Par les membres du comité diversité sexuelle et pluralité des genres (DSPG) et du comité femmes
L’actuelle montée globale de la droite est rapidement passée de préoccupante à terrifiante. Pour n’en nommer que quelques manifestations : le masculinisme devient « mainstream » ; l’immigration est dorénavant et ridiculement le bouc émissaire pour tous les problèmes de nos sociétés ; l’autonomie corporelle des femmes redevient objet de débats ; la culture du viol, l’homophobie et la transphobie redeviennent décomplexées et les féminicides continuent d’être perpétrés sans que notre gouvernement s’y attaque clairement et fermement. Qui plus est, pendant ce temps, un régime fasciste et expansionniste s’établit de plus en plus solidement chez nos voisins du Sud. L’érosion fulgurante de l’État de droit qui en résulte là-bas a entrainé, entre autres conséquences, des menaces d’annexion de territoires, des déportations d’immigrant·es dans des camps de concentration, des menaces officielles contre des juges, le démantèlement en cours du ministère de l’Éducation, la criminalisation de l’avortement, la banalisation des violences faites aux femmes ainsi que de multiples violations des droits des personnes trans (expulsions de l’armée, confiscation du passeport, réduction ou retrait de l’accès aux soins d’affirmation de genre, effacement de leur mention sur des sites gouvernementaux, etc.).
Un des points communs majeurs de tous ces reculs, c’est l’actuelle explosion de la désinformation et de son instrumentalisation politique au profit des « opinions » et des « impressions » les plus susceptibles d’atteindre des visées électoralistes. Devant ces constats, le comité femmes et le comité diversité sexuelle et pluralité des genres (DSPG) de la FNEEQ tiennent à réitérer d’une même voix que nos valeurs fondamentales, notamment de solidarité ainsi que de féminisme inclusif et intersectionnel, doivent être plus que jamais notre étendard. De plus, en tant que fédération œuvrant dans les milieux de l’éducation et de l’enseignement supérieur, nous sommes particulièrement interpelé·es par l’évacuation de la science des débats sociétaux et des processus décisionnels gouvernementaux.
En matière de pluralité des genres, nous assistons à ce même type de dérives, qui seraient pourtant rapidement résolues si on se référait aux consensus scientifiques actuels. Des politicien·nes et des figures publiques s’inventent des certitudes infondées et font des déclarations très médiatisées qui portent de grands coups aux communautés LGBTQIA2+. D’ailleurs, au Québec, les niveaux d’homophobie et de transphobie sont revenus à ceux d’il y a plus de 20 ans (GRIS, 2025)[1].
[1] Richard, G., A. Graindorge, A. Charbonneau, O. Vallerand et M. Houzeau. 2025. Augmentation des niveaux de malaise. Ce que les élèves du secondaire pensent de la diversité sexuelle, 2017-2024. Montréal, GRIS-Montréal. https://www.gris.ca/app/uploads/2025/01/GRIS_rapport-final_30jan2025.pdf
Diviser pour régner ou comment semer la bisbille pour opposer les femmes entre elles
Nous constatons aussi une tentative de mettre en opposition les droits des femmes cisgenres et ceux des personnes trans et non-binaires. Pourtant, les objectifs des unes et des autres sont bien souvent communs, notamment le droit à l’autonomie corporelle et la déconstruction d’une vision essentialiste des genres. Des épouvantails sont agités à tout vent pour tenter de faire croire que les femmes trans seraient un danger pour les femmes cisgenres dans les toilettes, dans les vestiaires, dans les prisons et dans le sport. Devant ces paniques morales, le bon réflexe devrait être de se tourner vers des données probantes scientifiquement solides, mais, encore une fois, c’est plutôt le règne des opinions et des impressions qui prévaut dans les sorties médiatiques. Pendant ce temps, les vrais problèmes auxquels font face les femmes, qu’elles soient cis ou trans, sont négligés, car il est beaucoup plus facile et payant d’un point de vue électoraliste de s’attaquer lâchement à une frange vulnérabilisée de la société. Dénoncer courageusement toutes les formes de masculinisme, investir dans la visibilité du sport féminin, mieux soutenir les maisons d’hébergement pour femmes violentées, rabrouer fermement toute tentative de limiter l’autonomie corporelle, prioriser l’éducation en général ainsi que celle à la sexualité et au consentement en particulier, etc., sont autant de pistes réellement bénéfiques aux femmes qui devraient être priorisées par une personnalité publique sincèrement soucieuse de leur bien.
L’intérêt des jeunes trans et non-binaire : une priorité
Les « droits des parents » sont aussi invoqués pour limiter ceux des jeunes trans et non-binaires. Au Canada, c’est l’Alberta qui est allée le plus loin dans cette dangereuse avenue. Soyons clair·es : les parents ont des responsabilités envers leurs enfants et n’ont en aucun cas l’autorité d’enfreindre leurs droits fondamentaux protégés par la loi. Ces derniers incluent notamment le droit de la jeune personne, dès l’âge de 14 ans au Québec, de prendre des décisions médicales (contraception, interruption de grossesse) et juridiques (changer officiellement sa mention de sexe) de même que le respect de la confidentialité, lequel nous touche directement en tant que personnes enseignantes. En vertu de la Charte des droits et libertés (du Québec), nous avons l’obligation d’utiliser les prénom et pronom indiqués par la jeune personne (transition sociale) et nous sommes tenu·es à la confidentialité si elle refuse de les dévoiler à ses parents. Ces droits, exempts de toute ambiguïté, sont soutenus par les connaissances scientifiques actuelles. En effet, les études nous révèlent que les jeunes trans et non-binaires courent un risque disproportionné de rejet et de violences de la part de leurs parents. Évidemment, la majorité de ceux-ci accueilleront avec bienveillance le dévoilement de leur enfant, mais le respect du rythme de ce dernier ainsi que le simple principe de précaution doivent demeurer prioritaires.
Des préjugés demeurent sur l’accès aux soins
Pour ce qui est de l’accès aux soins d’affirmation de genre (transition médicale) pour les jeunes, la littérature scientifique est robuste et claire à ce sujet tant sur le plan de sa validité médicale pour les personnes concernées que sur celui du cadre des protocoles d’accompagnement. Par exemple, chez les enfants prépubères, seule la transition sociale est accessible. Ensuite, un suivi médical rigoureux encadrera la potentielle prise de bloqueurs de puberté et, s’il y a lieu, l’éventuelle prise d’hormones sexuelles. Pour ce qui est des chirurgies, seule celle du torse est accessible avant l’âge de la majorité légale, encore une fois dans un cadre médical rigoureux où le consentement éclairé est fondamental. Les personnes et groupes s’opposant à ces soins invoquent, outre leurs opinions, inquiétudes et impressions, des études « scientifiques » pourtant maintenant réfutées et discréditées. D’ailleurs, nous constatons sans surprise que le Comité de « sages », qui ne comprenait aucune personne experte ou directement concernée, est lui-même tombé dans ces pièges à plusieurs égards, comme le démontre, entre autres documents, l’excellente Synthèse critique – Rapport du Comité de sages du Conseil québécois LGBT[2].
[2] Crémier, L. 2025. Synthèse critique – Rapport du comité de sages sur l’identité de genre. Conseil québécois LGBT. https://conseil-lgbt.ca/wp-content/uploads/2025/06/260625_CQLGBT_Synthese-critique-rapport-sages.pdf
La réponse à ces défis ? La solidarité féminine
Bref, le comité femmes et le comité diversité sexuelle et pluralité des genres tiennent à affirmer explicitement que leurs luttes et leurs valeurs sont communes. Les racines du sexisme et de la misogynie sont les mêmes que celles de l’homophobie et de la transphobie, et c’est à ces racines que nous devons nous attaquer. Nous tenons aussi à souligner que nous devons garder les yeux grands ouverts sur le fait que la droite s’infiltre de plus en plus dans les différents partis politiques en s’appuyant sur ces mêmes racines qui banalisent la haine. La résistance sera inclusive ou ne sera pas.