Pour faire suite à une résolution du dernier congrès de la FNEEQ, le comité école et société a entrepris une vaste enquête sur la présence du privé dans les établissements d’enseignement. Des questionnaires ont été envoyés dans tous les syndicats de la fédération. La réponse des syndicats a été plutôt bonne et un questionnaire sur deux, environ, nous est revenu. Malgré certaines réponses incomplètes – le sujet était vaste! – le comité croit avoir pu en tirer un assez juste état des lieux. Le résultat est plutôt mitigé: si le privé est bel et bien installé dans la plupart des écoles, cégeps et universités, sa présence semble toutefois sous contrôle. Mais une vigilance s’impose car sa présence risque de s’accroitre dans les années à venir.

Le privé dans les établissements scolaires
Une présence bien réelle, mais sous contrôle

Notre enquête s’est orientée sur quatre aspects: les fondations, la formation sur mesure, les services en sous-traitance et la publicité dans les établissements. Nous avons par la suite élargi notre approche en abordant la question de la recherche et des centres de transfert technologique.

Dans les établissements scolaires où la FNEEQ a des syndicats, les fondations sont particulièrement bien établies: la quasi-totalité des établissements en ont une. Les montants administrés sont très variables: de 100 000 $ à 2,5 M$ en fonds consolidés, avec des sommes recueillies par année allant de 1 200$ à 575 000$ pour les cégeps. Les universités quant à elles atteignent des sommes beaucoup plus élevées: 15 M$ pour l’Université de Montréal (année 2009-2010) et 500 M$ pour l’Université McGill (année 2008-2010)!

Il est pertinent de se questionner sur la place qu’occupent désormais les fondations. Dans quelle mesure les sommes recueillies lient-elles les établissements aux entreprises qui, souvent, donnent généreusement et dont certains représentants siègent au conseil d’administration? En période de coupes budgétaires, ces établissements ne seront-ils pas tentés d’aller chercher dans le budget des fondations, pour des dépenses, l’argent qui devrait provenir du financement public? L’objectif d’accumuler plus de revenus pour une fondation devrait-il faire partie de la mission d’un établissement d’enseignement? Chose certaine, les fondations ne rendent pas l’enseignement démocratique: elles favorisent davantage de compétition entre les institutions et accentuent les inégalités par les revenus variables qu’elles cumulent.

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Dans les cégeps, la formation sur mesure génère des revenus autonomes difficiles à obtenir si l’établissement n’est pas directement sollicité. Le privé n’est pas très présent dans ce domaine et les formations sont surtout données à des organismes gouvernementaux. Cependant, ce secteur pourrait être en expansion au cours des prochaines années à cause des besoins toujours plus grands de formation des travailleurs.

La sous-traitance est quant à elle clairement entrée dans les mœurs. De nombreuses sections sont désormais offertes en sous-traitance dans la majorité des établissements, notamment l’entretien ménager, les cafétérias, la sécurité, les machines distributrices. Ce recours n’est cependant pas systématique et la majorité des secteurs restent encore administrés par les écoles, cégeps et universités. Tout pourrait donc sembler sous contrôle. Mais la question des cafétérias reste tout de même à considérer: y a-t-il un risque à laisser un domaine aussi essentiel que l’alimentation à des compagnies privées dont plusieurs sont des multinationales souvent peu préoccupées par la qualité de la nourriture? Le très bas niveau de syndicalisation des entreprises sous-traitantes est lui aussi inquiétant.

En ce qui a trait à la publicité commerciale, elle semble assez bien balisée. Au secondaire, la Loi sur la protection du consommateur interdit toute publicité destinée aux moins de 13 ans, ce qui en limite la portée, alors qu’elle est moins présente au Québec que dans les autres provinces du Canada (21,4% au Québec contre 34,3%). Dans les cégeps et universités, elle serait surveillée par les associations étudiantes et les syndicats qui ne la souhaitent pas. Dans tous les établissements, elle concerne surtout les produits alimentaires et se retrouve principalement sur les machines distributrices.

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La présence du privé se manifeste enfin dans les centres collégiaux de transfert technologique (CCTT) et dans la recherche. Les CCTT ont pour mission d’accompagner les entreprises par la formation, par un soutien technique et en favorisant le développement technologique. Ils permettent à la communauté de profiter des compétences et de l’expertise issues des recherches appliquées de niveau collégial. Ils sont rarement une source de revenus supplémentaire, mais permettent d’accentuer le rayonnement d’un cégep.

Au niveau universitaire, les restrictions budgétaires des gouvernements et la compétition entre les établissements accentuent les pressions pour augmenter la contribution du secteur privé. Ce virage favoriserait nettement la recherche utilitaire, dont les résultats pourraient bénéficier directement aux entreprises privées, au détriment de la recherche fondamentale. La tendance actuelle dans les universités est de mettre la priorité sur la recherche en collaboration avec l’entreprise, au détriment de la mission d’enseignement.

D’une façon générale, le financement insuffisant de l’ensemble des établissements d’enseignement est une constante dans leurs liens avec le privé. Le recours au privé devient plus nécessaire lorsque des besoins financiers se font sentir, alors que les entreprises sont intéressées par ce grand marché captif qui est celui des écoles, des cégeps et des universités. Dans le contexte actuel, il est fort probable que l’entreprise privée tentera par divers moyens de pénétrer davantage le milieu de l’éducation.

Mais pour le moment, une sensibilisation des Québécois devant les incidences négatives d’ouvrir trop grand la porte à des entreprises privées nous a permis de maîtriser relativement bien la situation: le privé occupe moins de place ici qu’ailleurs en Amérique du Nord. Le débat n’est cependant pas clos. L’aspect public de notre système d’éducation a bel et bien été réduit et des pressions toujours fortes se font sentir pour accorder plus de place au privé. Malgré ses limites, notre enquête s’est avérée pertinente et nous a permis de mesurer l’ampleur du phénomène afin de mieux le combattre.

Le comité école et société
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca