8 octobre 2010 – La ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, a annoncé récemment la tenue de quatre forums reliés à l’éducation : l’intégration des élèves en difficulté, l’adéquation formation-emploi, la démocratie scolaire et le financement des universités. En lien, précise-t-on dans ce dernier cas, avec la « performance » de ces dernières.

On peut peut-être se réjouir d’un tel appel à la réflexion collective, mais les modalités proposées n’ont rien à voir avec l’ampleur des enjeux évoqués.

Cette disproportion a déjà été relevée par d’autres dans le cas de l’intégration des élèves en difficulté; pour les universités, elle nous apparaît encore plus patente.

La société, la production du savoir humain, son partage, tout cela a considérablement changé au fil des ans et les universités se sont adaptées comme elles ont pu, sans qu’il n’y ait cependant un examen en profondeur et un véritable débat public sur l’arrimage de ces évolutions.

L’accession à l’université d’une fraction de plus en plus grande de la population mériterait à elle seule une réflexion collective de plusieurs jours. Cette massification, jointe à l’avancement phénoménal des connaissances humaines, ne devrait-elle pas conduire les universités à accorder plus d’importance à l’enseignement, rétablissant ainsi l’équilibre entre ses deux missions essentielles, soit l’enseignement et la recherche ?

Qu’en est-il du financement de la recherche ? Qu’est devenu l’état des relations entre les universités et les subventions des entreprises privées ? L’indépendance de la recherche universitaire a-t-elle pu, au fil des décennies, être maintenue ?

L’allongement de la durée moyenne des études constitue à lui seul une transformation sociale majeure, qui pose toute la question de la condition financière des étudiantes et des étudiants. Travailler, étudier et fonder une famille en même temps, ce n’est plus le lot de quelques bêtes rares, c’est une situation devenue monnaie courante. Une société du savoir est aussi une société qui compte dans ses rangs une part importante d’étudiantes et d’étudiants. Il faut poser globalement la question de leurs conditions de vie. Dans un tel contexte, l’idée a déjà été avancée, non pas d’une hausse des droits de scolarité, mais bien d’un véritable salaire étudiant!

La liste des sujets d’intérêt, pour l’avenir des universités, est encore longue. On pourrait parler de la gouvernance, on pourrait parler de la responsabilité envers les universités de ces entreprises privées qui profitent directement de la longue formation reçue par celles et ceux qu’elles embauchent, on pourrait discuter de la pertinence de cet esprit de concurrence qu’on tente d’implanter, dans le monde universitaire, entre les établissements, les programmes d’études ou les disciplines

Tous ces débats sont importants, et nécessaires avant que soient prises des décisions qui pèseront lourd sur l’avenir de nos universités. On conviendra aussi que ces mêmes décisions constituent de véritables choix de société, ce qui rend le débat social encore plus pressant.

À cette aune, le forum proposé par Mme Beauchamp apparaît bien chenu comme instrument de réflexion collective. Notre ministre semble plutôt prise avec une intention gouvernementale annoncée à la va-vite avant son arrivée. Cette mesure, improvisée dans le budget Bachand, visait sans doute à donner une apparence de suivi aux belles conclusions du forum appelé par le gouvernement à Lévis, en janvier dernier, qui s’était soldé par le large consensus pour faire de l’éducation une priorité au Québec.

Nous sommes, pour le moins, loin du compte. À quand de véritables États généraux sur l’avenir de l’université, avec une place prépondérante accordée à celles et ceux qui y travaillent et qui y étudient ?

Jean Trudelle

Président,

Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)