Le Cégep de la Gaspésie et des Îles se trouve actuellement aux prises avec des difficultés telles qu’il est à craindre qu’il ne puisse poursuivre efficacement sa mission auprès de la population qu’il dessert. Constitué de quatre composantes, soit le cégep de Gaspé, le Centre d’études collégiales de Carleton, le Centre d’études collégiales des Îles-de-la-Madeleine et le Centre spécialisé des pêches de Grande-Rivière, le Cégep de la Gaspésie et des Îles subit les contrecoups de la baisse démographique régionale et des nouvelles règles de financement du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). À Gaspé, l’effectif étudiant ne cesse de diminuer, et l’impact de cette baisse, conjugué à des modifications dans les règles de financement des programmes à la fin des années 90, a provoqué une situation extrêmement délicate. Pour Annie Chouinard, présidente du Syndicat du personnel enseignant du Cégep de Gaspé: «La situation est inquiétante. Les règles de financement imposées par le ministère de l’Éducation ont entraîné le collège dans un déficit irrécupérable. Pour pallier le sous-financement, toutes les solutions sont envisagées, malgré leurs répercussions sur l’accessibilité à une éducation collégiale de qualité. La suspension ou la fermeture de programmes de même que la mise en place de formules pédagogiques hybrides, qui pourraient pousser les jeunes à l’exode, sont les seules réponses avancées à ce jour par le MELS.» Marylène Nicolas, présidente du Conseil central de la CSN Gaspésie-les-Îles, renchérit: «La Gaspésie connaît déjà le plus faible taux de scolarisation au Québec. Le taux de chômage y est très élevé en raison du grand nombre de travailleurs saisonniers. Nous n’avons certainement pas les moyens de voir se dévaloriser les établissements d’enseignement collégial de la région.»
La situation qui a cours en Gaspésie, comme dans toutes les régions qui subissent une décroissance démographique, est plus que préoccupante et commande que le gouvernement québécois agisse promptement. «Faudra-t-il attendre la fermeture d’un cégep avant de réagir? Un refus d’intervention directe du ministre Fournier équivaudrait à une remise en question du principe de l’accessibilité à des études supérieures de qualité partout au Québec», d’affirmer Étienne Hudon-Gagnon, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ). En effet, si la crise est plus aiguë à Gaspé, de nombreux autres cégeps de région vivent des problèmes similaires. Conjugué aux difficultés d’ordre démographique, le sous-financement des programmes d’études, maintes fois dénoncé, engendre d’énormes pressions dans les collèges. «C’est toute la question de l’accessibilité aux études supérieures qui est en cause», d’ajouter M. Hudon-Gagnon. Pour les présidents des trois fédérations syndicales enseignantes, Ronald Cameron, de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), Mario Beauchemin, de la Fédération des enseignantes et des enseignants de cégep (FEC-CSQ) et Jean-Claude Drapeau, de la Fédération autonome du collégial (FAC), l’inaction gouvernementale est simplement inconcevable et inacceptable. Le ministre de l’Éducation se doit d’adopter des mesures particulières permettant aux cégeps en décroissance, dont celui de la Gaspésie et des Îles, de continuer à offrir un enseignement de qualité reconnu et identique à celui de l’ensemble du réseau collégial.
Pour les trois représentants syndicaux, la crise que traverse actuellement le Cégep de la Gaspésie et des Îles constitue un signal d’alarme sur les dangers qui guettent le réseau collégial. Au-delà des contingences budgétaires, le gouvernement québécois doit réaffirmer sa ferme volonté politique de maintenir l’accessibilité aux études supérieures dans toutes les régions du Québec. Cet engagement doit se traduire par des mesures tangibles et concrètes à Gaspé, bien sûr, mais aussi partout où un cégep est à risque. Le gouvernement québécois et son ministre de l’Éducation ne peuvent abdiquer leur responsabilité dans le maintien du réseau collégial, le meilleur garant de l’accessibilité à l’enseignement supérieur sur l’ensemble du territoire québécois.
– 30 –