responsable du regroupement université
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’éditorial de Stéphanie Grammond publié le 7 octobre dans La Presse sur « les étudiants vaches à lait ». Tout comme elle, je suis sidérée de constater certaines dérives de l’enseignement à distance (EAD) dans les universités, par exemple celle d’inscrire 700 personnes dans un même cours en ligne ou, encore, celle de forcer des étudiant-es qui demeurent à quelques pas du campus universitaire à suivre une majorité de leurs cours devant leur ordinateur (voir l’article des journalistes Louise Leduc et Marie-Ève Morasse). Le choix de La Presse de mettre en lumière cette réalité démontre que l’enseignement à distance n’est pas le seul fait de « l’autonomie des universités ». Il s’agit d’un enjeu d’intérêt public qui peut avoir des conséquences délétères sur la santé des personnes étudiantes, sur la vitalité de nos campus ainsi que de nos régions et sur la qualité de l’enseignement. Cela doit être discuté plus largement au sein des campus, avec tous les actrices et les acteurs qui composent l’écosystème des universités.
Dans la perspective où les universités sont sous-financées depuis plusieurs années et que leur financement est en grande partie fondé sur le principe de « l’utilisateur-payeur », il était malheureusement prévisible que certaines d’entre elles trouvent avantage à recourir à l’enseignement à distance pour tenter de faire des économies d’échelle et de renflouer les coffres.
Investir plutôt que punir
Cependant, alors que l’éditorialiste pointe la réduction du financement en guise de « représailles » aux universités qui seraient tentées d’accroître l’enseignement à distance, je suis plutôt d’avis qu’il faut accroître le financement de toutes les universités, mais – et cela est très important – qu’il faut aussi baliser la taille des groupes et s’assurer que les cours offerts à distance (pour des raisons d’accessibilité, par exemple) soient aussi offerts en présence. Il est par ailleurs erroné de croire que l’enseignement à distance est moins exigeant pour les personnes chargées de cours et professeures, alors que cette façon d’enseigner exige beaucoup d’heures de travail en amont et pendant toute la durée du cours, notamment en raison de l’accompagnement et de l’enseignement individualisé qu’il exige pour que sa qualité soit comparable à celle de l’enseignement en présence. Bref, l’EAD peut être efficace pour peu qu’il soit fait dans les règles de l’art.
Le financement à la diplomation suggéré dans l’éditorial n’est pas non plus la solution, car cela aurait pour principale conséquence de réduire l’accessibilité aux études. Les demandes d’admission des personnes étudiantes moins douées pourraient être rejetées par les universités puisque celles-ci devraient investir beaucoup d’argent dans leur formation sans garantie, au bout du compte, de recevoir le financement. Les plus petites universités, celles qui accueillent des étudiant-es de première génération ou des gens les fréquentant à temps partiel, seraient aussi pénalisées.
Il est impératif de renforcer la relation pédagogique humaine comme valeur importante dans l’enseignement universitaire. La prudence s’impose donc face au désir d’une grande transition vers le numérique. Sinon, à quoi bon financer des bâtiments qui resteront vides ? À quoi bon avoir de beaux campus sans toute l’énergie et la vitalité étudiantes pour les animer ?
Grâce aux grands progrès en matière d’accessibilité accomplis au Québec depuis 60 ans, des centaines de milliers d’étudiant-es fréquentent nos universités. Tant mieux ! Cependant, une telle massification de l’enseignement supérieur ne justifie pas de s’engager vers un « fast-food » de la formation et des conditions de travail, et encore moins de distribuer des diplômes au rabais.