L’élection de Syriza en Grèce est un évènement important: pour la première fois dans un pays du Nord, un parti ouvertement opposé aux politiques d’austérité prend le pouvoir. Dans ce pays, l’éducation a été l’une des principales victimes des rudes compressions budgétaires décrétées par les gouvernements qui se sont succédé depuis quelques années. Syriza aura-t-il la capacité de renverser la situation?
L’éducation en Grèce, à l’ère de Syriza
Le travail de reconstruction qui attend Syriza est gigantesque. De 2009 à 2013, les dépenses en éducation ont été réduites de 33%, ce qui semblait encore insuffisant aux yeux des créanciers de la Grèce, puisqu’on prévoyait y ajouter de nouvelles coupes de 14% en 2016. Les enseignantes et les enseignants ont subi d’importantes réductions salariales, allant jusqu’à 30%, alors que leur salaire était déjà de 50% plus bas que celui de la moyenne européenne. Elles et ils ont subi en même temps une augmentation de la tâche. On totalise 1 261 écoles qui ont été fermées, soit 7,8% du réseau primaire et 6,5% du réseau secondaire¹.
Les étudiantes et étudiants diplômés de l’université trouvent difficilement de l’emploi: le taux de chômage était de 27,5% en 2013, et est encore plus élevé chez les jeunes. Par conséquent, cela a provoqué, selon The Guardian, l’une des plus importantes fuites de cerveaux dans un pays industrialisé². Pourtant, la Grèce a plus que jamais besoin de personnes compétentes et bien formées pour sortir de la crise dans laquelle elle est enfoncée!
Devant une situation aussi affligeante, l’élection de Syriza redonne de l’espoir. Dans son programme, le parti de gauche affirme son intention de consolider un système d’éducation public, universel et gratuit. Il entend rengager du personnel et investir dans les infrastructures. Il veut assurer le caractère public et autonome des universités³.
Concrètement, depuis qu’il a pris le pouvoir, le gouvernement a annoncé quelques réformes. Par exemple, il annulera certains examens nationaux qui favorisent les individus ayant recours à des instituts privés pour hausser leur résultat. Davantage de cours seront offerts en sciences et en mathématiques au secondaire, partout au pays. La loi qui expulsait les «éternels étudiants» sera abolie et toutes et tous pourront prendre le temps nécessaire pour obtenir leur diplôme. Des enseignantes, enseignants, gardiennes et gardiens qui ont perdu leur poste à cause des compressions budgétaires devraient être réembauchés.
La majorité de ces changements se réaliseront à des couts relativement peu élevés. Il en faudra cependant beaucoup plus pour relancer le système d’éducation grec. Des investissements importants doivent suivre pour engager davantage de personnel, retaper des infrastructures en mauvais état et acheter du nouveau matériel pédagogique. Ainsi, la qualité de l’éducation, atteinte par des coupes budgétaires impitoyables, ne pourra se relever que si la Grèce parvient à se sortir de ses difficultés.
Par contre, le nouveau programme anti-austérité du gouvernement grec se heurte à la rigidité des institutions européennes. Les négociations entreprises en février dernier n’ont entrainé aucun assouplissement de leur part. Le pays manque dangereusement de liquidités, ce qui compromet toutes les chances du gouvernement de remplir ses promesses et de financer l’ensemble des services publics comme il le devrait. Dans ce bras de fer entre Syriza et les institutions européennes, deux types de pouvoir s’affrontent: celui d’un parti politique démocratiquement élu contre celui d’institutions régies par des technocrates, préoccupées de faire respecter les préceptes de l’ordre néolibéral. Pour ces dernières, les douleurs d’un peuple et les difficultés d’un système d’éducation ne font pas le poids devant la nécessité de rembourser une dette gigantesque. Le problème, c’est que cette priorité absolue accordée au paiement de la dette n’a permis en rien à la Grèce de sortir de la crise, pas plus qu’elle n’a diminué de façon significative l’endettement du pays.
Dans le domaine de l’éducation, comme dans tous les autres services publics, Syriza a adopté un programme stimulant et prometteur, mais qu’on rend impossible à réaliser. L’avenir est incertain. Plusieurs prétendent que la rigidité des institutions européennes a comme objectif caché de faire tomber Syriza, ce parti qui remet en cause des aspects fondamentaux du capitalisme. Les Grecs pourraient aussi choisir de quitter la zone euro, ce qui leur permettrait de reprendre le contrôle de leur économie, mais pourrait, pendant une certaine période, entrainer le pays dans un chaos encore plus grand. D’autres enfin, se rabattent sur l’espoir que les prochaines négociations avec les institutions européennes, en juin prochain, puissent mieux tourner.
Pendant ce temps, l’éducation devient un des otages de cette confrontation. Trop d’exemples dans le passé, notamment l’application des plans d’ajustement structurel du Fonds monétaire international (FMI) dans les pays du Sud, ont montré qu’elle est sacrifiée devant la nécessité d’obéir aux règles économiques décrétées par les financiers.
La bataille de Syriza pour rétablir un système d’éducation profondément meurtri est donc cruciale. Une défaite serait fort attristante, mais une éventuelle victoire donnerait de l’espoir et montrerait que l’austérité n’est pas la seule solution pour venir à bout de difficultés économiques. Il faut espérer que les Grecs réussiront à obtenir, à l’échelle internationale, tout le soutien nécessaire dans leur dur combat.
Le comité école et société
On peut contacter le comité école et société par courriel à l’adresse: cesfneeq@csn.qc.ca
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