« Charge disciplinaire brutale », « ton acrimonieux », « menaces », « exercice abusif du droit de gérance », « climat néfaste », propos à teneur « attentatoire », « atteintes à la dignité », « force de frappe », c’est en ces termes que la juge Myriam Bédard du Tribunal administratif du travail (TAT) condamne le Cégep Lévis-Lauzon à payer d’importants dommages moraux et punitifs pour avoir toléré et exercé du harcèlement psychologique contre un de ses cadres et pour avoir employé des mesures de représailles à la suite d’une plainte que ce dernier avait déposée.
Cette décision alimente l’inquiétude déjà existante au sein du personnel. D’autant plus que les principales protagonistes du harcèlement psychologique sont la directrice générale du Cégep et la directrice des ressources humaines. Ces deux personnes sont des personnes clés pour régler les litiges en relations de travail. « L’employeur a la responsabilité, par la loi, de maintenir un climat de travail sain et exempt de harcèlement. Nous sommes plus que préoccupé.es des conséquences d’une telle décision sur le traitement, dans l’avenir, des dossiers aussi délicats que le harcèlement psychologique. Qui osera dénoncer à ces mêmes personnes ? » déplore Marie-Pierre Gagné, présidente du Syndicat des professeures et professeurs du Cégep de Lévis‑Lauzon (FNEEQ-CSN).
En plus des dommages, le Cégep a dû dépenser des ressources considérables, en temps et en argent, pour se défendre devant le tribunal. Yves Hallé, président du Syndicat du personnel de soutien du Cégep de Lévis‑Lauzon (FEESP-CSN), avait d’ailleurs interpellé le Collège dans les derniers mois, concernant l’utilisation que le Collège faisait des fonds publics à la suite des départs de deux autres cadres. Or, avec ce jugement, ces questions, qui étaient demeurées sans réponse, sont d’autant plus préoccupantes. M. Hallé se dit « très inquiet pour la suite des choses et l’avenir du Collège ».
Une gestion opaque semble être devenue la norme dans cet établissement collégial. « Des personnes devront répondre de leurs actes. De sérieuses questions devraient d’ailleurs être posées sur le rôle du conseil d’administration. À quel point est-il indépendant de la direction du collège ? Ses membres sont-ils encore en mesure d’assumer leurs obligations légales ? » questionne Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN). L’inquiétude des syndicats n’est pas étonnante. D’ailleurs, l’automne dernier, malgré l’opposition unanime des syndicats et de la Commission des études, le conseil d’administration a renouvelé le contrat de la directrice générale pour cinq autres années.
Pour les syndicats, c’est l’exercice de la gouvernance au Cégep de Lévis-Lauzon qui devrait être scruté à la loupe. « Bien que les ressources du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur soient monopolisées par la crise sanitaire, il ne faudrait pas que la situation dégénère au risque de devoir exiger une tutelle », conclut pour sa part Ann Gingras.