L’enseignement collégial a besoin d’oxygène
Lettre ouverte publiée dans le journal Le Devoir, le 5 mai 2005
La conjoncture en enseignement collégial témoigne d’un bouillonnement certain. La mobilisation étudiante a non seulement démontré qu’il était possible de faire reculer le gouvernement, mais elle a également apporté à l’ensemble du mouvement social un souffle nouveau. De leur côté, les enseignantes et les enseignants des cégeps ont aussi été au rendez-vous du printemps. Répondant à l’appel coordonné des fédérations syndicales enseignantes, la vaste majorité du personnel enseignant de cégeps a fait grève le 25 avril dernier, du jamais vu depuis plus de vingt ans. Au cœur de la mobilisation : un besoin important d’oxygène pour l’enseignement collégial.
Cette mobilisation du printemps visait à ce que de véritables négociations se mettent en branle : la convention collective du personnel enseignant de cégeps est échue depuis près de trois ans et les négociations piétinent.
Le fond du problème est simple : le gouvernement, dès le début, a abordé la négociation avec l’objectif de ne pas dépenser un sou de plus dans l’enseignement collégial.
Pourtant, les besoins nouveaux de la société québécoise, en termes de techniciennes et de techniciens de haut calibre, sont criants. Contrairement à ce que pourraient faire croire les taux de chômage, les emplois disponibles sont nombreux. Mais voilà : trop peu de jeunes réussissent à décrocher leur diplôme. À moins de vouloir offrir des formations à rabais, il est clair que les défis modernes de l’enseignement supérieur ne peuvent pas être relevés à coût zéro.
Comment s’attaquer sérieusement au problème de la réussite quand, comme certains enseignants et enseignantes, on a 160 jeunes à encadrer dans une seule session ? Comment intégrer les technologies nouvelles d’information et de communication (TIC) à l’enseignement quand, à certains endroits, on peut compter 12 professeurs pour un ordinateur ?
Des exemples de ce genre sont nombreux. Nous n’en ferons pas ici la liste : qu’il suffise de dire que la qualité de notre contrat d’enseignement est directement liée à la qualité des conditions d’études de nos futurs diplômé-es.
Notre mobilisation récente a eu des effets positifs. Le rythme de la négociation s’accélère, les discussions avancent, nous abordons maintenant les sujets plus lourds, comme la tâche, et nous avons clairement identifié des progrès sur des matières dites périphériques. Il importe maintenant d’agir stratégiquement, de donner une chance à cette négociation tout en maintenant la pression dans les collèges par des manifestations de visibilité, ce que nous comptons faire d’ici la fin de la session.
Pour de meilleurs services publics
Nous croyons fermement à la FNEEQ (CSN) que le développement de l’enseignement collégial doit prendre place dans le cadre d’une véritable politique d’investissement dans les services publics au Québec. En ce sens, il importe de lier étroitement le sort de la négociation dans l’enseignement collégial à celui de l’ensemble des secteurs public et parapublic. L’enseignement collégial ne détient pas, à lui seul, les clés d’un changement de cap nécessaire au gouvernement libéral.
Les besoins sociaux augmentent en santé comme en éducation : il appartient au gouvernement d’en prendre acte et d’agir. Mais comme ce dernier semble bien loin d’en convenir, nous restons convaincus que les négociations avec lui doivent se faire dans la plus grande solidarité possible. Pour nous, c’est peine perdue de croire qu’il faut courir plus vite que les autres secteurs, en particulier celui de la santé et des services sociaux, pour arracher avant lui un règlement de négociation. Vouloir conclure des règlements en rangs dispersés ne fait qu’offrir au gouvernement un avantage pour contraindre éventuellement un secteur plus isolé à un règlement centré sur les offres patronales.
Avec tout le ressort offert par la disponibilité des enseignantes et des enseignants, nous avons été au rendez-vous de la mobilisation du printemps en éducation pour faire valoir les besoins criants de l’enseignement collégial. Cette répétition générale nous a permis de mieux préparer les actions qui seront nécessaires, à l’automne, pour obtenir un règlement satisfaisant.
C’est de cette manière que nous pourrons disposer, tout ensemble, des leviers nécessaires pour infléchir la position du gouvernement dans la négociation du secteur public et pour progresser vers une meilleure reconnaissance de l’enseignement collégial public au Québec.
Président de la FNEEQ
Ronald Cameron,