Dans une décision étoffée rendue au début de la semaine, la juge Johanne Mainville de la Cour supérieure a rejeté les prétentions du Procureur général du Québec, qui tentait de faire invalider le jugement de l’arbitre Pierre Cloutier dans un grief plaidé au cégep Édouard-Montpetit relativement à la tâche enseignante.

Il s’agit d’une importante victoire. Cette décision reconnaît en effet l’imputabilité du ministère sur le plan de la convention collective, considérant les garanties convenues entre les parties négociantes en 1989 au sujet du nombre minimum de professeurs nécessaires pour accomplir la tâche enseignante dans les collèges. Le grief initial concernait une modification au calendrier scolaire, introduite unilatéralement par le ministère à la fin du printemps de 1992 et qui avait pour effet de rapprocher la date d’abandon de celle du début d’un cours pour un élève.

Il aura fallu une quinzaine d’années donc, pour que soient reconnus les effets de cette décision unilatérale du ministère. Parce qu’elle avait des conséquences directes sur le comportement des étudiantes et des étudiants et sur la lecture des effectifs qui servent au calcul des ressources enseignantes, cette modification a entraîné une baisse des allocations consenties aux collèges, ce qui était contraire à l’engagement pris par le ministre à cet égard en 1992.

De nombreux griefs avaient été déposés à ce moment. Cependant, la lourdeur de la preuve à faire avait amené la FNEEQ à défendre d’abord un seul cas, soit celui du syndicat du collège Ahuntsic. Dans cette première cause, plaidée et gagnée devant l’arbitre Laflamme en 1998, le ministère de l’Éducation avait considéré qu’il n’était pas lié par la décision, et ce, sans même aller en appel. En conséquence, le ministère refusait d’assurer le financement des ressources manquantes, rejetant cette responsabilité sur le collège Ahuntsic.

Un second grief a donc été plaidé, cette fois au cégep Édouard-Montpetit. Profitant de l’expertise acquise dans le dossier du cégep Ahuntsic, le syndicat local a fait à nouveau la démonstration des préjudices entraînés par la décision unilatérale du ministère quant aux ressources enseignantes. Ce deuxième arbitrage, qui donnait de nouveau raison aux prétentions syndicales, impliquait cette fois le ministère.

La Cour supérieure vient maintenant de reconnaître la responsabilité du ministère de l’Éducaton.

La réduction du nombre de personnes enseignantes équivalent à temps complet (ETC) nécessaire pour la tâche enseignante, imposée à l’époque est considérable. Des évaluations conservatrices pour l’ensemble du réseau des cégeps la situent à plus d’une centaine de ETC par année…, et ce, depuis 1992-93 !

Les suites de ce jugement restent à établir. Le ministère dispose d’un droit d’appel en Cour suprême. Il peut aussi choisir de se soustraire aux obligations politiques découlant d’un tel jugement, ce qui obligerait la FNEEQ à une longue procession de plaidoiries similaires pour chaque institution et pour chacune des années concernées.

«Il est évident pour nous, déclare Jean Trudelle, vice-président de la FNEEQ et responsable du regroupement cégep, que cette avenue constituerait une véritable tentative d’obstruction judiciaire. Une autre avenue est possible, et c’est celle de l’ouverture de la convention collective au bénéfice de la profession et du personnel enseignant dans les cégeps», conclut-il.

Il est impossible de savoir quelle sera l’attitude du ministère, mais à un moment où la lourdeur de la tâche fait l’objet de revendications légitimes dans tout le réseau collégial, une réouverture de la convention collective au chapitre des ressources enseignantes apparaît plus que jamais pertinente et urgente.

La FNEEQ tient enfin à souligner le travail remarquable du syndicat du personnel enseignant au cégep Édouard-Montpetit, tout autant que celui du cégep Ahuntsic lors de la première cause, considérant les exigences considérables du travail exigé par la preuve.

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