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Vers le droit à l'éducation supérieure

Lettre publiée dans le journal La Tribune, le 22 février 2007

L’Université de Sherbrooke, de McGill, de Montréal et Laval se sont associés pour réclamer à leur tour le dégel des droits de scolarité. Ils faisaient ainsi écho aux nouvelles positions des jeunes libéraux qui vont dans le même sens. Le prétexte : s’aligner sur le reste du Canada pour compenser le sous financement chronique des universités, joignant ainsi les commentateurs qui s’élèvent contre des droits de scolarité prétendument trop bas au Québec. En même temps, le mouvement étudiant canadien, appuyé par plusieurs sections québécoises, manifestait en sens contraire.

Le ministre Jean-Marc Fournier devrait rendre publique, au cours des prochains mois, une étude en quatre volets commandée sur le financement de l’éducation suites du rapport Gervais. Force est de constater qu’on veut nous forcer à remettre en question le gel des droits de scolarité, pour établir un nouveau contrat social entre les étudiantes, les étudiants et les contribuables.

Il y a là, manifestement, un enjeu déterminant pour l’avenir de l’enseignement supérieur. Envisager un dégel des droits de scolarité, même de manière retenue, c’est s’inscrire dans une philosophie de la méritocratie et admettre, du même coup, qu’il n’y a pas d’avenir à la gratuité dans les universités. Or pourtant, cette gratuité est le choix démocratique le plus logique que puisse faire une société qui souhaite réellement encourager l’ensemble de sa jeunesse à acquérir une formation de haut niveau.

Il devient de plus en plus évident que plusieurs partisans du statu quo appellent maintenant au dégel en alléguant qu’une hausse qui respecte l’inflation ne change rien. Le fond de la question se trouve plutôt dans le sens à donner à l’accessibilité et nous renvoie au statut de l’enseignement supérieur dans notre société. Dans une économie du savoir, l’enseignement supérieur ne doit-il pas être un droit accordé à toutes et tous ?

Il est pour le moins curieux – et suspect ! – que, tout à coup, ce soit la droite bien pensante qui clame « Faisons payer les riches ! » pour justifier un autre coup porté à l’universalité des politiques sociales. Pour la plupart des jeunes, la charge financière qu’implique la poursuite d’études supérieures ne se réduit pas aux droits de scolarité. On voudrait faire de cette taxation à la consommation de l’éducation un mécanisme de redistribution des richesses ! Pourtant, les droits de scolarité ne représentent que 12 % du budget des universités, comme l’indiquent les données de la CREPUQ.

Même dans un contexte de gratuité scolaire, des politiques d’aide financière seront nécessaires pour permettre aux moins nantis l’accès à l’enseignement universitaire L’éducation demeure une responsabilité sociale que l’État doit prendre en charge de la manière la plus complète et ce, à tous les niveaux. Cette responsabilité de l’État doit assurer à tous les jeunes ― et en particulier aux moins fortunés ― la dignité nécessaire à la réussite. De plus, il importe qu’elle demeure indépendante d’intérêts particuliers dans une société qui, comme la nôtre, est continuellement traversée par des tiraillements entre le bien commun et l’entreprise privée.

Au lieu de songer à taxer davantage celles et ceux qu’on voudrait encourager à étudier, il faudrait mieux examiner d’autres pistes de financement récurrent : l’élimination des abris fiscaux, par exemple, ou la révision du pacte fiscal, notamment avec des entreprises qui bénéficient, dès l’embauche, de la formation exceptionnelle de nos finissantes et de nos finissants, formation financée entièrement par les deniers publics.

Par Ronald Cameron,

Président de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)