Nos gouvernements, tant fédéral que provincial, ne semblent plus avoir d’autre projet que d’appliquer des politiques d’austérité. C’est ainsi que le discours sur l’austérité nous enjoint à nous serrer encore une fois la ceinture et à adopter des politiques économiques qui conviennent particulièrement bien aux agences de notation. En dernière instance, ces agences privées fixent la hauteur des charges de la dette publique. Ce faisant, elles tiennent les États en laisse. Leurs décisions relèvent pourtant davantage de partis pris idéologiques que d’examens sérieux de la situation économique des États. Les conséquences en sont très graves: non seulement le budget ne se rééquilibre pas, comme le montrent de très nombreux cas ailleurs dans le monde, mais le démantèlement de l’État qui en découle crée surtout davantage d’injustices et de pauvreté.

À QUI PROFITE L’AUSTÉRITÉ?

L’austérité se ramène aux politiques suivantes:

  • privatiser les services publics;
  • geler l’embauche ou les salaires dans le secteur public;
  • entreprendre de grandes vagues de compressions budgétaires, touchant principalement les services publics et les programmes sociaux;
  • hausser les frais d’accès aux services publics (scolarité, garderie, ticket modérateur, tarifs énergétiques, infrastructures routières, etc.);
  • réformer la fiscalité en haussant les taxes à la consommation et en faisant payer de manière disproportionnée les travailleuses et travailleurs qui produisent la richesse, tout en allégeant la contribution fiscale du capital, des entreprises et des plus fortunés.

Il y a déjà près de 40 ans que la majorité d’entre nous s’appauvrit ou voit baisser son pouvoir d’achat, alors que le niveau d’endettement des ménages est en hausse constante. La financiarisation de l’économie, la concurrence entre les États, la déréglementation et les privatisations ont eu comme conséquence de donner un pouvoir plus grand que jamais aux grandes entreprises, au grand capital et à une élite de bien nantis. Les politiques d’austérité correspondent à leur désir de se retrouver devant des États disciplinés, dont l’une des tâches principales consiste à favoriser l’expansion des corporations. Les politiques de minceur font que les gouvernements affaiblissent progressivement les secteurs vitaux à leur charge, pour ensuite les privatiser.

Prenons l’éducation, l’une des grandes victimes de ces politiques. Mal financée, on demande maintenant aux institutions de compenser elles-mêmes leur manque de revenus. Ceci affecte surtout les universités, victimes de compressions budgétaires sans précédent. Des économies sont réalisées en enseignement en faisant appel à de plus en plus de contractuels, chargées et chargés de cours mais aussi étudiantes et étudiants salariés. Environ 50 % de l’enseignement au 1er cycle est dispensé par des contractuels et s’ils ne vivent pas toutes et tous la précarité de la même manière, ils exercent majoritairement leur métier dans de difficiles conditions. La recherche doit se faire de plus en plus selon des critères de rentabilité. Par la hausse de droits de scolarité, on demande aux étudiants et aux étudiantes de transformer leurs études en «investissement». Si les universités semblent manquer d’argent pour l’enseignement, il en va tout autrement pour le marketing international, les nouvelles technologies et les projets d’expansions. Par des manipulations comptables, certaines administrations universitaires, créent des déficits dans le budget destiné à l’enseignement pour ainsi disposer de fonds pour organiser des campagnes de recrutement d’étudiantes et étudiants étrangers et pour financer des infrastructures pour se maintenir à la fine pointe de l’économie du savoir. Drapée dans l’autonomie universitaire, des administrations ont choisi de réduire le nombre de cours, ce qui entraine la mise à pied de personnes chargées de cours, les plus précaires au sein des personnels enseignants. En plus de causer des pertes d’emploi, ces mesures priveront les étudiantes et les étudiants d’une précieuse expertise et de services auxquels ils ont droit.

La situation dans le réseau collégial n’est guère plus reluisante. La Fédération des cégeps estime que les cégeps sont sous-financés d’un montant de 245 millions depuis des années, car le réseau collégial subit des compressions importantes de manière régulière. Les dernières datent du 14 novembre dernier. On demande aux cégeps de réduire leurs activités de 19 millions et ce, même si les budgets pour l’année ont déjà été déposés. Ces compressions budgétaires en plein cours d’exercice suivent celles de 20 millions annoncées 6 mois plus tôt et s’ajoutent à cinq autres vagues de compressions imposées aux cégeps pendant les quatre dernières années, pour arriver à un total de 109 millions. Déjà, des établissements en région étaient dans une situation de survie. Doit-on craindre davantage pour leur existence? L’application des mesures proposées dans le rapport Demers, qui devait faire des propositions pour leur venir en aide, devra se faire à cout zéro, a déclaré le ministre Bolduc.

Par ailleurs, il est question de réviser la place de la formation générale dans la formation des étudiantes et des étudiants. Cette situation fait dire à Gabriel Nadeau-Dubois: «L’austérité dans le réseau collégial prend aussi la forme de coupures dans les idées enseignées, une forme de rationalisation des contenus dont on ne parle jamais de toute façon puisque, lorsqu’on parle d’éducation au Québec, on parle surtout de structure. C’est comme si l’État n’avait plus les moyens d’enseigner la littérature, l’apprentissage d’une deuxième langue, la culture physique et les classiques de la philosophie.»

L’application de mesures d’austérité dans le milieu de l’éducation primaire et secondaire, n’est vraiment pas nouvelle. La tendance est claire: il n’y a pas eu de réinvestissement dans l’éducation depuis fort longtemps. Ce n’est pas d’hier que des enseignantes et enseignants du primaire doivent «équiper» leurs classes en déboursant eux-mêmes les frais associés à l’achat de matériel. L’État ne finance plus le perfectionnement nécessaire à leur mise à niveau. Plus récemment, les enseignantes et enseignants ont vu diminuer leur nombre de journées de congés de maladie.

Il faut aussi constater que l’absence de financement suffisant en éducation a eu des conséquences dangereuses pour certains écoliers qui passent leur journée dans des immeubles délabrés. Par contre, ces classes sont équipées des plus récents modèles de tableaux interactifs. Plus récemment, et sans surprise, c’est à l’existence même des commissions scolaires que les tenants de la privatisation des services s’attaquent, après avoir diminué de manière drastique leur financement et avoir juré que les services directs aux élèves ne seraient pas touchés. Pourtant, bon nombre de parents se sont vu refuser des programmes d’aide aux devoirs. Les plus privilégiés iront chercher ce service dans le privé. Les autres verront leur enfant confirmer les statistiques qui montrent le lien entre la situation financière des parents et la scolarisation des enfants.

Pourquoi nos gouvernements cessent-ils d’investir dans l’éducation? Pourquoi négliger un secteur aussi indispensable à notre épanouissement individuel et collectif? Les travaux de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, entre autres, ont démontré que les ressources financières disponibles ne manquent pas. Les compressions de nos gouvernements sont donc clairement politiques et idéologiques, plutôt que justifiées par des difficultés financières.

En ce sens, l’austérité consisterait en une énième tentative pour sauver le capitalisme de la crise dans laquelle il est enlisé. En réalité, ces choix ne font qu’avantager une classe de privilégiés et n’assurent qu’une seule chose: l’accroissement constant des inégalités sociales depuis près de 30 ans. Nos gouvernements agissent en sorte de nous dépouiller progressivement de cette richesse collective que sont des services publics et des programmes sociaux de qualité. Comment ne pas être interpellés par une telle attaque à notre modèle collectif?

Le discours sur l’austérité dissimule mal son projet de domination d’une classe de plus en plus restreinte sur toutes les autres. Les politiques d’austérité ne sont ni des politiques de «saine gouvernance» ou de «bonne gestion»: elles ne sont que le déploiement systémique d’une idéologie de classe reposant sur l’enrichissement de quelques-uns au détriment de la majorité. Résister aux politiques d’austérité devient absolument nécessaire pour vivre dans un monde meilleur et plus juste. On se voit dans la rue!

Le comité école et société
On peut contacter le comité école et société par courriel à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca