Les syndicats d’enseignantes et d’enseignants de cĂ©geps de la FNEEQ se prĂ©parent, au cours des prochains mois, Ă  une nĂ©gociation considĂ©rĂ©e comme cruciale pour l’avenir de la profession enseignante au collĂ©gial. En pĂ©riode de sortie de crise, au moment oĂą il apparaĂ®t que le gouvernement envisage de s’entĂŞter dans la voie du «moins d’État», cette nĂ©gociation prend une dimension politique encore plus importante qu’Ă  l’habitude. Depuis dĂ©jĂ  de longues annĂ©es, les profs des cĂ©geps luttent pour la valorisation d’une profession dont les conditions d’exercice ne cessent de se dĂ©tĂ©riorer.

Cri du cĹ“ur de l’un d’entre eux.

De l’acceptation globale…

Beaucoup, parmi nous, se prĂ©parent Ă  renĂ©gocier une convention collective adoptĂ©e sous dĂ©cret en 2005. Au cours des dĂ©cennies prĂ©cĂ©dentes, nous avons dĂ» accepter de nombreux reculs quant Ă  nos conditions de travail : peu Ă  peu, la tâche s’est alourdie, notre salaire a diminuĂ© proportionnellement au coĂ»t de la vie et la prĂ©caritĂ© de nos emplois s’est accrue.

Le travail des enseignantes et des enseignants au collĂ©gial n’est plus le mĂŞme.

  • Dans le langage de la partie patronale, la tâche a «évolué». Elle ne s’est pas alourdie, elle s’est « complexifiĂ©e»! Langue de bois, quand tu nous tiens… Dans le jargon, on parle de: «L’Ă©largissement du cadre de rĂ©fĂ©rence de la pratique de la profession enseignante Ă  d’autres dimensions, notamment la participation Ă  la gestion pĂ©dagogique, la contribution au dĂ©veloppement institutionnel, la recherche, le perfectionnement, la production de matĂ©riel didactique et le service Ă  la collectivité» …
  • Il en est de mĂŞme pour la mission Ă©ducative des cĂ©geps qui s’est «élargie Ă  d’autres activitĂ©s telles l’Ă©laboration et la rĂ©alisation de projets d’innovation technologique, d’Ă©tudes et de recherches en pĂ©dagogie; la mise en Ĺ“uvre de programmes de coopĂ©ration dans le domaine de l’enseignement collĂ©gial; l’implantation de technologies nouvelles et leur diffusion; la participation au dĂ©veloppement de leur rĂ©gion.»
  • La rĂ©forme Robillard (1993) a gĂ©nĂ©ralisĂ© l’approche programme, qui impose Ă  chaque enseignante et enseignant une gestion des contenus minimaux et des plans de cours communs, la mise en place d’une «transfĂ©rabilité» et d’un «arrimage» entre les pratiques. S’y ajoutent, depuis 2002, la production de plans et rapports liĂ©s aux services professionnels rendus et l’obsession de la hausse des taux de rĂ©ussite. Collectivement, il faut ajouter la dimension consensuelle qui «requiert de la fluiditĂ© dans les communications et une interaction importante entre toutes les personnes concernĂ©es par la gestion de programmes».
  • Il devient nĂ©cessaire de s’adapter «aux besoins et aux caractĂ©ristiques d’une population Ă©tudiante de plus en plus hĂ©tĂ©rogène ce qui diversifie les besoins en matière de formation et d’encadrement».
  • Il faut intĂ©grer au travail des enseignantes et enseignants les TIC, non seulement en termes de pĂ©dagogie et de formation continue, mais aussi dans la gestion au quotidien de la quantitĂ© phĂ©nomĂ©nale d’informations et de communications Ă©manant de toutes parts.

Ces ajouts n’Ă©tant pas intĂ©grĂ©s dans le calcul de la charge individuelle, les consĂ©quences (pour notre profession et pour nos Ă©tudiants) s’accumulent. Mais ce n’est pas tout.

Est-ce que j’accepte que les dĂ©cisions qui influencent les conditions dans lesquelles je dois exercer ma profession soient prises sans consultation rĂ©elle des enseignantes et des enseignants?

Depuis la crĂ©ation des cĂ©geps, les enseignants ont toujours dĂ» se battre pour que leur point de vue soit considĂ©rĂ© dans les dĂ©cisions qui concernent l’enseignement et leurs conditions de travail. Or, de plus en plus de dĂ©cisions sont prises sans rĂ©elle consultation tant au niveau du MELS, de la FĂ©dĂ©ration des cĂ©geps qu’au niveau local.

Cela va de la restructuration des programmes et des cours par objectifs et compĂ©tences, passe par des objectifs chiffrĂ©s de rĂ©ussite, par l’Ă©valuation des enseignements (des enseignantes et des enseignants!), par le faible pourcentage des transferts fĂ©dĂ©raux (seulement 10% de 70M$) allouĂ©s Ă  la mission première des cĂ©geps, soit l’enseignement, ainsi que par des conditions de travail dĂ©terminĂ©es par dĂ©cret sans possibilitĂ© d’utiliser des moyens de pression (loi 142).

Est-ce que j’accepte que l’Ă©ducation soit de plus en plus instrumentalisĂ©e pour rĂ©pondre prioritairement aux besoins immĂ©diats du marchĂ© du travail?

C’est pourtant ce qui est en train de se passer.

Par les projets de loi 38 et 44, oĂą le gouvernement veut modifier la composition des conseils d’administration afin que le point de vue des enseignants ait moins d’importance que celui des gens provenant de l’extĂ©rieur de l’institution (des gens d’affaires notamment), sous prĂ©texte que ceux-ci seraient plus objectifs et compĂ©tents pour administrer un collège ou une universitĂ©.

Par la place et le rĂ´le, qui s’amplifient constamment, de l’entreprise privĂ©e dans l’Ă©ducation.

Par la mise de l’avant d’une conception de l’Ă©ducation assimilable Ă  un service « privĂ© » oĂą le «client» est roi et oĂą prĂ©vaut le principe de l’utilisateur – payeur.

Par des cĂ©geps en compĂ©tition entre eux pour attirer un plus grand nombre d’Ă©tudiantes et d’Ă©tudiants, et dans lesquels les enseignantes et enseignants sont sollicitĂ©s afin de faire la promotion de leur programme et de leur Ă©tablissement.

Est-ce que j’accepte que ma profession, comme l’Ă©ducation en gĂ©nĂ©ral, soit de plus en plus dĂ©valorisĂ©e?

Le salaire des enseignantes et des enseignants, qui représente aussi la valeur attribuée à leur travail, baisse continuellement par rapport au coût de la vie. En comparaison, selon les études du MELS, le salaire moyen des enseignants des collèges ontariens est au moins 20% supérieur à celui des enseignants du collégial!

Contrairement aux prĂ©jugĂ©s vĂ©hiculĂ©s, l’emploi dans les cĂ©geps est souvent prĂ©caire. Environ 40% des enseignantes et des enseignants du collĂ©gial n’ont aucune sĂ©curitĂ© d’emploi.

… au refus global ?

Le portrait n’est pas rose et les choses ne changeront pas d’elles-mĂŞmes. Suite Ă  ces considĂ©rations, une première question se pose: accepterons-nous d’autres reculs? C’est Ă  chacun de nous d’y rĂ©pondre.

Si nous rĂ©pondons par la nĂ©gative, quels moyens sommes-nous prĂŞts Ă  prendre pour dĂ©fendre le respect de notre profession et la revalorisation rĂ©elle de l’Ă©ducation au QuĂ©bec? Quel prix sommes-nous prĂŞts Ă  payer? Nous devons dès maintenant y rĂ©flĂ©chir, en discuter et nous organiser.

Collègues, il est peut-ĂŞtre temps de nous lever tous ensemble, de prendre la parole et de passer Ă  l’action.