Lettre d’opinion publiée dans le journal La Presse, le mercredi 25 octobre 2006, sous le titre De futurs réfugiés ? Il faudrait offrir un statut de réfugié à ceux qui sont les plus menacés de représailles par les talibans.

Prendre position sur la question du retrait des troupes canadiennes d’Afghanistan n’est pas chose facile pour des enseignantes et des enseignants, comme pour tout citoyen épris de justice et de paix. Ça relève d’un véritable débat cornélien ! Profondément imprégnés d’un sentiment contre la guerre, voire contre toutes les guerres, nous sommes aussi pour la démocratie et contre les barbaries nées du fanatisme ou de l’obscurantisme. Solidaires des opprimés, nous ne pouvons pas être insensibles au sort réservé aux femmes et aux enseignants par la gouverne des Talibans.

Mais nous ne pouvons pas ignorer que la reconstruction de l’État Afghan ne connaît aucune avancée réelle et que les besoins du peuple restent entiers. Bien plus, selon les rapports du groupe Human Rights Watch, les seigneurs de guerre qui prennent leurs assises dans le commerce de la drogue et qui sont en bonne partie le fondement du pouvoir du nouvel État afghan, ne respectent pas plus les droits humains que les Talibans.

On pourrait être tenté de définir un mandat mi-figue, mi-raisin, un mandat que plusieurs considèrent comme intenable, semblable à celui des militaires canadiens au Rwanda. Un tel mandat, s’il peut être envisagé, ne pourrait pas plus empêcher les missions suicides et les attaques des Talibans.

En tout état de cause, il faut d’abord se situer en regard de la présence militaire canadienne actuelle, qui agit sous la direction de l’OTAN. Ainsi, pour prendre position, on doit considérer l’effet réel ou le non-effet d’une telle intervention. Sur le plan éthique, il peut y avoir autant de raisons d’y rester en regard de la défense des opprimés que de partir pour arrêter la tuerie. Mais, sur le plan de l’effet d’une telle intervention, il est de plus en plus clair que celle conduite par l’OTAN ne mènera nulle part, si ce n’est qu’à plus de guerres et à plus de morts.

Nous devons quitter l’Afghanistan, parce que la guerre ne règlera rien et que la démocratie, ça ne s’impose pas. Nous devons quitter l’Afghanistan parce que le problème afghan doit être réglé par le peuple afghan. Mais nous ne pouvons pas simplement tourner le dos. Nous ne pouvons pas ignorer le fait que ce retrait laissera une partie de la population aux mains de la vengeance des talibans. Nous devons témoigner du maximum d’ouverture possible dans un tel contexte de retrait pour offrir une protection et un statut de réfugié à celles et ceux qui sont les plus menacés de représailles. En tant qu’enseignante et enseignant, il nous semble impossible de faire autrement.

La question afghane est à la fois une question de souveraineté, mais aussi une question politique de première importance au plan international. L’ONU et son Conseil de sécurité doivent trouver d’autres pistes que la piste militaire. Il ne fait pas de sens que l’emploi de la force soit la façon pour la communauté internationale de résoudre les conflits.

Ronald Cameron

Président de la FNEEQ-CSN