur la Finlande, on insiste sur le soin accordé à l’aménagement convivial de l’école. «Les élèves peuvent même s’y promener en chaussettes, sans souliers»! Dans les classes, équipées autant en livres qu’en équipement multimédia, on dispose même d’un lavabo, et parfois, d’une zone de repos ou de lecture.

L’école se veut un milieu de vie, une prolongation du milieu familial. Les lieux physiques sont aménagés en conséquence : ils sont bien chauffés – ce qui n’est pas toujours le cas en Europe -, agréablement aménagés de façon à créer un esprit de «convivialité et de communauté». Les élèves mangent à l’école ensemble (rappelons que les repas sont gratuits), et tous profitent d’aires de repos, de jeu et d’instruction. Le mode d’organisation favorise le développement d’un sentiment d’attachement à l’école. Les écoles sont une collectivité où les élèves apprennent, construisent leur estime d’eux-mêmes, vivent avec leurs camarades et le personnel. D’ailleurs, ce dernier est encouragé à suivre un groupe d’élèves pendant plusieurs années, ce qui permet de développer des liens stables et profonds.

Autre pays, autre budget?
Tous les observateurs du système d’éducation en Finlande soulignent l’impressionnante part d’investissement de la Finlande dans son système d’éducation. Ce n’est pas uniquement parce que le droit à l’éducation est inscrit dans la Constitution finlandaise que les citoyens de ce pays lui consentent sa juste part du budget de l’État. C’est aussi parce qu’il ne fait pas de doute dans leur esprit que l’accès pour tous à une éducation de qualité est ce qui garantit une plus grande harmonie sociale, un plus grand esprit de justice, une réelle possibilité de pleine participation pour tous à la citoyenneté.

Pourtant, le Québec ne semble pas en faute au niveau du financement. En effet, des données disponibles sur le site du Ministère du Revenu du Québec confirment que «la dépense globale en éducation par rapport au produit intérieur brut (PIB) était de 7,2% en 2004» ce qui était supérieur au pourcentage alloué par la Finlande (autour de 6% de son PIB) et à la moyenne des pays de l’OCDE qui est également autour de 6%. Les documents sur le budget de 2009 indiquent cependant une diminution des montants alloués à l’éducation, justifiée par la récession et l’état des finances publiques: ceux-ci demeurent maintenant en dessous de 6% du PIB. Avec la santé, l’éducation demeure le second champ qui bénéficie de la plus grande part du budget. D’après ces informations, malgré la baisse récente, on peut constater que l’argent n’est pas le seul nerf de la guerre.

La grande autonomie dont jouissent les institutions dans l’administration et la gestion des budgets parvient peut-être davantage à expliquer l’utilisation plus efficace des budgets de l’éducation. En effet, en Finlande, le Ministère ne détermine pas d’enveloppes précises dans lesquelles des montants déterminés doivent être investis. Les établissements jouissent d’une grande liberté quant à l’identification des besoins et de la répartition de l’argent qu’ils reçoivent. Le nombre d’inscriptions est le facteur à partir duquel on détermine la somme qui doit être attribuée aux écoles. L’État et les municipalités se partagent les dépenses en éducation.

Accommodement ou intégration?
La Finlande, comme de nombreux autres pays occidentaux, est une terre d’asile pour bon nombre d’immigrants dont une partie n’a pas le finnois comme langue maternelle. Selon une étude effectuée par l’OCDE entre 2000 et 2003, et dont les résultats sont exposés sur le site info-Finlande.fr, on peut lire que «la Finlande compte parmi sa population des immigrés dont la langue maternelle n’est ni le finnois, ni le suédois. Des cours spécifiques de finnois seconde langue sont en ce cas donnés aux enfants des familles concernées; au cas où il existerait au sein de la commune un groupe suffisamment nombreux d’enfants de même langue maternelle, un cours de deux heures hebdomadaires leur est organisé dans leur langue maternelle, ceci aux frais de la commune. Par exemple, on compte à Helsinki 2 600 enfants de familles immigrées, et ceux-ci bénéficient de cours dans leur langue maternelle dans près de 40 langues différentes; cet effort de soutien à l’apprentissage de la langue maternelle des enfants issus de l’immigration est mené afin de renforcer le développement de ces enfants, ainsi que leurs dispositions pour l’acquisition du finnois.»

Il va sans dire que l’application de cette loi se heurte à une réalité complexe. Nous tenions à le mentionner, car cette approche est plutôt originale. Même si son application est douteuse, cette mesure est un exemple patent du souci accordé aux besoins de chaque élève. Il est cependant important de mentionner que le défi de l’intégration des nouveaux arrivants n’est pas aussi exigeant qu’au Québec puisque les résidents d’origine étrangère forment moins de 2% de la population et se rassemblent dans la capitale, Helsinki.

Quelques pistes de réflexion
Le modèle finlandais serait-il le modèle idéal? Pas nécessairement. Par exemple, l’accès au cycle secondaire supérieur reste difficile et fait l’objet d’une dure compétition entre les élèves. Mais comme tous les systèmes dont l’efficacité brille, il importe d’en prendre connaissance pour avoir plus de recul le moment venu de juger nos propres pratiques. Au Québec, la réforme suscite autant d’incompréhension que de résistance et parmi les raisons de l’appréhension qu’elle suscite, il y en a qui pourraient trouver des pistes de solutions dans ce qui se fait ailleurs, comme en Finlande par exemple.

Le système finlandais se distingue donc par la place accordée à l’enseignement des matières fondamentales, le type d’approche conçu avec les enfants du primaire, les mesures d’intervention précoces, le maintien du principe d’égalité et d’accessibilité que ne court-circuite pas une sélection des élèves, l’absence de stigmatisation sociale et économique assurée par un financement étatique de toutes les écoles, la sélection des élèves au moment de l’accès aux cycles supérieurs de même que la formation des maîtres, d’une grande qualité. Une réflexion sur ces caractéristiques nous permettra de poursuivre un travail rigoureux visant à améliorer notre système d’éducation et notre pratique.

En attendant, ceux qui souhaitent en connaître davantage pourront lire, outre les nombreux sites qui fournissent des informations sur ce sujet, comme:
http://www.info-finlande.fr/societe/education/article/Lhistoire_dun_succes.html et http://www.siteraeq.org/documents/rapport_finlande.pdf, et l’annexe 2 de l’avis du Conseil supérieur de l’éducation paru en octobre 2009 et intitulé Une école secondaire qui s’adapte aux besoins des jeunes pour soutenir leur réussite, http://www.cse.gouv.qc.ca/FR/Publications/index.html?lstPublication=Avis&lstCommission=ALL.