par Caroline Senneville, secrétaire générale de la FNEEQ
Le IVe séminaire international du cercle de réflexion féministe sur le monde du travail productif et reproductif (traduction libre – NDLR) s’est tenu cette année Recife au Brésil du 23 au 27 août dernier. Le thème du séminaire cette année était sur les travailleuses domestiques. Ce séminaire bisannuel est organisé par les militantes de la Centrale unique des travailleuses et des travailleurs (CUT) du Brésil ainsi que par SOS Corpo, une ONG féministe. Féministes, syndicalistes et universitaires sont donc venus discuter, pendant trois jours, ce type de travail très présent au Brésil et touchant une grande proportion des femmes qui travaillent. Caroline Senneville, secrétaire générale de la FNEEQ, avec l’appui de la CSN a participé à cet événement. Voici le compte rendu qu’elle a préparé.
Les diverses tables rondes et conférences ont dans un premier temps permis de tracer le portrait de ces femmes domestiques. De prime abord, il appert que la très grande majorité, environ 90%, des personnes qui se définissent comme occupant un emploi de travailleur domestique sont des femmes. Les hommes sont surtout présents comme chauffeurs ou jardiniers, emplois plus rares, et surtout réservés à la frange la plus privilégiée de la population.
La pratique d’employer des femmes domestiques, pour les soins aux enfants et le ménage, est très largement répandu au Brésil, et s’étend à toutes les classes sociales ne vivant pas dans l’indigence. C’est donc dire que ce type d’emploi est loin d’être marginal pour les Brésiliennes. Elles sont de toutes âges, ce qui confirme que la pratique généralisée de leur utilisation se maintient, même s’il est maintenant moins courant qu’elles habitent chez leur employeur. Il est également ressorti que la majorité de ces femmes domestiques appartiennent à la communauté noire, ajoutant ainsi une discrimination raciale à la division sexuelle du travail.
Seule une minorité d’entre elles sont des travailleuses dites «inscrites», c’est-à-dire détenant une carte syndicale. Encore souvent illettrées, ces femmes sont très peu au courant de leurs droits. Il n’est donc pas surprenant d’apprendre qu’elles ne reçoivent pas toutes le salaire minimum défini par la loi, soit 380 reals par mois, ce qui équivaut à moins de 200 dollars canadiens. Une partie du débat a ainsi porté sur la meilleure façon d’améliorer les conditions de travail de ces femmes. Certaines prônaient un meilleur encadrement législatif, alors que d’autres, surtout en provenance des syndicats, préféraient la voie de la syndicalisation et de la négociation. Il y a d’ailleurs eu une table tripartite entre la CUT, le gouvernement et des représentants des employeurs au sujet du travail des femmes domestiques, mais elle a été abolie avant que les travaux puissent aboutir.
Le séminaire a aussi présenté des témoignages de ces femmes, ainsi que ceux d’organismes qui leur viennent en aide, notamment par l’alphabétisation, l’éducation aux droits ou même à une formation professionnelles sur les soins aux enfants ou l’hygiène, par exemple.
Un des débats les plus intéressants a été celui portant sur les participantes du séminaire qui ont dû avouer qu’elle étaient elles-mêmes des employeurs de ces femmes domestiques, soulignant ainsi le paradoxe des femmes et féministes qui avaient besoin du travail d’autres femmes pour pouvoir pleinement participer au marché du travail, comme si l’émancipation de certaines passait par l’exploitation d’autres. Ces discussions parfois vives n’ont pas été sans créer quelques malaises. L’absence de service public à la petite enfance a également été fortement déplorée et jugée comme étant la principale cause de l’obligation de faire appel aux travailleuses domestiques pour pallier ce manque.
Nous avons préparé pour l’occasion la présentation d’un portrait du travail des femmes au Québec, notamment le taux d’activité, le taux de syndicalisation, les types d’emploi occupé, les salaires et la scolarisation, sans oublier le travail non rémunéré fait par les femmes. Dans un deuxième temps, nous avons rappelé la lutte des femmes d’ici pour des services de garde de qualité à coût modique, en mettant l’accent sur les conséquences des luttes des travailleuses syndiquées et de l’impact des services obtenus sur la conciliation travail/famille pour les femmes. Nous avons aussi fait état des orientations gouvernementales pour interdire aux femmes qui travaillent comme responsable de garde en milieu familial de se syndiquer, la condamnation du BIT qui en a suivi et de la bataille que nous poursuivons devant les tribunaux pour faire reconnaître leurs droits!
Un peu bizarrement à mon avis, parce que cela touche très peu de travailleuses, une des tables rondes a porté sur les travailleurs de la cane à sucre. Il faut souligner que le Brésil est le plus grand consommateur au monde de biocarburants, qui composent environ 20% des carburants utilisés. Dans ce pays, les biocarburants proviennent de la culture de la cane à sucre qui a connu une hausse de 600 % de la productivité par coupeur de cane dans les 10 dernières années afin de faire face à la demande croissante. Le séminaire s’est donc préoccupé de cette pression sur les travailleurs de la cane à sucre, qui ont connu une hausse marquée d’accidents, et même de morts par épuisement et déshydratation. Cela m’a permis de jeter un regard nouveau sur ces carburants dont on vante les vertus écologiques, en oubliant ceux qui travaillent à fournir la ressource.
La qualité des présentations, le sérieux des débats et l’assiduité des participantes à ce séminaire furent remarquables. La présence de la CSN et de la FNEEQ a permis de continuer à tisser les liens avec la CUT, d’ailleurs beaucoup connaissaient la CSN et sa présidente grâce aux diverses activités qui ont réuni des représentants des deux confédérations ces dernières années.