Dans la foulée des mobilisations étudiantes de l’an dernier pour le climat, plusieurs organisations se mobilisent actuellement et appellent à l’action. La FNEEQ a notamment appelé, lors du Conseil fédéral de mai, à tenir des journées d’actions dans tous les milieux de travail. Au nom du principe de la diversité des tactiques, la FNEEQ entend appuyer ses syndicats dans les moyens qu’ils détermineront démocratiquement. Le comité environnement de la FNEEQ a ainsi lancé un appel à l’action à la suite du dernier conseil fédéral. La présente chronique du comité école et société porte plus particulièrement sur le mouvement planétaire Earth strike et son incarnation au Québec.
Le mouvement La planète en grève (Earth Strike) se présente, pour plusieurs, comme une grande manifestation mondiale visant à faire pression sur les gouvernements pour qu’ils agissent face à l’urgence climatique. Pour d’autres, cependant, la grève est plus qu’un mot dans un slogan. Il s’agit de mettre de l’avant le principe de la grève sociale pour établir un meilleur rapport de force et agir comme de réelles actrices et acteurs politiques, dans le respect du droit d’association.
Le 27 septembre prochain sera chaud. Devant une urgence climatique qui n’est plus à démontrer et une attitude désinvolte, pour ne pas dire complice, des dirigeants du monde entier, la planète se soulève, interpellée par une jeunesse refusant l’hypocrisie d’un capitalisme « green washé ». Selon La planète s’invite au parlement, pas moins de 867 villes dans plus de 105 pays participeront à la grève planétaire du 27 septembre[1]. Poursuivant l’élan de l’hiver dernier – qui, le 15 mars, a précipité le printemps avec près de 150 000 manifestant-es dans les rues de Montréal et des millions dans le monde –, la grève climatique du 27 septembre mobilise étudiant-es et enseignant-es, en plus des groupes communautaires, une partie de la fonction publique et d’autres secteurs.
La planète en grève
Ce qu’on appelle « grève » ici n’est souvent rien d’autre que la participation à des manifestations inscrites dans le cadre du mouvement international « La planète en grève » (Earth Strike). En fait, la grève comme telle sera surtout étudiante. Cela n’enlève rien à l’appui massif manifesté par l’ensemble des syndicats de l’enseignement, ainsi que de leurs fédérations et centrales, en faveur des revendications et de la mobilisation du 27 septembre. D’ailleurs, le collectif des centrales syndicales La planète s’invite au travail a fait une sortie publique[2] appelant à divers moyens de mobilisation sans, toutefois, faire la promotion de la grève sociale ni même en parler. Or, il semble y avoir un mouvement de la base qui va dans ce sens. Ainsi, huit syndicats[3] de professeur-es de cégep ont déjà des mandats de grève et d’autres ont l’intention explicite de tenir des assemblées de grève.
Que les jeunes, qui ne sont pas soumis au Code du travail, mènent le bal, comme le 15 mars dernier ou au printemps 2012, n’est pas surprenant. Rappelons qu’au Québec, le droit de grève des syndiqué‑es est limité aux conditions de travail et encadré par certaines balises prévues dans le Code du travail. La grève sociale n’est donc pas protégée par la loi. Ceci dit, comme le souligne La planète en grève : « Pas de travail sur une planète morte » … En effet, sans capacité de débrayage, il sera difficile d’établir un rapport de force qui contraigne les gouvernements à atteindre des cibles qu’ils refusent obstinément de viser malgré l’immense consensus scientifique et citoyen les entourant. L’urgence climatique, qui rend impératifs l’action et les résultats, ramène toute la pertinence d’une grève sociale, solidaire, politique ou citoyenne.
Grève sociale ou manifestation ?
Depuis l’arrêt Saskatchewan (2015), le contexte semble plus propice à une réappropriation de la grève sociale puisque la Cour suprême du Canada a reconnu la grève comme un droit fondamental, lié d’abord et avant tout aux libertés d’association et d’expression, ne pouvant être restreint abusivement[4]. Bien que l’arrêt Saskatchewan concerne l’abus des restrictions à la grève engendrées par la loi des services essentiels de la Saskatchewan[5], il n’en tient qu’à nous de tester les arguments concernant les libertés d’association et d’expression en ce qui a trait à une grève touchant un sujet d’importance capitale, interpellant l’ensemble des citoyens, y compris les travailleuses et les travailleurs.
Ainsi, l’enjeu qui se dessine autour des votes de grève des enseignant-es n’est pas tant lié à la participation à l’une des manifestations du 27 septembre qu’à l’importance de garder l’initiative et la souveraineté sur cette journée, et de créer le précédent d’une journée de grève sociale qui ne subisse pas de sanctions. Au-delà de la diversité des tactiques utilisées par les différents syndicats pour démontrer leur appui à la cause environnementale et l’engagement de plusieurs fédérations et centrales syndicales de soutenir ces moyens, la grève sociale apparaît comme un message clair que le réchauffement climatique est une problématique dont la gravité justifie également le soutien à des initiatives de cette envergure.
Peut-on faire de l’environnement une priorité dans les revendications syndicales?
L’urgence d’agir face à la catastrophe annoncée du réchauffement climatique insuffle un vent de changement partant de la base qui vient bousculer les façons de faire des dernières décennies à plusieurs niveaux. En plus de la grève sociale, d’autres idées s’affirment en cette veille de négociation du secteur public afin de repolitiser nos luttes et de renouer avec un syndicalisme qui dépasse les intérêts corporatistes. Pensons notamment à l’insertion de clauses écologiques dans les conventions collectives ou à l’idée d’un désinvestissement des fonds de retraite des secteurs pétroliers[6]. Voilà plusieurs façons de faire face à ce grand défi climatique dans un élan de solidarité syndicale constructif et porteur d’avenir.
Le comité école et société
On peut contacter le comité école et société par courriel à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca
[1] La planète s’invite au parlement. (12 août 2019) Notre belle Planète bat tous ses records de FIÈVRE? [Facebook]. Repéré le 4 septembre 2019 à https://www.facebook.com/laplaneteauparlement/
[2] La planète s’invite au travail. (3 septembre 2019). « Syndicats unis pour une transition juste », Le Devoir. Repéré à https://www.ledevoir.com/opinion/idees/561786/la-planete-s-invite-au-travail-pour-une-transition-juste
[3] Pour une mise à jour des syndicats en grève, voir https://laplanetesinvite.org/je-passe-a-laction/campagnes/planete-en-greve/ La page https://fneeq.qc.ca/fr/planete/ quant à elle fait état des actions entreprises par les syndicats de la FNEEQ.
[4]Léa Fontaine. (2015). « De grève du travail à grève sociale? », À bâbord, no. 59, avril/mai 2015. Repéré à https://www.ababord.org/De-greve-du-travail-a-greve
[5] Comme le résume l’arrêt Saskatchewan : « En décembre 2007, le gouvernement fraîchement élu de la Saskatchewan a déposé deux projets de loi, The Public Service Essential Services Act, S.S. 2008, c. P-42.2 (PSESA), et The Trade Union Amendment Act, 2008, S.S. 2008, c. 26; qui ont été adoptés en mai 2008. »
[6] Comme en témoignent notamment certaines demandes formulées par les syndicats du secteur public de la CSN. [en ligne] https://secteurpublic.quebec/project/cahier-de-consultation-sur-les-demandes-de-table-centrale/ (voir la proposition 3.3. de la section sur le RREGOP).