«Par ailleurs, on note une nette augmentation du nombre d’étudiants étrangers. Si, en 2001, on en dénombrait 17 376 (7,3% de la population étudiante totale), à l’automne 2011, ce sont 28 011 étudiants étrangers que le Québec accueille (9,8% de l’effectif étudiant). Pour la période 2011, ils comptent pour près de 26% de l’augmentation de la population étudiante universitaire.» CSN |
Que ce soit en vertu de la réalité sociodémographique ou encore de l’internationalisation des institutions, nous accueillons, ou accueillerons tôt ou tard dans nos salles de classe, des effectifs étudiants originaires de l’étranger. L’internationalisation, ce mot à la mode dans la bouche des dirigeants de nos institutions d’éducation supérieure, incarne l’idéologie qu’ils favorisent et les mesures conséquentes qu’ils adoptent: développement de nouveaux marchés, attraction de la clientèle internationale et plus d’argent dans les coffres.
Qu’est-ce que cette réalité signifie concrètement pour nous qui enseignons? En général, les institutions ont des structures d’accueil mais pas de soutien, de ressources ni de formation pour les enseignantes et enseignants, ou, quand il y en a, de façon marginale seulement.
La maitrise de la langue demeure un grand défi pour les étudiantes et étudiants non francophones et, soyons réalistes, il demeure illusoire de s’attendre à ce qu’une personne dont le français est la deuxième ou troisième langue – et qui l’apprend à l’âge adulte – maitrise la langue écrite. En effet, la maitrise de celle-ci demande un nombre d’années d’apprentissage que les personnes aux études ne peuvent se permettre. Évoquons aussi le niveau de compréhension du contenu et des interactions qui peuvent rendre le travail en équipe difficile.
Au-delà de la langue …
Outre les réelles difficultés liées à la maitrise de la langue française, orale ou écrite, nous faisons face à bien d’autres réalités qui ressemblent parfois à des énigmes pour celles et ceux qui n’ont pas la clé leur permettant de comprendre ou d’agir. Les conventions sociales – souvent implicites – paraissent aller de soi. Cependant, les différences entre la culture d’origine et celle de la communauté d’accueil causent bien souvent un choc culturel, de part et d’autre, et la perte des points de repère n’est pas sans conséquence sur l’apprentissage. Ainsi, les manières de faire, qui relèvent de notre culture institutionnelle, peuvent s’avérer déstabilisantes pour la personne originaire de l’étranger. Accepter de négocier peut être perçu par cette personne comme un signe d’incompétence de la part de l’enseignante ou de l’enseignant. L’appropriation culturelle de l’espace et du langage non verbal peut donner lieu à des situations embarrassantes : je m’approche, il recule. Or, ces différences viennent influencer la relation professeur étudiant et donc, l’apprentissage. Dans certaines cultures, le professeur représente l’autorité sociale et il faut garder ses distances envers elle ou lui, ce qui pourrait être interprété ici comme de l’indifférence, alors qu’il s’agit d’une marque de respect.
Signalons que différentes conceptions de l’acte d’apprendre peuvent parfois causer bien des maux de tête. La mémorisation pure et simple est une méthode privilégiée d’apprentissage chez les étudiantes et étudiants en provenance de la Chine, méthode que nous avons tendance à dénigrer. Il serait sans doute plus profitable, dans certains cas, de s’appuyer sur cette forte capacité de mémorisation pour développer de nouveaux modèles ou connaissances.
Une autre différence liée à la culture institutionnelle des établissements d’enseignement supérieur est celle de la méthodologie du travail intellectuel ou des différentes habitudes de travail. On constate, dans nos classes, le désarroi de certaines personnes qui ne connaissent, comme mode d’évaluation, que l’examen final. L’anxiété s’installe quand on leur demande de faire une revue de la littérature, un compte rendu critique ou un travail de 15 pages. Il arrive même qu’elles qualifient un tel travail de «mémoire».
Vers une compétence professionnelle en éducation interculturelle
Comme professeurs, nous devons accompagner nos étudiantes et étudiants dans la construction de leurs connaissances et deviner ce qu’ils ne comprennent pas. Ce travail est difficile quand, pour certains, signifier une incompréhension est impossible, ou encore, quand les chargées ou chargés de cours représentent l’autorité parentale. Nous avons à cœur la réussite de nos étudiantes et étudiants. Nous travaillons fort pour mieux enseigner. Dans un contexte multiculturel, il apparait important de passer d’une vision monoculturelle à une vision interculturelle.
Plusieurs enseignantes ou enseignants perçoivent l’enseignement dans un contexte de diversité ethnique et culturelle comme un atout, une valeur ajoutée, un enrichissement, ne serait-ce que parce que les étudiantes et étudiants étrangers font d’autres liens, ou encore, apportent des exemples différents. Mais le contraire est aussi possible et cette réalité peut comporter des obstacles difficiles à surmonter. À titre d’exemple, un chargé de cours en journalisme a constaté que l’approche des faits d’actualité et la posture de neutralité sont parfois impossibles à comprendre pour des étudiants étrangers.
Dans un contexte d’études supérieures, l’absence de formation du personnel enseignant en ce qui concerne les habiletés de communication interculturelle, les habiletés de gestion de classe pluriethnique et les différences culturelles, peut s’avérer désastreuse. Compter largement sur la bonne volonté et le bénévolat des enseignantes et des enseignants, c’est trop demander. Les institutions doivent organiser des formations, dégager du temps pour créer du matériel et du temps de réflexion pour développer et intégrer des stratégies pédagogiques adaptées.
Le comité école et société
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse : cesfneeq@csn.qc.ca