Le ministre de l’Éducation Sébastien Proulx ne veut pas entendre raison et persiste à vouloir imposer un cours d’éducation financière l’automne prochain dans toutes les écoles secondaires du Québec malgré une opposition ferme du milieu de l’éducation. Encore une fois le processus de consultation du Régime pédagogique n’a pas été respecté et cette décision n’a fait l’objet d’aucun débat public. Avec l’implantation de ce cours, les libéraux sont fidèles à eux-mêmes: ils souhaitent impérativement préparer les jeunes à vivre dans un monde qui correspond à leur vision économique néolibérale!
Personne ne peut être contre l’idée de sensibiliser les élèves de cinquième secondaire aux questions financières, alors que l’économie occupe une place si grande dans nos vies et dans les décisions de nos gouvernements. Mais ce nouveau cours pose de sérieux problèmes à la fois dans son contenu et dans son implantation.
Des enjeux discutables
Le cours ne vise pas à faire connaitre les fondements de l’économie et à développer une réflexion critique sur ces enjeux, mais il s’adresse clairement à des consommateurs qu’il faut bien éduquer. Le cours est d’ailleurs divisé en trois «enjeux financiers» dont le premier est justement «consommer des biens et des services». On comprend la difficulté de gérer ses finances personnelles, à une époque où l’on exige l’impossible aux citoyennes et aux citoyens: il faut consommer le plus possible pour faire rouler l’économie, mettre de l’argent de côté afin de s’assurer une retraite acceptable, ne pas trop s’endetter et ne pas demander de hausse de salaire en conséquence parce que, vous comprenez, aucun patron n’en a les moyens…
En mettant l’accent sur la consommation, le cours s’attardera sur les produits financiers offerts par les banques: cartes de crédit, fonds de pension, prêts étudiants, etc. Certes, on apprendra à utiliser ces produits à bon escient. Un peu comme la SAQ incite à consommer ses alcools avec modération. Avec cet apprentissage, les élèves sauront comment évoluer dans le monde capitaliste sans le remettre en question et sans que les visions alternatives de l’économie ne soient vraiment mises de l’avant.
Dans les deux autres parties du cours, «intégrer le monde du travail» et «poursuivre ses études», ces objectifs sont considérés comme des «enjeu[x] financier[s]». Le travail donne en effet des revenus immédiats, tandis que les études «ont un coût associé à un ensemble de nouvelles dépenses qui doivent être financées». Les jeunes seront ainsi bien préparés à accepter des hausses des droits de scolarité et ne prendront plus la rue! Dans un cas comme dans l’autre, on ne parle pas d’émancipation, d’épanouissement, et encore moins d’une chose aussi impondérable que la vocation.
En ce qui concerne les études, plus particulièrement, les mots clés sont salaire, rémunération, stratégie et financement. Finalement, une partie des apprentissages précisés dans le programme de formation semble axée sur la mémorisation d’informations conjoncturelles, ce qui nous fait craindre une baisse de niveau des exigences du cours.
Mettre les freins pour éviter les pots cassés
En plus de cette approche discutable, le cours se distingue par la façon dont il est imposé. D’une durée de 50 heures, il grugera un temps considérable du cours Monde contemporain, qui apporte pourtant des notions importantes de culture générale et des réflexions sur les réalités politiques — et aussi économiques — qui sont les nôtres.
Pressé, le ministre Proulx tient absolument à ce que le cours soit donné tel quel dès l’automne prochain. Cette précipitation lui permet d’imposer son contenu sans remise en cause, sans utiliser des processus qui ont fait leurs preuves, comme une implantation progressive et l’utilisation de groupes pilotes. Tant l’implantation de la réforme de l’éducation au secondaire que celle des tableaux blancs électroniques nous ont pourtant montré que lancer un projet sans l’approbation du milieu mène à des résultats désastreux.
Tout n’est pas à rejeter dans cette formation, bien sûr. Il est bon d’informer les jeunes sur leurs droits, le rôle de l’impôt, les lois du travail, l’importance d’avoir un budget personnel équilibré. Mais le cours semble avoir un ton parfois moralisateur (il est bon de mettre de l’argent de côté, de ne pas trop s’endetter) et se concentre sur des apprentissages souvent très pragmatiques. Pendant ce temps, quelle sera la place accordée à l’esprit critique et à des problèmes plus fondamentaux, comme la destruction de l’environnement, la consommation d’énergie fossile, la financiarisation de l’économie, les paradis fiscaux, le pouvoir des multinationales et — pourquoi pas — l’oligopole des grandes banques?
Ce cours rassemble le milieu de l’éducation contre lui. Tant la FNEEQ (dont le comité école et société) et la CSN, le Conseil supérieur de l’éducation, la CSQ, l’APEQ et la FAE dénoncent la rapidité avec laquelle on veut le mettre en place et en critiquent de nombreux éléments de contenu. Ils souhaitent une meilleure évaluation de ses effets sur la grille-horaire, et plusieurs remettent en cause l’orientation idéologique du cours. Il faut donc souhaiter que le ministre prenne acte de cette opposition et renonce à l’implantation de ce cours.
Les jeunes du Québec ont trop souvent joué le rôle de cobaye dans des projets mal conçus dont ils sont les premiers à en subir les conséquences!
Le comité école et société
On peut contacter le comité école et société par courriel à l’adresse: cesfneeq@csn.qc.ca