Des acquis à préserver et des défis à relever pour les universités québécoises

Poser un regard neuf sur la qualité de l’enseignement universitaire

Lettre d’opinion publiée dans le journal Le Devoir, le mercredi 14 mai 2008, sous le titre Poser un regard neuf sur la qualité de l’université, et sur le site de Cyberpresse – Le Soleil, le 30 mai, sous le titre Une vision superficielle et passéiste de l’université.

L’université québécoise subit probablement les pressions les plus fortes de tous les secteurs du système d’éducation au Québec pour accroître sa « productivité ». Pas surprenant qu’on observe des pressions à la baisse pour la mettre au diapason d’une économie plus « mondialisée ». Mais associer un risque d’affaiblissement de la qualité de l’enseignement au grand nombre de chargé-es de cours est non seulement injuste pour ces professionnels de l’enseignement, qui assument pratiquement 50 % des cours au premier cycle, mais constitue un raccourci analytique facile et impropre à suggérer des solutions adéquates. C’est pourtant ce que fait le dernier avis du Conseil supérieur de l’éducation.

L’importance et le rôle du professeur d’université sont une évidence et vont de pair avec la mission globale de l’université. Son embauche l’est tout autant ! Mais établir la qualité des universités, surtout sur le plan de la formation, sur la seule corrélation basée sur le ratio de l’effectif étudiant et de celui des professeurs relève d’une vision superficielle et passéiste de l’université.

D’abord, précisons que la qualité de la formation repose sur un nombre important de facteurs. L’un d’entre eux est certes celui du corps enseignant. Or, exclure les milliers de chargé-es de cours de ce calcul, c’est être aveugle à leur expertise et à leur contribution à l’avancée des universités en matière de scolarisation de la population québécoise qualifiée de remarquable par le Conseil supérieur de l’éducation !

La qualité du corps enseignant de l’université d’aujourd’hui se distingue par sa diversité, sa complémentarité, son expérience pédagogique et professionnelle et sa capacité de travail en équipe. Elle tient également au souci constant pour le développement pédagogique et pour la mise à jour des connaissances dont témoignent ses membres. Les chargé-es de cours sont conscients et s’investissent jour après jour dans l’amélioration de leur enseignement. En outre, plusieurs sont également actifs en recherche et en création. Ils participent aussi depuis de nombreuses années à l’élaboration et à la révision des programmes ainsi qu’à divers comités pédagogiques et ont des représentants officiels qui siègent aux instances universitaires. Il apparaît donc clairement que les chargé-es de cours sont beaucoup plus que de simples enseignants à forfait, qu’ils font partie intégrante de la structure des universités et qu’il est essentiel que leur contribution soit reconnue à sa juste valeur.

Poser un regard neuf sur les universités, ce n’est pas évaluer la performance des établissements à leur capacité de recherche. Il faut plutôt voir dans la valorisation de l’enseignement universitaire ce pas essentiel pour faire face aux nouvelles réalités de l’économie du savoir. Les exigences de la qualité sont avant tout sur le plan de la formation et de l’enseignement, qui doivent être valorisés, du moins autant que la mission de recherche. Ces exigences doivent s’articuler à tous les cycles et être orientées dans le sens d’une formation intégrale aux aspects multiples : intellectuel, pratique, méthodologique, professionnel et humaniste.

L’évolution contemporaine des universités n’est pas une réalité propre au Québec. La présence accrue d’enseignants à statut précaire est un phénomène grandissant partout dans le monde, particulièrement en Amérique du Nord, manifestation qui va de pair avec une accessibilité plus grande aux établissements universitaires. Il importe d’assurer à ces professionnels de l’enseignement une participation active à la mission des universités tout en préservant, à l’instar des professeurs réguliers, leur liberté académique. À cet égard, les chargé-es de cours québécois ont fait montre de leadership en se dotant des protections nécessaires.