Défendre le point de vue syndical

Dans son article du mois de décembre, le comité école et société a abordé le sujet du décrochage scolaire. Cet article démontrait qu’il y a au Québec une inquiétante stagnation du taux de décrochage scolaire depuis près de 10 ans. Avant d’aborder les solutions envisagées et le rôle que peuvent jouer les syndicats, regardons quelles sont les causes du décrochage.

Plusieurs groupes de recherche universitaire ont été mis sur pied afin de connaître ces causes. On a scruté d’abord l’école, notamment les attitudes et les méthodes pédagogiques des enseignantes et des enseignants, la taille des groupes, la façon de prendre en charge les élèves qui ont des difficultés d’adaptation et d’apprentissage, des handicaps, des troubles de comportement ou qui vivent une dépression. Mais il faut aussi étudier le rôle que peuvent jouer les milieux familial, social, économique et politique.

Bien que par certains aspects, le décrochage scolaire s’explique de la même façon d’une région à l’autre, ces recherches montrent que chaque milieu doit être considéré selon ses propres caractéristiques si on souhaite pouvoir intervenir le plus adéquatement possible. Il s’agit donc d’un phénomène en mouvance dans le temps et l’espace.

Les solutions positives
Le mot-clé qui revient le plus souvent ces temps-ci est «concertation». La région phare en ce qui a trait à l’amélioration du taux de diplomation, le Saguenay – Lac-St-Jean, l’a démontré. Grâce à son Conseil régional de prévention de l’abandon scolaire (CRÉPAS), qui a réuni à la même table un grand nombre d’acteurs régionaux en éducation, en santé et services sociaux, d’élus provinciaux et municipaux, de groupes communautaires, de représentants syndicaux et patronaux ainsi que de médias d’information, cette région a été capable d’obtenir une concertation régionale inégalée. Elle a réussi à faire diminuer son taux de décrochage de façon significative et figure maintenant en tête des régions du Québec pour le taux d’obtention de diplômes du secondaire.

Parmi les facteurs externes à l’école qui doivent être ciblés pour améliorer la persévérance scolaire, on note le travail étudiant rémunéré, le soutien et l’encouragement familial, les conditions socio-économiques des adultes en formation et, de manière prédominante dirions-nous, la présence d’un discours de valorisation du savoir dans la société. Dans le milieu scolaire on insiste sur la mobilisation des personnels enseignant et administratif autour des objectifs de persévérance scolaire, la réduction de la taille des groupes, la prise en charge des élèves qui ont des difficultés d’adaptation et d’apprentissage ou des handicaps, l’apprentissage fondamental de la lecture, qui est réinvestie dans toutes les disciplines, le nombre et les types d’activités parascolaires pour faire de l’école un milieu de vie agréable et la communication avec les parents. Tout cela ne s’est pas fait à coût zéro. Un ajout de ressources a été nécessaire dans des activités qui améliorent la persévérance scolaire de même qu’un changement de mentalités. On sent que les écoles du Québec sont maintenant appelées à s’inscrire dans une logique de persévérance plutôt que dans celle de l’excellence, qui était en vogue à la fin des années 1980.

Les solutions néolibérales
Par ailleurs, lors du dernier débat sur l’avenir des cégeps, en 2003-2004, ces derniers ont réussi à démontrer à nouveau leur pertinence et leur apport à la société québécoise, notamment en terme d’accessibilité et de taux de diplomation. Faisant fi de toute cette réflexion, l’Institut économique de Montréal, haut lieu de réflexion néolibérale, propose de nouveau, dans une récente note économique, d’abolir les cégeps pour les transformer en écoles de formation professionnelle et technique afin, prétend-il, d’améliorer la réussite scolaire. Il tente d’imposer à l’école publique les critères d’analyse de rendement et d’efficience chers aux entreprises privées. On ne se surprendra pas qu’il souhaite particulièrement augmenter le nombre de diplômés en formation professionnelle du secondaire et réduire l’âge moyen d’obtention de ce diplôme. Plusieurs craignent d’ailleurs que dans le cadre de la concertation souhaitée, le milieu patronal veuille s’immiscer dans le contenu de la formation offerte afin de l’adapter plus directement à ses propres besoins de main-d’œuvre, ce qui rendrait les diplômés plus captifs d’une région ou d’une entreprise.

Le gouvernement du Québec s’inscrit également dans une mouvance néolibérale avec ses cibles de taux de réussite et de diplomation, la CEEC et ses différents mécanismes de contrôle des programmes d’étude et des enseignants. Les récents projets de loi sur la gouvernance des cégeps et des universités, qui sont morts au feuilleton cet automne mais qui devraient revivre cet hiver, viendront aussi concrétiser, s’ils étaient adoptés tels quels, cette approche comptable de la réussite.

Le rôle syndical
Face à de telles positions idéologiques néolibérales, le milieu syndical doit continuer de se préoccuper de la réussite. Il doit exercer une vigilance pour maintenir dans les programmes d’étude une forte présence de la formation générale, mettant de l’avant des valeurs humanistes afin que l’école s’inscrive davantage dans une optique de développement global que dans celle de la productivité. Sans ressources supplémentaires, sans davantage de recherches sur les causes de l’abandon scolaire, sans un maintien authentique de notre autonomie professionnelle, c’est la qualité de la formation et son contenu qui risquent de faire les frais des impératifs gouvernementaux. Faire de la formation à rabais ou de façon trop pointue ne peut que nuire au développement économique et social du Québec à long terme.

Le récent Manifeste des onze organisations syndicales et étudiantes, appelant à Faire de l’éducation publique la priorité nationale du Québec, devrait inspirer nos actions et nos prises de position au sujet de la lutte au décrochage scolaire dans les mois qui viennent. On y souligne les effets pervers importants de la sélection scolaire, un sujet sur lequel un débat social serait plus que nécessaire, ainsi que la nécessité de donner à l’école les moyens d’intervenir auprès des jeunes de manière plus complète et plus englobante.

On trouve le manifeste sur le site de la FNEEQ : http://www.fneeq.qc.ca/fr/accueil/communiques/communiques_2008/comm0043.html.

Nous aurons l’occasion d’y revenir.