Le Bureau international du travail (BIT) condamne sĂ©vèrement le dĂ©cret gouvernemental qui a imposĂ© les conditions de travail Ă  500 000 travailleuses et travailleurs du secteur public quĂ©bĂ©cois. «Le BIT nous donne raison sur toute la ligne», clament les leaders des trois plus grandes organisations syndicales quĂ©bĂ©coises. Pour Henri MassĂ© de la FTQ, Claudette Carbonneau de la CSN et RĂ©jean Parent de la CSQ, «il s’agit d’une importante victoire qui pèse de tout son poids sur le nouveau gouvernement minoritaire de Jean Charest. L’occasion lui est offerte de rĂ©tablir une injustice et de poser un geste d’Ă©coute, d’ouverture et de bonne foi».

Selon le BIT, le projet de loi 142 (devenu loi 43), adoptĂ© sous le bâillon en dĂ©cembre 2005, va Ă  l’encontre des conventions internationales du travail dont le Canada et, par consĂ©quent, le QuĂ©bec sont signataires.

Les plaignants, soit la CSN, la CSQ, la FTQ, la CSD, la FIQ, le SFPQ, le SPGQ, le SPEQ et l’APEQ, allĂ©guaient que cette loi viole le droit international en portant atteinte Ă  la libertĂ© d’association syndicale parce qu’elle a mis fin de façon abrupte et sans raison valable Ă  la nĂ©gociation collective et parce qu’elle prive les salariĂ©-es d’un moyen essentiel dont ils disposent pour promouvoir et dĂ©fendre leurs intĂ©rĂŞts Ă©conomiques et sociaux, Ă  savoir le droit de grève. Or, il est reconnu par l’Organisation internationale du travail (OIT) que le droit Ă  la nĂ©gociation collective et le droit de grève constituent des Ă©lĂ©ments fondamentaux de la libertĂ© d’association protĂ©gĂ©e par les conventions internationales.

Dans sa dĂ©cision, le BIT sanctionne sĂ©vèrement le gouvernement libĂ©ral de Jean Charest. Il le prie instamment d’amender la loi 43 pour la rendre conforme aux conventions no 87 sur la libertĂ© syndicale et la protection du droit syndical et no 98 sur le droit d’organisation et de nĂ©gociation collective. Le BIT prie Ă©galement «le gouvernement d’Ă©viter Ă  l’avenir le recours Ă  des interventions lĂ©gislatives imposant des conditions de travail, sans qu’il n’y ait eu des consultations franches et approfondies avec les parties impliquĂ©es». En cas de dispute, le gouvernement devrait considĂ©rer la possibilitĂ© de soumettre le diffĂ©rend Ă  un arbitrage impartial et indĂ©pendant. Le BIT espère fermement que les prochaines nĂ©gociations se dĂ©rouleront en conformitĂ© avec ces principes et veut ĂŞtre tenu informĂ© de la situation.

Le BIT rĂ©clame, en outre, une rĂ©vision des «sanctions excessives» contenues dans la loi 43. Il demande au gouvernement de revoir le rĂ©gime de nĂ©gociation de manière Ă  rĂ©tablir la confiance de toutes les parties et d’y inclure des processus de conciliation, de mĂ©diation et d’arbitrage.

Le Bureau international du travail va plus loin et recommande au gouvernement de ne pas attendre la prochaine nĂ©gociation en faisant preuve de souplesse «au cas ou les parties seraient prĂŞtes Ă  apporter des modifications Ă  l’accord prĂ©sumĂ©, qui constitue en fait une solution imposĂ©e lĂ©gislativement».

La FTQ, la CSN et la CSQ interpellent le nouveau gouvernement minoritaire et les partis d’opposition afin qu’ils mettent en ouvre les recommandations du BIT. Les trois organisations syndicales attendent que le gouvernement convoque les parties pour revoir les conditions de travail des salariĂ©-es de l’État dans l’esprit de la dĂ©cision du BIT.

«Les effets de cette loi sont carrĂ©ment dĂ©sastreux, notamment sur la rĂ©munĂ©ration et le pouvoir d’achat des salariĂ©-es de l’État, mais aussi sur la capacitĂ© de l’État d’attirer une main-d’ouvre qualifiĂ©e. L’Ă©cart de rĂ©munĂ©ration ne cesse de se creuser avec les autres salariĂ©-es quĂ©bĂ©cois qui accomplissent des tâches similaires, pour atteindre 15,2% en 2006», de rappeler les chefs syndicaux. Ă€ cet Ă©gard, et «vu les restrictions Ă  la nĂ©gociation relative aux salaires et leur longue durĂ©e, le Bureau international du travail prie le gouvernement de revoir ces restrictions avec les partenaires sociaux, si possible en demandant une Ă©tude par une personne indĂ©pendante ayant la confiance de toutes les parties».

«Le gouvernement du QuĂ©bec doit maintenant se conformer Ă  cette dĂ©cision. Il doit envoyer Ă  l’ensemble de la communautĂ© internationale le message clair qu’il adhère aux valeurs dĂ©mocratiques qui doivent animer une sociĂ©tĂ© moderne», de poursuivre les porte-parole syndicaux.

«Au lieu de s’enliser dans de longs dĂ©bats juridiques, nous demandons au gouvernement de se soumettre Ă  ce jugement, de respecter le principe de la libertĂ© syndicale et de redonner Ă  des milliers de travailleuses leurs droits de nĂ©gociation et de grève, et ce, dans le respect du droit international », de conclure les leaders syndicaux.

Le BIT a dĂ©jĂ  condamnĂ©, il y a un an, le gouvernement Charest pour ses lois 7 et 8 qui nient le droit Ă  la syndicalisation Ă  près de 25 000 travailleuses qui ouvrent en milieu familial dans les services de garde et dans les soins aux personnes en perte d’autonomie ou dĂ©ficientes intellectuelles. Le BIT demandait au gouvernement Charest d’amender ses deux lois, ce qu’il n’a toujours pas fait.

Sources:

CSN-FTQ-CSQ – 29 mars 2007