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Le statut précaire des chargées et chargés de cours universitaires, un frein à la liberté académique

Si les universités bénéficient de l’expertise réputée des chargées et chargés de cours, tutrices et tuteurs, des auxiliaires d’enseignement et de recherche, il faut souligner à grand trait les conséquences du statut contractuel et vulnérable de ces travailleuses et de ces travailleurs. Au Québec, plus ou moins la moitié des cours d’enseignement universitaire sont offerts par des personnes qui sont privées des principaux cadres favorisant l’exercice de la liberté académique, actuellement étudiée par la Commission Cloutier.

« Stratégiquement, des personnes dont le contrat est soumis à un certain ballotage pourraient éviter de mordre la main qui les nourrit ou pourraient s’abstenir de soulever trop de vagues sur des enjeux délicats susceptibles de provoquer des plaintes. Il y a urgence de stabiliser ces emplois précaires pour faire échec aux pressions insidieuses contraires au droit fondamental de la liberté académique », explique Christine Gauthier, vice-présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN), responsable du regroupement université.

Pourtant, il faut rappeler que les universités ne sont pas des « employeurs » comme les autres et doivent mettre en place les mécanismes et structures propices à une gouvernance collégiale. De plus, les corps enseignants n’ont pas une obligation de loyauté totale et doivent pouvoir diverger d’opinion publiquement.

Dans un mémoire étoffé présenté ce matin pendant les audiences publiques de la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire, la FNEEQ–CSN, qui représente 80% des chargées et chargés de cours universitaires au Québec, formule une série de recommandations. Parmi elles :

« Dans une audition concernant la liberté académique, les administrations universitaires doivent assurer la protection des personnes salariées en cas de plainte et demeurer impartiales tant que dure l’enquête et non recourir aux mesures disciplinaires, comme nous l’avons déploré récemment à l’Université d’Ottawa », rappelle Benoît Lacoursière, secrétaire général de la FNEEQ–CSN.

Amender la Charte des droits et libertés de la personne du Québec

En guise de protection, la FNEEQ–CSN recommande d’ajouter la liberté académique aux droits et libertés fondamentales prévus par la Charte. Il appert que, malgré l’adhésion du Canada aux principes édictés par l’UNESCO et malgré l’inscription de la liberté académique dans bon nombre de conventions collectives, elle n’est pas reconnue à sa juste valeur dans les décisions judiciaires.

« Les tribunaux québécois et canadiens, y compris les arbitres de griefs, ont trop souvent tendance à ne pas accorder à la liberté académique le statut constitutionnel de la liberté d’expression. C’est un problème auquel nous devons remédier prestement », revendique Benoît Lacoursière.

Faut-il rappeler également que les menaces principales à la liberté académique viennent de l’État et des entreprises privées (financement), du rétrécissement de la gouvernance collégiale et de la gestion managériale et que, dans cette perspective, il est urgent de mieux protéger l’indépendance des universités et de ses acteurs ?

Le mémoire de la FNEEQ rappelle également que la liberté académique et le droit à l’égalité ne sont pas incompatibles. Dans un tel contexte, les recommandations formulées par la FNEEQ–CSN sont essentielles afin de permettre aux universitaires et aux membres de l’enseignement supérieur de poursuivre leur travail fondamental, incluant un meilleur financement public des institutions d’enseignement. « Ce travail universitaire doit être libre de toute entrave et pression – ingérence politique, religieuse, économique ou de toute forme de dogmes – susceptible d’avoir des impacts négatifs pour l’avancement de la science et de notre société », de conclure Christine Gauthier.