C’est avec stupéfaction que nous avons appris l’ingérence de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, dans le cursus des cours de cégep. Ainsi, selon la ministre, un cours intitulé « Appartenances palestiniennes » exigeait son intervention en raison de « malaises » de certain·es étudiant·es. Un si faible motif ne justifie en rien une transgression du principe fondamental et clairement établi de la liberté académique au sein de l’enseignement supérieur, auquel appartient le réseau collégial. À cet égard, l’enquête dans les collèges Vanier et Dawson qu’elle a commandée s’apparente de plus en plus à une volonté explicite de sa part de produire un effet dissuasif sur la liberté académique des enseignant·es. Il faut donc abandonner cette démarche dès maintenant, les établissements disposant de tous les outils pour gérer ces situations.

Si nous voyons quotidiennement les ingérences politiques dans l’enseignement supérieur au sud de la frontière, où certains mots sont désormais mis à l’index, nous sommes consterné·es de voir notre ministre imiter les pratiques trumpiennes. Soyons francs : notre confiance envers Pascale Déry s’étiole à la vitesse grand V. Celle qui devrait plus que jamais défendre la liberté académique devient la principale menace à l’égard de cette dernière. Serait-elle intervenue de la même manière s’il s’agissait d’un cours sur la politique américaine, autre sujet « malaisant » par les temps qui courent ? Depuis quand « le malaise » ne doit-il plus être abordé dans nos classes au Québec ?
Benoît Lacoursière
Président de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN)

La ministre renie-t-elle sa loi et sa signature ?

Rappelons qu’en 2021, une annexe confirmant la protection du droit de choisir le contenu vu dans les cours était intégrée à la convention collective des enseignant·es de cégep. Cette disposition a été reconduite lors des dernières négociations et l’encre de la signature de la ministre dans le nouveau contrat de travail a à peine eu le temps de sécher.

Aussi, en avril 2022, le gouvernement Legault déposait le projet de loi 32 portant sur la liberté académique en milieu universitaire. La ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, Danielle McCann, affirmait que « tous les mots seront permis dans les salles de cours, sans crainte de s’exposer à une plainte, dans la mesure où le contexte pédagogique s’y prête. » Ce principe ne saurait être à géométrie variable, au gré des intérêts et affinités de la ministre. Rappelons que celle-ci a siégé au conseil d’administration du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) de 2016 à 2022, c’est-à-dire jusqu’à son élection.

Il faut étendre la loi sur la liberté académique aux cégeps

Comme nous l’avons réclamé dès 2021, notre Fédération et ses 40 000 membres demandent au gouvernement d’élargir la portée de la loi 32 afin d’y intégrer les cégeps et d’empêcher toute nouvelle ingérence.

Notre réflexion s’inspire de la recommandation de l’UNESCO et de l’Organisation internationale du travail (OIT) concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur. Les États signataires affirment être « préoccupé[s] par la vulnérabilité de la communauté universitaire à l’égard des pressions politiques indésirables qui pourraient porter atteinte aux libertés académiques » et qu’« il est du devoir des États membres de protéger l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur contre toute menace, d’où qu’elle vienne. »

En élargissant la portée de la loi 32, la ministre pourrait ainsi faire œuvre utile et protéger le réseau de l’enseignement supérieur d’elle-même.