Syndicalisme et éducation

Au Forum social mondial, qui s’est tenu à Tunis du 26 au 30 mars dernier, la FNEEQ était représentée par un groupe de 29 personnes. Cette délégation dynamique et enthousiaste a pu profiter d’un événement particulièrement réussi : 62 000 participantes et participants s’y étaient rassemblés, alors que l’on pouvait compter sur la présence de plus de 4 500 organisations en provenance de 128 pays. Pas moins de 1 100 ateliers étaient présentés. Le forum a été encadré de deux grandes manifestations, la seconde visant à soutenir la lutte des Palestiniens.

La situation politique en Tunisie a soulevé beaucoup d’intérêt chez nos membres présents au FSM. Pionnier du fameux printemps arabe, ce pays se trouve devant des choix difficiles, entre l’islamisation, la poursuite de politiques néolibérales et l’ouverture à un projet politique laïc et de gauche, qui cherche entre autres à s’en prendre aux inégalités et aux contraintes imposées par le remboursement de la dette – une dette en grande partie odieuse et illégitime (c’est-à-dire contractée par la dictature pour ses propres intérêts, qui allaient à l’encontre de ceux de peuple tunisien.) La condition des femmes, qui vivent de façon exacerbée les déchirements de ce pays en transition, a soulevé une grande attention. Les divisions au sein de la gauche restent grandes et il faut souhaiter que le forum ait pu contribuer à stimuler davantage l’organisation d’un mouvement social qui avait auparavant été réprimé avec dureté pendant la dictature.

Un forum social est aussi une occasion de faire le point sur la situation mondiale et sur l’état des résistances face à la mondialisation néolibérale, et celui de Tunis aura aussi permis de consolider des solidarités internationales. Les Québécois, et plus particulièrement la délégation de la FNEEQ, y ont expliqué le printemps érable, qui nous situait dans une continuité de résistances des dernières années, des «indignés», au mouvement «Occupons», à d’autres modèles qui se développent actuellement. Ces mouvements d’opposition paraissaient d’autant plus nécessaires que les mesures d’austérité produisent les mêmes ravages dans de nombreux pays et que le néolibéralisme se renforce des crises qui se succèdent.

Les ateliers de la FNEEQ
La FNEEQ et la CSN se sont impliquées dans l’organisation de deux ateliers qui ont obtenu un réel succès, avec une importante participation dans les deux cas. Le premier, intitulé La résistance aux réformes néolibérales de l’éducation, a été organisé par la FNEEQ conjointement avec l’Union syndicale Solidaires (SUD) de France. Le premier intervenant, Stéphane Enjalran, a dressé un portrait sombre d’une éducation minée par la marchandisation en Europe. Il déplorait les effets de la crise sur le financement de l’éducation qui, dans de nombreux pays, a connu une baisse catastrophique. Ceci donne une opportunité sans pareille à l’entreprise privée de s’introduire dans le secteur public afin d’offrir ses produits et services, de promouvoir une approche managériale et de soutenir des programmes adaptés aux besoins immédiats du marché.

Jean Murdock et Philippe de Grosbois, de la FNEEQ, ont raconté au public notre printemps érable en élaborant une chronologie précise des événements. Ils ont aussi expliqué les enjeux soulevés lors du Sommet sur l’enseignement supérieur.

Le second atelier, organisé par la CSN, Les syndicats, les luttes pour la transformation sociale et le renouveau syndical, réunissait des représentants de centrales de la Tunisie (UGTT), de la Belgique (FGTT), de la France (CGT), du Brésil (CUT), du Pays basque (ELA) et du Québec (FTQ et CSN). Un point de vue commun se dégageait des diverses interventions : le mouvement syndical ne doit pas se refermer sur lui-même. Il doit représenter tous les citoyens et citoyennes, développer de nouvelles alliances et ainsi, par exemple, travailler de concert avec les mouvements de jeunes, les ONG et autres organisations du mouvement social.

Jacques Létourneau, président de la CSN, abondait dans ce sens. Selon lui, le mouvement syndical s’intègre de plain-pied à l’altermondialisme. Il peut aussi devenir «le porte-voix des travailleurs non-syndiqués». Les assauts contre le mouvement syndical se sont accélérés depuis ces dernières années, ce qui rend d’autant plus important le renouvellement de l’approche syndicale, ce qui, en soi, demeure un grand défi.

La formule de l’atelier, qui faisait alterner rapidement les discours des dirigeants syndicaux, encourageait les porte-parole à mettre de l’avant leurs choix et leurs actions. Mais les discours n’ont pas sombré dans la complaisance. Les interventions du public ont amené les conférenciers à préciser leurs intentions et les moyens d’action qu’ils privilégient devant les nouvelles formes de revendications adoptées par les indignés et le mouvement étudiant, par exemple.

Une assemblée de convergence en éducation
À la fin de la programmation régulière, se tenaient des «ateliers de convergence» dont le but était de permettre aux individus et aux organisations de se rassembler une dernière fois pour faire une synthèse de ce qui a été discuté et lancer des pistes d’action à l’échelle internationale. Celui qui portait sur l’éducation a été plutôt décevant. Les enseignants et syndicats y étaient presque absents; on y retrouvait principalement des organisations qui travaillent dans les domaines de l’alphabétisation, l’éducation populaire, l’éducation aux handicapés, la recherche et autres projets éducatifs. Plutôt que de concevoir une déclaration ou d’élaborer un plan d’action, comme cela s’est fait ailleurs, nous avons entendu à tour de rôle des représentants décrire leur travail et leur organisation. Il a été intéressant de découvrir la multiplicité des luttes et des fonctionnements, mais cette longue procession de représentants d’organisations devenait monotone et demeurait peu productive.

Il semble que le milieu de l’éducation n’ait pas encore appris à profiter de ces ateliers de convergence. Au Forum social mondial de Belém, par exemple, cette assemblée avait réuni des enseignants et enseignantes de l’Amérique du Sud uniquement qui, sous une tente remplie de plusieurs centaines de personnes, avaient échangé sur leur vécu. Peut-être faudra-t-il que des organisations du milieu syndical ou d’ailleurs prennent en charge de mieux orienter les débats et de faire de ces ateliers un outil davantage militant.

Le bilan d’ensemble du FSM à Tunis a été très positif pour les membres de la délégation de la FNEEQ. Le groupe a profité d’une organisation hors pair (merci à Jean Murdock, Micheline Thibodeau, Ariane Bilodeau et France Désaulniers!). Il a aussi apprécié l’accueil chaleureux des Tunisiens, les échanges nombreux et fructueux entre les divers participants, l’efficacité des organisateurs du FSM, l’esprit festif qui a régné pendant l’événement.

L’avenir de la Tunisie semble imprévisible et encore très fragile. Mais ce forum social a montré une indéniable vigueur de son mouvement social. Tous conviendront que le choix de Tunis pour tenir un pareil événement était, on ne peut plus approprié.

Le comité école et société
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca