Première partie

Le succès du système scolaire finlandais ne se limite pas aux excellents résultats de ses élèves à l’enquête PISA menée dans les pays de l’OCDE (www.pisa.oecd.org) où ils occupent les premières places en lecture, en mathématiques et en sciences. L’école finlandaise a su aussi réduire plus que partout ailleurs l’effet des disparités sociales sur les performances scolaires. De plus, les différences entre les résultats des garçons et des filles sont nettement moins marquées que dans les autres pays de l’OCDE. De pareils résultats ne s’obtiennent pas miraculeusement.

En Finlande, l’éducation est une préoccupation publique et constante. Le statut de professeur du primaire est aussi prisé que celui de médecin, le nombre d’heures d’enseignement est inférieur à celui du Québec, les classes et les écoles sont petites, l’ensemble du réseau scolaire est bien financé, sans disparités d’une région à l’autre. Avec de pareilles mesures, il n’est pas étonnant de constater que tout fonctionne rondement.

Une profession hautement valorisée

Le tout commence avec des enseignantes et des enseignants bien formés. Une personne sur six accède aux études universitaires menant à la profession d’enseignant en Finlande. À la faculté d’éducation de Joensuu, par exemple, 300 dossiers sont retenus sur 1 200 candidatures environ. Et non seulement est-il difficile d’y être admis, mais la formation dispensée aux futurs maîtres – qui dure un minimum de cinq ans – est «réputée et de qualité». Elle est exigeante autant sur le plan de la maîtrise disciplinaire que sur celui des connaissances et des aptitudes pédagogiques.

Il faut également mentionner que les professeurs finlandais exercent leurs fonctions dans un milieu professionnel qui ferait pâlir d’envie leurs confrères des autres pays. Une logistique impressionnante est mise au service des enseignantes et des enseignants pour les aider dans leur travail avec les élèves et pour qu’ils puissent vaquer à leurs autres obligations comme le tutorat, la préparation, la concertation. Un grand soin est accordé au matériel, à l’ergonomie des locaux soigneusement équipés et maintenus. Les professeurs bénéficient également d’un soutien de professionnels qui semble, là-bas, occuper une place plus importante. Ils travaillent dans des conditions très satisfaisantes: les écoles propres, bien tenues, forment des milieux de vie agréables et ne dépassent pas 500 élèves. Les groupes sont restreints – avec un ratio de 10 élèves par enseignant – et les heures de travail moindres que dans les autres pays de l’OCDE.

Certains chercheurs expliquent que la culture et la tradition finlandaises accordent à l’éducation une importance historique inversement proportionnelle à celle du Québec. L’Histoire nous donne des pistes d’explication. Ainsi, alors qu’au Québec, l’arme démographique s’avérait le principal outil de résistance contre la colonisation anglaise et pour la préservation d’une culture française en Amérique du Nord, les Finlandais misaient sur l’éducation pour résister aux envahisseurs, qu’ils soient Suédois ou Russes.

Ici, malheureusement, l’appel frileux de l’Église au repli sur soi et la glorification des valeurs conservatrices a alimenté un tenace anti-intellectualisme tout en contribuant à maintenir les Canadiens français à l’extérieur des sphères de pouvoir, tant politiques qu’économiques. En Finlande, l’Église a joué un tout autre rôle. Jusqu’au XVIIe siècle, alors qu’elle était responsable de l’éducation, et du fait que le protestantisme favorise un rapport plus autonome du croyant avec sa religion, l’apprentissage de la lecture était fortement encouragé, ne serait-ce que pour lire la Bible.

À réforme semblable, applications différentes

La réforme de l’éducation mise en place au Québec s’est attiré plus de blâmes que d’adeptes, et même ceux qui en reconnaissent la valeur ne manquent pas de lui reprocher ses lacunes. Parmi celles-ci, l’évacuation des contenus au profit des compétences et, surtout, de leur mode de transmission. La mise en place d’un mode d’évaluation dénaturé, travesti en charabia, a fini par faire perdre le sens de la mesure et en fausser les intentions. En Finlande, les mesures mises en place depuis 1985 sont pourtant très semblables à celles qui nous sont imposées ici; mais les résultats sont différents.

Dans la réforme implantée en Finlande, les compétences n’ont pas délogé la connaissance et les mesures ont accentué la place accordée aux matières fondamentales. L’approche constructiviste et socioconstructiviste sert de principe directeur au type de pédagogie pratiqué dans les institutions et aucune évaluation n’est obligatoire pendant les années de formation fondamentale. L’accent est mis sur la maîtrise des matières de base. Les professeurs jouissent d’une grande autonomie dans l’élaboration des programmes de formation, la mise en œuvre du programme, le choix des manuels scolaires, du contenu des cours et des stratégies pédagogiques. L’épreuve uniforme nationale n’a lieu qu’à la fin du cycle d’études fondamentales.

Public, privé, même mission, pas de sélection

Il existe très peu d’écoles privées en Finlande; ces dernières sont financées à 100% par l’État et sont donc tenues de suivre le même programme et de se conformer aux normes de l’école publique. Il n’y a pas de sélection des élèves ni dans le public, ni dans le privé, et cela jusqu’au secondaire supérieur (l’équivalent du secondaire 3-4-5). Cependant, l’accès aux cycles suivants devient conditionnel aux résultats des élèves. Ces derniers ne peuvent y accéder qu’à la suite d’une sélection basée sur la qualité de leur dossier académique et parfois des tests d’admission. Il en va de même pour l’admission aux autres cycles d’études supérieures jusqu’à l’université.

Cela peut sembler inéquitable, mais le pari fait par la Finlande est de miser sur une excellente préparation de base. C’est peut-être pour cette raison que dans la formation fondamentale, une place majeure est accordée aux matières… fondamentales, la langue et les mathématiques par exemple. Au Québec, plusieurs voix s’élèvent, depuis le frère Untel jusqu’à nos représentants syndicaux actuels, pour que soit renforcé l’enseignement de la langue d’apprentissage, le français.

Le système scolaire finlandais s’appuie donc sur des enseignants bien formés et dont le travail est valorisé. On leur fait entièrement confiance dans l’application d’une réforme qu’ils peuvent adapter en toute liberté à leurs propres méthodes pédagogiques. Leur travail est facilité par des classes peu nombreuses, ce qui leur permet de s’occuper efficacement des élèves en difficulté qui restent intégrés dans les groupes réguliers. Voilà des recettes simples, efficaces, relevant du bon sens, que l’on rêverait de voir appliquées au Québec.

Dans la deuxième partie de cet article, nous décrirons certains aspects en lien avec l’organisation institutionnelle et pédagogique comme le nombre d’élèves par classe et le soutien dont bénéficient les élèves et les enseignants, le budget consacré à l’éducation et certaines mesures particulières en vue de l’intégration des élèves d’origine étrangère. Pour approfondir sur ces thèmes, outre les nombreux sites qui fournissent des informations sur ce sujet, nous vous référons à l’annexe 2 de l’avis du Conseil supérieur de l’éducation paru en octobre 2009 intitulé Une école secondaire qui s’adapte aux besoins des jeunes pour soutenir leur réussite, ainsi qu’au site http://www.siteraeq.org/documents/rapport_finlande.pdf.