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Chronique 48 – COCAL X – Le prolétariat universitaire

Solidarité! Solidarity! Solidaridad! Voilà le mot au cœur des présentations et des discussions tenues lors de la dixième rencontre biannuelle de la Coalition du personnel enseignant précaire en enseignement supérieur (COCAL). Le congrès avait lieu à Mexico et c’était d’ailleurs la première fois que cette grande coalition d’enseignantes et d’enseignants précaires se réunissait à l’extérieur du Canada et des États-Unis. Le congrès se divisait en quatre grandes plénières et une dizaine d’ateliers. Tous les thèmes des conférences touchaient l’enseignement supérieur, essentiellement universitaire. Plus qu’une mise en commun d’intérêts, les quelque 300 personnes participantes voulaient discuter et échanger sur les transformations des modes de gestion de nos institutions d’enseignement et, plus précisément, discuter de la précarité croissante d’un nombre toujours plus grand d’enseignantes et d’enseignants.

Néolibéralisme et enseignement supérieur
Le colloque s’est ouvert sur une conférence d’étudiantes et d’étudiants militants de Puerto Rico, de New York, du Mexique et du Québec. Ne manquait qu’un militant chilien, hélas bloqué à la frontière étasunienne. Les étudiants, particulièrement les représentants de la CLASSE, ont bien placé les enjeux de la marchandisation, de l’accessibilité et bien sûr, de l’importance critique de la mobilisation et de la contestation. Les détails sur le fonctionnement interne (démocratie directe) de la CLASSE, surtout dans le contexte du Printemps érable, ont profondément intéressé les congressistes. La présence d’étudiants à la COCAL était aussi une première et elle apparaissait, dans les circonstances, absolument incontournable et un complément logique dans un colloque d’enseignants. De plus, la mise en commun de leurs doléances démontre la similarité des situations, mais contribue aussi à élargir la mobilisation et les solidarités.

Les plénières de la COCAL X, qui se sont déroulées pendant trois jours, avaient comme objectif de couvrir les principaux maux qui assaillent de plus en plus les universités et l’enseignement universitaire qui vacillent sous des pressions marchandes. Ces pressions poussent les universités à adopter des modes de gestion entrepreneuriale plus près du modèle industriel que du haut lieu du savoir qu’elles furent jadis. La première conférence constatait la détérioration des conditions de travail du personnel enseignant sous la montée de la mondialisation néolibérale. Dans la deuxième, les intervenants cherchaient à trouver des solutions, particulièrement par la lutte et l’organisation militante, alors que dans la troisième, on s’entendait sur la nécessité de s’ouvrir à des alliances avec nos collègues partout dans le monde. La quatrième plénière se concentrait sur l’avenir de la COCAL et sur la proposition de New York pour la COCAL XI.

Si les personnes participantes étaient unanimes dans leur volonté de poursuivre le combat pour une éducation de qualité, accessible et démocratique, c’est l’ampleur de la tâche qui frappait, voire effrayait le plus. Il est important de retenir que de la précarité découle souvent une anxiété intrinsèque qui rend plus difficile les démarches mobilisatrices ou revendicatrices. À titre d’exemple, cette collègue en provenance de la Corée qui, contractuelle dans une université, est libre de se syndiquer ou non mais dont les contrats chuteront dramatiquement si elle le fait. Il était hors de question pour elle d’être citée ou encore associée à son lieu de travail dans les communications officielles de l’après COCAL… par crainte de représailles. Ce phénomène n’a rien de nouveau. Déjà en 2001, Anne et Marine Rambach publiaient un ouvrage intitulé Les nouveaux intellos précaires , qui s’ouvrait par cette mise en garde «Une grande partie des témoins [ayant participé à cet ouvrage] ont demandé l’anonymat de manière à ne pas s’exposer à des sanctions de leurs employeurs.» Dans quel monde vivons-nous quand des enseignantes et des enseignants craignent de dénoncer et de s’identifier publiquement?

L’espoir d’une nouvelle hégémonie
Alors qu’un chargé de cours mexicain gagne entre 2 et 8$ de l’heure et qu’un collègue étatsunien s’estime heureux de gagner 2 900$ par cours, la majorité des cours de premier cycle est donnée par des contractuels de l’enseignement supérieur. Près de 50% des cours de premier cycle donnés au Québec le sont par des chargées et chargés de cours. N’y a-t-il pas lieu, face à cette réalité, de renverser les paradigmes et de voir les contractuels que nous sommes comme un groupe incontournable capable d’exercer des pressions? Bref, la précarité anxiogène pourrait être, à mesure qu’elle devient la norme des gestionnaires, un point commun autour duquel nous pouvons construire une solidarité réelle et internationale. Cette nouvelle majorité bénéficierait d’un tel renversement des rapports de force. C’est, bien entendu, une question qui va au-delà de nos conditions de travail. C’est la qualité de l’enseignement qui est au cœur de ces réflexions, une qualité de l’enseignement que les chargées et chargés de cours dispensent depuis des années tant au premier cycle, qu’à la formation continue ou qu’à l’éducation aux adultes et de plus en plus aux cycles supérieurs.

La délégation québécoise
Nous étions sept à fièrement représenter le Québec. Danielle Doucet (SCCUQ) et Michel Sarra-Bournet (SCCCUM), Francis Lagacé (CCMM), Philippe Lapointe et Alexandra Zawadzki-Turcotte (CLASSE), Claire Tremblay et Sylvain Marois (FNEEQ-CSN). Bien que peu nombreux, nous avons bénéficié de belles tribunes. Philippe Lapointe et Alexandra Zawadzki-Turcotte ont ouvert le bal avec un survol de la mobilisation étudiante au Québec et plus particulièrement sur le fonctionnement de la CLASSE. La présentation de Sylvain Marois se voulait une mise en contexte historique depuis 2010 de l’appui de la FNEEQ au mouvement de contestation contre la hausse des droits de scolarité en insistant sur la production d’études, d’analyses et de matériel d’information. De son côté, Francis Lagacé s’attardait, dans une présentation qui a fait beaucoup de bruit, plus spécifiquement au rôle du Conseil central du Montréal métropolitain. Enfin, Michel Sarra-Bournet a fait une présentation fort appréciée sur la formation à distance. Toutefois, sept francophones, c’est bien peu. Malgré toute la bonne volonté et les traductions simultanées, il est clair qu’il nous faudra être plus nombreux la prochaine fois. Ce n’est pas qu’une question de la présence du français. Notre présence et notre participation permettent tout autant de promouvoir une certaine vision de l’enseignement que de s’inscrire dans des alliances internationales qui visent, tout comme la FNEEQ-CSN, à contrer les profondes transformations qui menacent nos institutions d’enseignement et celles et ceux qui y enseignent.

Le comité école et société
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse: cesfneeq@csn.qc.ca