- FNEEQ - https://fneeq.qc.ca -

Réinvestissement au collégial : plus de comités ou plus de profs ?

Lettre ouverte à la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport

Lettre publiée dans le journal Le Soleil et sur Cyberpresse, le 14 décembre 2007

Madame Michelle Courchesne

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

1035, rue De La Chevrotière, 28e étage

Québec (Québec) G1R 5A5

Madame la Ministre,

Le gouvernement du Québec s’apprête à décider de la manière avec laquelle il disposera des sommes qu’il recevra, en janvier, à titre de transferts fédéraux consacrés à l’enseignement supérieur.

Une première décision doit être prise quant au partage à faire entre les universités et les cégeps. Elle est certes importante, mais plusieurs signes donnent à penser que la proportion des sommes allouées aux deux ordres d’enseignement devrait refléter leur importance respective dans le système d’éducation québécois. Nous nous en réjouissons.

Mais la destination des sommes qui seront dévolues au collégial nous préoccupe grandement : quelle part du réinvestissement dans le réseau collégial le gouvernement libéral consacrera-t-il à l’enseignement proprement dit ?

Le rôle majeur que jouent les cégeps dans le développement économique et régional n’est plus à démontrer. Partout sur le territoire, c’est un puissant vecteur de scolarisation, une force qu’on nous envie, dans le contexte d’un marché de l’emploi marqué de changements rapides et d’une demande croissante de travailleuses et de travailleurs qualifiés.

Mais le réseau collégial étouffe : les enseignantes et les enseignants, qui œuvrent en première ligne, sont débordés et il est plus que temps que votre ministère s’en préoccupe. La situation est telle qu’il serait incompréhensible que le réinvestissement à venir ignore le cœur de la mission collégiale, soit l’enseignement. Doit-on vous convaincre que c’est d’abord dans la relation professeur-étudiants que se joue la réussite ?

L’enseignement collégial a besoin d’oxygène

Les cégeps font partie de l’enseignement supérieur. Or, les heures d’enseignement y sont plus élevées qu’au secondaire et qu’à l’université, alors que tout le travail connexe a considérablement augmenté depuis 15 ans. La profession rebute rapidement celles et ceux qu’elle a pu attirer sur la base de l’image qu’on s’en fait dans le grand public, à tel point que plusieurs départements techniques sont aux prises avec d’importants problèmes de recrutement. Nombre de profs fraîchement recrutés dans l’industrie y sont retournés après une session ou deux, ayant dû faire face à une charge de travail et à une sollicitation continuelle qu’ils ne soupçonnaient pas.

La dernière négociation dans le secteur public a laissé entiers tous les problèmes de la tâche enseignante au collégial. Peu de gens savent que les maigres ressources enseignantes consenties au réseau collégial, en décembre 2005, ne pouvaient même pas être affectées directement à l’enseignement. Effectivement, le gouvernement a choisi alors d’investir dans le fonctionnement administratif et les projets périphériques des collèges, plutôt que dans la salle de classe.

La lecture de ce texte est instructive. Nul besoin de lire entre les lignes pour constater à quel point le travail enseignant au collégial est devenu complexe et lourd. Or, comme parallèlement le financement des enseignantes et des enseignants a diminué, il devient difficile, voire impossible, de livrer la marchandise. Nombre d’enseignantes et d’enseignants croulent sous les corrections, d’autres sont aux prises avec un nombre de préparations différentes qui n’a rien à voir avec ce qui existait avant la réforme et tous doivent assurer une part plus ou moins grande de la gestion des programmes. Les nouveaux venus déchantent rapidement, faut-il le dire, quant à ce qu’ils imaginaient comme conditions de travail.

La nouvelle convention collective, imposée par votre gouvernement, a mis en place un comité de travail paritaire au sujet de la tâche. Ce comité vient de lancer dans les collèges, aux fins de validation, un portrait détaillé de la tâche enseignante au collégial.

L’alourdissement de la tâche au collégial est un fait établi : quiconque fréquente l’enseignement collégial pourrait en témoigner. Et cela, dans un contexte où les salaires consentis au collégial sont bien en dessous de ce qui a cours dans l’enseignement supérieur en Amérique du Nord. La situation est telle que certaines directions de collège, pourtant traditionnellement plus pressées de récupérer à des fins administratives tout argent neuf, la dénoncent, certaines très ouvertement.

La promotion des collèges, la réfection des bâtisses, la recherche, les projets internationaux, les nombreux rapports d’imputabilité, les activités parascolaires, les projets de développement, le recrutement, les nouveaux comités : nous en sommes.

Mais si tous ces aspects du réseau collégial amènent à négliger l’essentiel, il y a un problème. La situation actuelle commande un réinvestissement urgent dans la tâche enseignante et nous osons espérer que vous saisirez l’occasion de le faire.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, nos salutations distinguées.