Mission accomplie pour la FNEEQ
Septembre 2007 – Une importante délégation de la FNEEQ a assisté, en juillet dernier, au Ve congrès de l’Internationale de l’Éducation (IE), une organisation qui regroupe maintenant plus de 30 millions d’enseignantes et d’enseignants à travers le monde et à laquelle la FNEEQ est affiliée. L’IE est, en fait, une fédération internationale de syndicats de l’enseignement, qui œuvre à la promotion de l’éducation et à l’amélioration des conditions de travail de celles et ceux qui la font.
Une partie de la délégation de la FNEEQ au congrès de l’IÉ en juillet 2007 à Berlin. Dans l’ordre habituel, on retrouve, accroupi, Tavid Tacium, du cégep Édouard Montpetit, Laval Rioux de l’Université Laval et membre du comité école et société, Wedad Antonius, du cégep Édouard-Montpetit, Claude Vaillancourt, du Collège André-Grasset et membre du comité école et société, Madeleine Ferland, du cégep Montmorency et membre du bureau fédéral, Ronald Cameron, président de la FNEEQ, Marie Blais, vice-présidente de la FNEEQ, France Désaulniers, conseillère à l’information à la FNEEQ, Nicole Blouin, de l’Université Laval et membre du comité femmes, ainsi que Jean Trudelle, vice-président de la FNEEQ. |
La FNEEQ avait droit à trois délégués officiels, mais une bonne douzaine d’enseignantes et d’enseignants membres de syndicats FNEEQ se sont rendus à Berlin sur leur propre base, afin de participer, en tout ou en partie, à ce congrès coloré et dynamique qui a permis aux organisations membres de l’IE de faire le point sur les principaux enjeux qui confrontent l’éducation, à l’heure du «tout au marché».
Les sujets de préoccupation ne manquent pas dans ce genre de congrès, qui aura lieu dorénavant tous les 4 ans. Toutes les résolutions, sauf celles d’urgences, étaient reliées au thème retenu «S’unir pour une éducation de qualité et une justice sociale». La délégation de la FNEEQ avait cependant choisi de concentrer ses efforts sur le développement des positions de l’IE en matière de formation professionnelle et technique (FPT) ainsi que sur les conditions de travail des chargé-es de cours dans les universités. Dans les deux cas, nos objectifs ont été atteints et on peut dire «mission accomplie».
Les amendements apportés par la FNEEQ aux recommandations sur la FPT soulignaient l’importance d’assurer dans ce domaine une formation générale solide et celle de garantir, à l’image de ce que nous tenons à préserver dans les cégeps, le caractère générique de la formation spécifique. Ces amendements, préparés par le comité école et société, ont tous été adoptés par le congrès.
Par ailleurs, saisie d’une résolution en ce sens, l’IE a été sollicitée à se préoccuper de l’augmentation des contrats à durée déterminée dans l’enseignement supérieur. Un intense travail de lobbying, avant le congrès, a permis de s’assurer qu’en cette matière, les positions arrêtées par l’IE tiennent mieux compte de la réalité québécoise, où les luttes du regroupement université ont démontré l’importance d’améliorer les conditions de travail des chargé-es de cours, et de ne pas se contenter de dénoncer la précarité.
Mais s’il fallait retenir une seule préoccupation majeure ayant traversé tout le congrès, ce serait celle de la privatisation de l’éducation, qui inquiète les syndicats du Nord comme du Sud de la planète.
Une commercialisation… pas toujours insidieuse
La situation de l’éducation, dans les pays représentés à l’IE, est forcément très différente d’un endroit à l’autre. Mais il n’est virtuellement aucune organisation syndicale, à travers le monde, qui n’ait pas à s’inquiéter de la présence croissante du secteur privé en éducation.
Dans certains pays, comme le Chili, des firmes privées se sont littéralement engouffrées dans ce secteur ouvert par le gouvernement sous les pressions de la Banque mondiale. Résultat : un système d’éducation hautement ségrégué, à plusieurs vitesses, et des hommes et femmes d’affaires qui sont littéralement devenus des millionnaires de l’éducation.
En Australie, de vastes réformes en formation professionnelle et technique ont conduit à une flambée des droits de scolarité dans ce secteur. On rapporte qu’il faut parfois débourser jusqu’à sept ou huit mille dollars pour un cours de coiffure impossible à obtenir autrement! En Argentine, c’est l’éducation supérieure qui a été la proie du secteur privé, et de nombreuses universités sont complètement privatisées. Ces universités ne se contentent pas d’offrir une éducation supérieure commercialisée: elles s’affichent aussi comme de fières relayeuses des valeurs et façons de faire des entreprises qui les exploitent!
On pourrait donner bien d’autres exemples. Malgré le blocage des négociations entourant la libéralisation du commerce des services (AGCS), plusieurs accords bilatéraux ont fait de l’éducation un bien marchand, quand elle ne subit pas à l’intérieur même du pays, des pressions en ce sens. Inquiète du recul que cela signifie pour le droit à l’éducation, l’IE a notamment commandé une étude sur la privatisation en éducation, de telle sorte que le phénomène soit documenté et afin de se donner les moyens d’une meilleure résistance. Cette étude, qui sera disponible en version finale cet automne, a été réalisée par S. Ball et D. Youdell, de l’Université London, en Angleterre.
La «coca-colaïsation» de l’éducation
Cette étude distingue deux sortes de privatisation. D’abord celle qui est «endogène», impliquant l’importation en éducation d’idées, de techniques et de pratiques issues du secteur privé ; ensuite la privatisation «exogène», qui ouvre quant à elle les services publics éducatifs à une participation directe du secteur privé. Dans ces deux cas, les auteurs insistent sur le manque de transparence de ces glissements vers le secteur privé, qui se font le plus souvent à l’insu des citoyens.
Les exemples abondent dans cette étude qui relève aussi des changements importants dans le vocabulaire même de l’éducation, alors que les étudiantes et étudiants deviennent des clients, que la concurrence remplace la coopération et que le développement du capital humain devient un paradigme intégrateur. Les conséquences sur les conditions de travail des enseignantes et des enseignants sont directes : rémunération à la performance, évaluations externes systématiques, obligation de se conformer au modèle dominant.
La plupart du temps, les décisions gouvernementales permettant le recours au privé sont basées sur de prétendues mauvaises performances du système public d’éducation. Au Québec, nous connaissons bien ce refrain, dans la santé ; c’est aussi malheureusement ce qui guette le monde de l’éducation.
Impossible de ne pas penser, au Québec, aux nombreuses critiques adressées à école publique, insuffisamment financée par rapport à ses besoins modernes. On assiste ainsi à l’augmentation des demandes d’admission à l’école privée et à un foisonnement d’écoles publiques qui se dotent de projets particuliers, devenant ainsi dans les faits des écoles semi-privées, puisqu’elles sélectionnent et qu’elles exigent des frais compensatoires. Ceci montre amplement que le danger de la privatisation est aussi bel et bien présent au Québec. Aucun débat public, il va sans dire, n’est sérieusement mené sur cet enjeu pourtant crucial. L’enseignement supérieur subit lui aussi des menaces similaires : le sous financement des universités et des cégeps les obligeant à se jeter dans une concurrence malsaine pour des sources extérieures de revenus.
Les participants de la FNEEQ à l’IE de Berlin ont tous exprimé leur enthousiasme à la suite de cette expérience, qui a permis un partage unique avec des collègues de partout dans le monde, tant au niveau humain que sur celui des préoccupations et des analyses.