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Chronique 4 – Les technologies de l’information …

Nouvelle génération

Janvier 2007 – Depuis plusieurs années, certaines institutions d’enseignement proposent toutes sortes de formation à distance ou en ligne. L’université à distance de l’UQÀM (TÉLUQ) a joué un rôle précurseur dans ce domaine et offre depuis plus de 30 ans ce type de formation. La TÉLUQ et l’UQÀM réunies constituent à ce jour la plus grande université bimodale de la francophonie, alliant formation sur campus et formation à distance. Le réseau collégial, par la voie du Cégep@distance, créé en 1991, a emboîté le pas et propose maintenant aux étudiantes et aux étudiants deux cent quatre-vingt cours dans des programmes de DÉC et d’AÉC.

Les technologies de l’information et de communication (TIC) permettent aujourd’hui d’aller plus loin dans la mise en réseau de certaines institutions d’enseignement. Elles apparaissent comme une solution viable pour les programmes en difficultés de recrutement, ainsi que pour atténuer l’isolement vécu dans certains programmes ou collèges, et permettraient de franchir de nouveaux seuils de performance.

Les Commissions scolaires ne sont pas en reste. En effet, certaines¹ utilisent déjà un réseau privé de fibre optique, ce qui réduit les coûts récurrents liés à l’usage de bandes passantes². Cette technologie relie certaines écoles primaires, grâce aux services Intranet régionaux, à la vidéocommunication, à la formation à distance, à Internet et à la téléphonie. C’est le cas depuis trois ans pour les écoles La Marguerite d’Auclair et Des-Verts-Sommets de Saint Athanase dans le Bas Saint-Laurent. Ce projet favorise les échanges entre les élèves et semble avoir « une incidence notable sur leur confiance, leur motivation et leur estime de soi »³.

Nous savons que, suite à une offre de projet d’expérimentation, certains programmes4 du réseau collégial «surfent», depuis septembre dernier, sur un autre mode de formation à distance. Ainsi, le Ministère de l’éducation du loisir et du sport (MÉLS), en partenariat avec le Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO) et en accord avec la Fédération des cégeps, a permis de développer cinq projets5 de mise en réseau. Les collèges qui y prennent part doivent s’assurer de la participation d’enseignantes et d’enseignants, d’un engagement formel des départements concernés et de la Direction du collège. Ces entités souhaitent, par la télé présence et la télé participation, permettre aux enseignantes et aux enseignants comme aux étudiantes et aux étudiants de bénéficier de l’expertise complémentaire du corps professoral de collèges partenaires. Cette nouvelle approche est expérimentale et doit faire l’objet de diverses évaluations à la fin de la présente session. Il faudra notamment faire la preuve que la formation offerte de cette manière est de qualité et qu’elle peut se faire à coût moindre, ou à un coût égal au financement déjà prévu. L’utilisation de ces nouvelles technologies nécessite l’amélioration du système Internet et la mise en place de bandes passantes plus efficaces.

La télé présence et la télé participation permettent à des étudiantes et à des étudiants ou à des groupes classes de maintenir le contact avec des experts, des enseignantes et des enseignants hors collège, ou avec des pairs qui sont sur le terrain ou en classe. Par le lien de communication Internet, les étudiantes et les étudiants peuvent discuter avec les experts en direct ou en différé, recueillir leurs commentaires, suivre leur démarche et recevoir des suggestions. Actuellement, ces projets pilotes ont permis aux étudiantes et aux étudiants de suivre des parties de laboratoire, des conférences et des exposés en télé présence. Par ce moyen, les étudiantes et les étudiants participent aussi, en différé, aux activités de terrain des autres classes et peuvent faire rapport de leurs propres expériences de terrain.

Les objectifs du CÉFRIO pour la session d’hiver 2007 visent à mettre en réseau 25% des cours de la formation spécifique des programmes visés et faire en sorte que 50% du contenu de ces cours soit offert en télé présence mais aussi en télé participation.

Le CÉFRIO tente ainsi de rencontrer les objectifs annoncés par ses représentants lors de la présentation du projet «Cégeps en réseau», où il avançait que le nouveau modèle de formation devrait: maintenir des programmes en difficulté s’ils sont jumelés à distance, maintenir l’identité de chaque collège et l’intégrité de son offre de formation, revoir l’allocation des ressources enseignantes, partager des tâches d’élaboration de cours et leur prestation, assurer les responsabilités départementales d’élaboration des programmes, briser l’isolement et le confinement des étudiantes et des étudiants, briser l’isolement professionnel des enseignantes et des enseignants. À la lecture même de ces énoncés, il est facile de voir venir des changements majeurs dans l’acte d’enseignement mais aussi et surtout, dans la définition de la profession enseignante.

Bien que les premiers commentaires des enseignantes et des enseignants confirment le bris de l’isolement, la complémentarité des expertises et l’intérêt potentiel d’une nouvelle forme d’encadrement des étudiantes et des étudiants, plusieurs d’entre eux pointent du doigt certains éléments qui s’ajoutent à leur tâche habituelle, les obligeant à offrir une bonne part de bénévolat. Ils doivent revoir les contenus de cours, les adapter aux nouvelles technologies, élaborer de nouveaux projets et faire l’apprentissage de nouveaux outils. Cette nouvelle dynamique de formation nécessite également l’ajout de rencontres entre enseignantes et enseignants, mais aussi entre les étudiantes et les étudiants des collèges collaborateurs. Ils s’inquiètent de ce renouveau pédagogique puisqu’il demandera, dans une deuxième phase, une harmonisation des programmes, des compétences et des outils informatiques spécifiques à chacun des programmes. Enfin, un constat général émerge et il devient clair que toute cette opération ne pourra se faire sans ajout de ressources à la hauteur des changements exigés.

Quel impact tout cela aura-t-il sur le financement des programmes et sur la description de tâche des enseignantes et des enseignants? Cette approche pédagogique implique la mise en place de concepteurs de contenu, de conférenciers experts, d’animateurs et d’accompagnateurs. Verrons-nous apparaître une sectorisation de l’emploi? Cela se traduira-t-il dans la convention collective et si tel est le cas, comment? Tout ce personnel sera-t-il encore considéré comme des enseignantes ou des enseignants? Quelle sera la catégorie d’emploi dominante? Devra-t-on considérer de nouvelles échelles salariales? Cela augmentera-t-il la précarité?

Par ailleurs, au-delà des bouleversements des pratiques et des ajustements entraînés dans les conventions, on peut se demander si cette avenue aura les effets souhaités pour les régions. À l’évidence, cette approche n’entraîne pas de création d’emploi… Dans la mesure où il n’y a pas d’engagement politique approprié, permettra-t-elle de diminuer l’exode, ou cela aura-t-elle plutôt comme effet de reporter à plus tard cette fatalité? Aurons-nous, entre-temps, participé au développement d’une expertise favorisant le processus en marche d’une marchandisation de l’éducation?

De tout temps, le savoir a été une source de liberté, un gage de réussite et une condition nécessaire à l’exercice de la citoyenneté. Le Québec, par sa Révolution tranquille, a permis à sa population de se prendre en main, ce qui a façonné non seulement son paysage social mais aussi son ouverture sur le monde. Il semble bien qu’au chapitre de la diffusion de la connaissance, nous soyons aujourd’hui à un autre tournant de l’histoire.

La baisse démographique en région, les changements sociaux et l’économie mondiale viennent bousculer nos institutions, nos programmes de formation et notre savoir faire. Comment doit-on agir pour le bien commun? Quelles sont les avenues à prioriser pour les citoyennes et les citoyens de demain? Que doit-on faire pour offrir une formation équivalente sur l’ensemble du territoire? Chose certaine, c’est maintenant qu’il faut y réfléchir, pour ne pas demain se retrouver devant une collection de faits accomplis.


 

  1. Source : Le Soleil, 23 janvier 2007, Commission scolaire de la Beauce-Etchemin.
  2. Bande passante : par assimilation, volume de données qu’il est possible de transférer entre un serveur et un ordinateur client. L’expression « bande passante » est utilisée de manière courante pour désigner un débit exprimé en octets (ou Kilo, Mega, Giga-octets).
  3. Source : Le Soleil, 22 janvier 2007, Commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs.
  4. Source : CEFRIO, Électronique industrielle, Transformation des produits forestiers, Informatique, Logistic et Technologie forestière.
  5. Thetford et Sept-Îles, Saint-Félicien et Sainte-Foy, Rivière-du-Loup et Matane, Drummondville, Lévis-Lauzon et Trois-Rivières, Baie-Comeau et Gaspésie et les Îles.