Une étude scientifique partenariale inédite menée par le Service aux collectivités de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) confirme ce que les enseignant·es évoquent de plus en plus : la surcharge de travail s’est accrue de manière exponentielle avec et depuis la pandémie, provoquant une dégradation importante de leur santé mentale (détresse psychologique, solitude et anxiété), de leur santé générale et de la conciliation travail-vie personnelle. Quelque 500 personnes enseignant au niveau collégial et quelque 200 autres œuvrant au niveau universitaire ont rempli le questionnaire des chercheuses, qui ont également interrogé des groupes de discussion pour préciser qualitativement les données recueillies.
Déconnexion et heures travaillées : des statistiques qui en disent long
Les indicateurs colligés dans les tableaux ci-bas sont sans équivoque quant à la surcharge de travail. Les courriels professionnels reçus lors du temps personnel (incluant les soirs et les fins de semaine) auxquels employeurs, personnes étudiantes et collègues s’attendent à des réponses rapides – voire quasi immédiates – sont monnaie courante. La surcharge s’incarne donc par l’impossibilité de se déconnecter, vu la multiplication des communications et l’effacement des frontières entre le travail et la vie personnelle.
En outre, au total, près de 40 % des répondant·es affirment travailler bien plus que 45 heures par semaine (26,5 % travaillent entre 45 et 54 heures par semaine, alors que 12,6 % admettent y consacrer plus de 55 heures). D’ailleurs, la moitié (50,5 %) confient travailler « souvent » ou « toujours » durant les vacances. On sait que, selon l’Organisation mondiale de la santé, travailler plus de 55 heures par semaine augmente sérieusement les risques d’AVC et de décès à la suite de problèmes cardiaques (OMS, 2021).
Charge émotionnelle
Plusieurs répondants·es ont confié à quel point l’enseignement non présentiel – qui s’est implanté parfois de façon permanente depuis la pandémie – facilite le présentéisme (par exemple, travailler malade). De plus, si des personnes enseignantes (38 %) parviennent à sauver du temps grâce, par exemple, au télétravail, 82 % d’entre elles admettent réinvestir la forte majorité de ces minutes gagnées dans leur boulot, ce qui aggrave la surcharge de travail.
Les témoignages obtenus par les chercheuses permettent également de comprendre la surcharge de travail sous un autre angle : celui de la charge émotionnelle. En effet, parce que la population étudiante se diversifie, éprouve plus de difficulté et nécessite davantage d’encadrement, les enseignant·es ressentent de l’inquiétude pour elle et s’engagent dans une spirale qui détériore le moral et accentue la charge émotionnelle. Cela contribue au sentiment de surcharge au travail.
Des maux physiques concrets
En effet, la surcharge de travail se transforme en douleur véritable pour bien des répondant·es. On note une multiplication des troubles musculosquelettiques, des maux de tête, des problèmes de prise de poids, de la consommation de médicaments, du « workaholisme », du sentiment d’être dépassé ou en état de choc et de l’apparition de doutes sur la carrière. Bref, le stress et la déprime peuvent même conduire à une détresse importante chez certaines personnes interviewées.
« Où est la ministre de l’Enseignement supérieur ? » demande Jessica Goldschleger, présidente de la Fédération des professionnèles (FP–CSN). « Le personnel du réseau est en détresse et elle est aux abonnés absents. Elle devrait se battre pour un réinvestissement massif, qui permettrait au personnel enseignant de mieux transmettre les savoirs sans mettre sa santé en péril, plutôt que d’exécuter, sans broncher, le gel d’embauches et les compressions imposées au réseau par son gouvernement. »
- Consulter la synthèse de la recherche partenariale « Transformations du travail d’enseignement postsecondaire dans l’après pandémie : quelles ressources, quels besoins ? »
- Consulter le rapport final complet de la recherche partenariale « Transformations du travail d’enseignement postsecondaire dans l’après pandémie : quelles ressources, quels besoins ? »