Nous célébrons cette année les 50 ans du ministère de l’Éducation, lequel demeure encore aujourd’hui à la fois l’instrument et le symbole de la démocratisation de l’éducation et du développement d’un Québec créatif et moderne. Plusieurs activités commémoratives ont lieu au cours de l’année. Dans le cadre du 82e Congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS), un colloque intitulé Un demi-siècle d’éducation depuis la Révolution tranquille: perspectives historiques et réflexions pour l’avenir s’est tenu les 12 et 13 mai 2014.

50 ans d’éducation depuis la Révolution tranquille:
Faut-il célébrer ou s’inquiéter?

La FNEEQ fait partie des quelque 80 partenaires sollicités dans le cadre de ce colloque. Au-delà des constats sur le «chemin parcouru par la société québécoise depuis la Révolution tranquille», la consultation menée par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) cherche surtout à jauger le degré d’adhésion des différents organismes aux grandes tendances actuelles, présentées comme autant d’enjeux et de défis : «la diversification des besoins et des services éducatifs», «les fondements et la nature des connaissances et compétences qui doivent être prises en considération dans les programmes d’études» ainsi que «le rôle des acteurs de l’éducation à la fois dans la prestation des services et dans la gouvernance du système d’éducation». On comprend que, pour le MELS, il s’agit là des questions qui vont circonscrire l’évolution de notre système d’éducation. Nous présentons ici les réponses données par la FNEEQ, sur la base du patrimoine actuel de nos positions.

La diversification des besoins et des services éducatifs
Pour la FNEEQ, le premier défi à relever en réponse aux besoins plus diversifiés des étudiantes, étudiants et des élèves est d’éviter une marchandisation croissante de l’éducation. Un système d’éducation qui cherche à être «rentable», et qui accepte de se plier à la loi de l’offre et de la demande, se centre peu à peu sur les besoins du marché plutôt que sur le développement intégral de la personne. Cela pourrait conduire, entre autres choses, à une offre de cours de moins en moins diversifiée, à une atrophie de la formation et des connaissances nécessaires pour comprendre un monde de plus en plus complexe. Les cours et les programmes les plus immédiatement utiles et les plus axés sur les besoins du marché du travail pourraient ainsi être privilégiés.

La diversité de l’offre de cours nous semble particulièrement menacée en région. La diminution de l’effectif étudiant oblige parfois certaines administrations à abolir des cours ou des programmes. Dans un mouvement de spirale vers le bas, l’offre moins grande rend ces institutions moins attrayantes, incite les étudiantes et étudiants à regarder vers les grands centres, entrainant ainsi une nouvelle baisse de fréquentation. Dans les universités, on retire des cours de l’horaire pour des soucis budgétaires.

Répondre aux besoins des étudiantes, étudiants et des élèves signifie aussi adapter l’école à leurs particularités. Le réseau de l’éducation au Québec a acquis au cours des dernières années une connaissance beaucoup plus complète de la diversification de ses effectifs, en ce qui concerne spécifiquement les élèves en situation de handicap. La FNEEQ considère que ces élèves devraient être intégrés aux groupes, dans le respect des compétences de chacun, et qu’il faudrait investir les fonds nécessaires pour qu’ils puissent recevoir un encadrement adapté à leurs besoins.

Relativement à l’immigration et à la diversité des cultures d’origine, la FNEEQ juge qu’il est important de promouvoir l’inclusion, notamment par l’intégration culturelle, professionnelle, économique et linguistique et qu’il faudrait appliquer, dans le cas de litiges causés par des questions religieuses, le principe d’une laïcité ouverte. Pour nous, l’école est le creuset par excellence de la cohésion sociale!

Le dénominateur commun de toutes nos propositions est la nécessité d’offrir un meilleur financement de l’éducation publique. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec dégage les montants suffisants pour assurer une grande diversité dans les institutions d’enseignement et pour faire de l’éducation une véritable priorité nationale. Les bénéfices et avantages de tels investissements sont généralement admis et reconnus.

Les connaissances et compétences dans les programmes d’études
Il va de soi que la conception des programmes de formation techniques ou universitaires doit être enracinée dans les tâches à accomplir en emploi et la réalité, à cet égard, change rapidement dans plusieurs domaines. Mais les établissements d’enseignement supérieur savent s’adapter. On peut attester que dans les cégeps, par exemple, la pertinence, l’actualité et la qualité des programmes techniques est remarquable.

Si des enjeux importants se dessinent quant aux contenus et finalités des programmes de formation universitaires et techniques, ils tiennent moins, selon nous, aux mécanismes actuels de mise à jour des programmes qu’aux effets pervers de la marchandisation du savoir et de la formation.

Dans ce contexte, l’indépendance relative des programmes de formation face aux attentes particulières des entreprises nous semble menacée.

Une première inquiétude concerne les bases scientifiques et le caractère fondamental de la formation technique. Nous croyons qu’une formation initiale doit absolument viser, entre autres, à rendre la future personne technicienne ou professionnelle capable de s’adapter rapidement aux changements dans son domaine, lui conférant une certaine autonomie face au marché du travail.

En ce sens, nous croyons qu’il faut faire preuve d’une extrême prudence quand il est question de rapprochement entre les programmes de formation et les besoins, souvent à court terme, d’une entreprise ou d’une région. L’heure est venue de promouvoir le développement d’une véritable culture de l’insertion professionnelle et de redonner au système d’éducation sa pleine autorité dans la définition des compétences des programmes et l’émission des diplômes.

Une seconde inquiétude concerne la lente érosion du droit de regard des enseignantes et enseignants sur la facture des programmes. Dans les cégeps, par exemple, nous relevons un profond malaise quant au rôle et aux prérogatives de la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial, qui s’immisce dans des domaines tels que les décisions pédagogiques ou la mise en œuvre des programmes. Nous croyons que le personnel enseignant devrait plutôt participer davantage à la conception des programmes, ce qui constitue à notre avis le meilleur moyen de préserver l’équilibre entre la dimension qualifiante et la dimension humaniste et citoyenne des contenus d’enseignement.

En matière d’éducation des adultes (ÉDA), on peut constater le même glissement des préoccupations gouvernementales vers la seule dimension de la formation de la main d’œuvre. Pour nous, l’État québécois devrait, plus que jamais, penser les programmes à l’ÉDA pour répondre à l’ensemble des besoins de la population québécoise.

Ces questions touchent aussi le secondaire, où l’élève doit acquérir sa formation de base dans les grands domaines du savoir et de la culture. Nous questionnons la pertinence de la diversification des voies de formation dès le troisième secondaire et maintenons l’idée que l’école doit réaffirmer la distinction entre le savoir et la qualification.

La gouvernance du système d’éducation
Dans les universités, un modèle de gestion qui s’apparente à ceux de l’entreprise privée s’est peu à peu imposé. Ce choix a entrainé une précarisation des personnels, un fractionnement des tâches, une organisation pyramidale du travail et, à notre avis, une érosion des missions de l’université québécoise. Il faut recentrer l’université sur sa mission d’enseignement et revaloriser la tâche enseignante.

Ce modèle, ouvert à la concurrence et à la performance, rend naturelles l’ingérence du privé dans les contenus des programmes, la présence des fondations et des ordres professionnels qui s’attribuent des rôles de décideurs, une baisse des services disponibles pour les étudiantes et les étudiants, ainsi que l’augmentation des couts de la formation postsecondaire.

À tous les ordres d’enseignement, on fait la promotion de «l’assurance qualité» pour évaluer la «performance» des programmes et des personnels des institutions. Ces contrôles et ces méthodes d’évaluation se basent généralement sur des indicateurs quantitatifs qui ne sont pas adaptés à l’enseignement. École, université, transmission du savoir et normes ISO ne vont pas ensemble! D’ailleurs, pourquoi la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial veut-elle imposer un processus d’assurance qualité dans les cégeps alors que déjà les programmes, plans stratégiques et autres politiques sont passés à la loupe? Pourquoi faire appel à un contrôle d’assurance qualité dans le milieu universitaire quand il existe déjà, au Québec, plusieurs processus d’évaluation, comme la Commission de la culture et de l’éducation ou comme des mécanismes d’évaluation des programmes et du personnel enseignant? Ces mécanismes demeurent perfectibles, mais ils font au moins appel aux membres de la communauté, qui devraient d’ailleurs y occuper une place encore plus prépondérante.

Nous préconisons à la FNEEQ un retour à un mode de gestion en collégialité, le rejet de l’approche managériale et une participation représentative de chaque groupe de la communauté universitaire à tous les paliers et dans toutes les instances pertinentes. Cette représentation doit, en particulier, faire plus de place aux personnes chargées de cours. Elle doit aussi assurer une diversité des profils des représentantes et représentants externes et enfin, viser la parité hommes-femmes.

Dans cette perspective, si le gouvernement va de l’avant avec la création d’un Conseil national des universités (CNU), ce dernier doit être constitué sur la base d’une représentation forte et majoritaire de la communauté universitaire. Il ne s’agit pas ici du conseil d’administration d’une entreprise privée et on ne peut, en conséquence, lui appliquer les mêmes critères de constitution. Ce CNU devra se centrer sur le partage d’une vision commune du développement des universités et améliorer la coordination et la collaboration entre les établissements, dans le respect de leur autonomie.

Finalement, l’université doit valoriser l’enseignement, favoriser l’équilibre entre l’enseignement et la recherche libre, permettre tant la recherche fondamentale – en la soustrayant de l’influence du privé et de son asservissement à l’industrie – que la recherche appliquée. Bref, l’université québécoise doit se recentrer sur ses missions.

Le comité école et société
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca