C’est avec incrédulité, pour ne pas dire avec stupéfaction que nous avons pris connaissance de l’appel à la « recherche » sur la laïcité, lancé par le Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, à l’accès à l’information et à la laïcité. Comme l’expliquait La Presse en éditorial, on y invite les chercheurs et les organismes à but non lucratif à proposer des initiatives financées par le gouvernement pour des recherches dont les résultats doivent permettre de « promouvoir le modèle québécois défini par la Loi sur la laïcité de l’État », avec comme exigence de publier les résultats « à un large public par divers moyens de communication dont la crédibilité est établie ». Nous osons croire que les collègues scientifiques vont refuser de répondre à une telle commande politique où les conclusions sont connues d’avance.
Soyons clairs, l’ingérence de l’État dans la recherche scientifique est une atteinte très grave à la liberté académique. Comment ne pas alimenter le cynisme alors que ce même gouvernement s’est positionné comme « grand défenseur » de cette liberté depuis un an ? Comment ne pas rester perplexe alors que la Commission Cloutier, dont le rapport sur la liberté académique a été publié le mois dernier, expose l’urgence de renforcer les balises juridiques pour mieux la protéger ?
Le gouvernement ne pourra être crédible dans sa volonté de soutenir et de défendre la liberté académique que s’il retire immédiatement cet appel à la recherche dirigée.
Bourses d’études : un autre exemple de dirigisme néfaste de la CAQ
L’annonce des bourses d’études Perspectives en décembre dernier, bourses allouées aux étudiantes et aux étudiants qui s’inscrivent à des programmes d’études identifiés comme prioritaires par le gouvernement en raison des besoins du marché du travail, s’avère aussi une dérive très préoccupante en enseignement supérieur. Ce dirigisme étatique vers certains programmes collégiaux et universitaires est une « fausse bonne idée », susceptible de déstabiliser le système éducatif et de nuire à l’ensemble des programmes d’études.
En outre, le gouvernement propose une solution individuelle – bourses directes aux individus – à un problème collectif, celui du sous-financement des services publics depuis des décennies qui engendre de mauvaises conditions de travail et une pénurie de main-d’œuvre. Le gouvernement devrait plutôt améliorer les conditions d’études des étudiantes et des étudiants par des mesures universelles touchant les droits de scolarité et le régime actuel des prêts et bourses.
Danielle McCann doit rapidement donner suite au rapport de la Commission Cloutier
Alors qu’il ne reste que quelques mois à la législature, la ministre de l’Enseignement supérieur Danielle McCann doit reconnaître les problèmes touchant la liberté académique et agir rapidement pour mettre en place les recommandations phares de la commission Cloutier. En tout respect de la collégialité, elle doit travailler avec les différents acteurs et actrices de l’enseignement supérieur afin d’établir, dans chaque collège et université, de meilleures protections de la liberté académique, notamment contre les menaces de son propre gouvernement.
Faut-il le rappeler, le réseau de l’enseignement supérieur ne doit jamais être un instrument au service du gouvernement. La vision étroite de l’éducation proposée par le gouvernement de la CAQ – celle d’une éducation au service d’une idéologie politique et de l’économie – bafoue non seulement la liberté académique, mais va à l’encontre d’une société inclusive, démocratique et ouverte sur le monde.
– Christine Gauthier, vice-présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN), responsable du regroupement université