Par David Tacium, du Collège Édouard-Montpetit
Irkar me dit que de nouvelles coupures budgétaires fédérales laissent le projet des sans-abris indigènes urbains dans le pétrin. Que cela démentit encore une fois les prétentions des Conservateurs à améliorer la qualité de vie des autochtones. Irkar prédit la poursuite en 2008 de journées pancanadiennes d’action ainsi que d’autres actes de perturbation comme le blocage de chemins de fer et de ponts.
Le Canada vote contre
Irkar Beljaars est un jeune homme de Kanawake qui anime l’émission hebdomadaire « Native Solidarity News » à la station de radio communautaire CKUT, où j’en fais une aussi. Selon lui, le refus catégorique du Canada d’appuyer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (voir La Dépêche, novembre 2006) demeure un point sensible chez son peuple. Rappelons que le Canada était un des quatre États qui ont voté contre la Déclaration (1), les autres étant les États-Unis, l’Australie, et la Nouvelle-Zélande. Décision hautement embarrassante sur le plan de l’image internationale, il faut en convenir. Certes, les quatre gouvernements en question démontrent une forte tendance de droite. Mais l’Australie, qui vient d’élire le Parti travailliste avec Kevin Rudd, publiera bientôt une lettre d’excuse aux Aborigènes pour la politique d’assimilation que le pays a pratiquée jusqu’en 1970, excuse que John Howard, son prédécesseur conservateur, avait refusé d’offrir. Que ce geste ne soit que symbolique n’enlève rien à son importance, comme en témoignent les larmes à peine étouffées de Christine King, co-présidente de Stolen Generations Alliance, au moment de l’annonce de cette décision.
Les « raisons » du gouvernement
Pendant ce temps, Harper, issu de la même école que Howard, ne veut rien savoir de la Déclaration des Droits des peuples autochtones, dont la portée est, elle aussi, symbolique. Le Canada prétend qu’il faut prendre l’appui des 143 pays avec un grain de sel : signer le document ne coûtait pas cher pour des pays qui n’ont pas d’autochtones ou prétendent ne pas en avoir. Presque tous les pays ont exprimé des réserves.
On craint une nouvelle crise fédérale-provinciale
Chez nous, Chuck Strahl, ministre des Affaires Indiennes, craint que les peuples autochtones se servent de la Déclaration pour revenir sur des traités historiques ou sur des revendications « déjà réglées » et demandent que des mesures soient prises à l’encontre de droits acquis de non autochtones. Selon J-F Savard de l’École nationale d’administration publique, la reconnaissance du document pourrait entraîner des modifications dans la fonction publique fédérale et mener à une nouvelle crise fédérale-provinciale (Le Devoir, 24 septembre 07).
Ne pas ouvrir la porte des droits collectifs
En effet, le refus du Canada de signer témoigne de l’insécurité d’un État conscient de la faille sur la laquelle sa propre souveraineté est fondée. Le Canada est fier de sa défense des droits individuels. Or, la Déclaration des Droits des peuples autochtones ouvre une porte qui ne peut qu’embêter les Conservateurs: la porte, en l’occurrence, des droits collectifs. Voici une notion qui va radicalement à l’encontre de l’idée canadienne. Aucun peuple n’aurait droit, par exemple, aux territoires qu’il habite et à leurs ressources, mais seuls des individus qui s’en sont emparés, souvent à force d’expropriations de ceux qui s’y trouvaient sans titre officiel. Dans un pays et sous un gouvernement vendus au modèle capitaliste, les Premières Nations se trouvent piégées d’emblée. Le carcan du système, cristallisé en forme juridique, ne semble laisser aucune ouverture, ne serait-ce que pour un geste de simple compassion.
Derrière la façade
Curieux comportement que d’avoir soutenu l’équipe de travail de l’ONU tout au long du processus qui a duré 12 ans pour ensuite rejeter son résultat. C’est pourtant exactement ce que le gouvernement Harper a fait en exigeant des élections démocratiques en Palestine en janvier 2006 pour ensuite refuser d’en reconnaître le gagnant, soit le Hamas. En refusant d’approuver un document dont le caractère est surtout symbolique, même pas légalement contraignant, le gouvernement bascule dans le racisme. En fait, plus on étudie la chose, plus on voit une version maison du conflit israélo-palestinien où les usurpateurs se croient aveuglement être les bons.
(1) L’assemblée générale de l’ONU a adopté la déclaration le 13 septembre 2007 : 143 pour, 4 contre, 11 abstentions
Photo: Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec, a dirigé la marche du 7 septembre 2007 pour réclamer du gouvernement du Canada qu’il signe la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Michel Giroux, Perspectives CSN